Putti Attribué à Jean-antoine Watteau (valenciennes 1684 - 1721 Nogent-sur-marne)

ATTRIBUÉ À JEAN-ANTOINE WATTEAU
(Valenciennes 1684 - 1721 Nogent-sur-Marne)

Étude de Putti d’après Rubens (recto)
Étude de figures d’après Rubens (verso - contre-épreuve)

Craie noire et rouge rehaussée de blanc (trois crayons) sur le recto
Craie noire et jus d’ail, utilisé pour le transfert, sur le verso

21 x 29,2 cm

Provenance :
Collection privée, France

Œuvres associées :

Peter Paul Rubens, La Vierge à l'Enfant entourée des Saints Innocents, vers 1618, huile sur panneau (puis transférée sur toile), 138 x 100 cm, autrefois dans la collection de Louis XIV, INV 1763, Musée du Louvre.
Jean-Antoine Watteau, Putti d’après Rubens, huile sur toile, 24,5 x 33,4 cm, vente Galleria, 22 juin 1962, lot 40.
Cette étude des Putti s’inspire de La Vierge à l'Enfant entourée des Saints Innocents de Rubens, acquise en 1671 par Louis XIV auprès d’un certain Monsieur de la Feuille et aujourd’hui conservée au Musée du Louvre.

Le titre légèrement erroné de Vierge aux Anges, utilisé à partir de 1793, provient probablement d’une gravure reproduisant le tableau et légendée « Ave Domina Angelorum », une estampe anonyme publiée à Paris par François Langlois (1588-1647), dit Ciartres, parfois attribuée à Claude Vignon (1593-1670), une attribution contestée par Pacht Bassani mais peut-être admissible (Mariette l’évoquait, cf. Merle du Bourg). Cependant, il s'agit bien des Saints Innocents, ces nouveau-nés de Bethléem massacrés sur ordre du roi Hérode, qui cherchait à faire disparaître l’Enfant Jésus (Évangile de saint Matthieu, II, 16), dénomination correctement utilisée en 1751 (catalogue du Cabinet du Roi au Palais du Luxembourg, n° 61) et reprise dans plusieurs catalogues du Louvre (1799-1801, 1816, 1823, etc.). En réalité, les Saints Innocents sont représentés ici sans ailes (contrairement aux anges) et portant, pour certains, des feuilles de palmier puisqu’ils sont assimilés à des martyrs saints. Ce sujet, apparemment unique chez Rubens, est influencé par l’art italien du XVIe siècle (Titien, Pordenone) et daté aux environs de 1618.

Cette feuille est probablement une étude préliminaire pour l’huile sur toile représentant des Putti d’après Rubens, 24,5 x 33,4 cm, vendue lors de la vente Galleria en 1962 (lot 40) et lors de la vente de Versailles, Hôtel des Chevaux Légers, le 10 mars 1968 (lot 47).

Ce tableau, découvert en 1962 sur le marché de l’art parisien, est lié à notre Étude de Putti. Watteau copia les putti de Rubens en isolant de petits groupes pour les étudier, plutôt que de reproduire les compositions complexes de Rubens dans leur totalité. En se concentrant sur de petites zones des peintures, Watteau isolait des figures révélatrices d’émotions humaines finement observées, présentes dans les œuvres de Rubens. Ici, Watteau met l'accent sur les Putti. Watteau avait un accès privilégié à la collection royale grâce à Claude III Audran, conservateur du Palais du Luxembourg. Il est probable que Watteau copia les œuvres de Rubens dès le début de sa formation dans l’atelier d’Audran. Cependant, la plupart des copies existantes de Watteau affichent un tel niveau de maîtrise et de virtuosité qu’elles datent probablement de la fin de sa carrière.

Watteau n’attendit pas son entrée chez Crozat pour copier des dessins, ni son séjour au Luxembourg pour examiner leurs peintures. En travaillant pour Gillot, il pouvait copier librement dans les boutiques d’estampes de la rue Saint-Jacques, et Pierre et Jean Mariette possédaient les gravures les plus connues de Rubens. Certaines études d’après Rubens restent dans la tradition respectueuse du maître, mais incluent toutes les subtilités de style et de couleurs propres à Watteau. Ces transpositions laissent déjà entrevoir son lyrisme personnel.

Cette Étude de Putti est exécutée dans la technique des trois crayons, que l’on associe étroitement à Watteau. Elle montre une application délicate des craies, avec des hachures fines et des contours confiants. Les esquisses d’après les maîtres révèlent particulièrement bien les directions que Watteau explorait dans son art.

Dans cette étude, qui doit beaucoup à la mémoire de Rubens, certaines méthodes d'exécution sont évidemment identiques, notamment dans la manière de dessiner les yeux : les paupières sont tracées avec précision. La manière de Watteau diffère légèrement de l’huile sur toile qu’il réalisa à partir de cette étude, avec une exécution plus méticuleuse et raffinée. Ces Putti révèlent la richesse des couleurs de Watteau grâce au jeu des trois crayons. On y retrouve le mélange Rubenien de teintes chaudes et froides, mais avec une délicatesse et une spiritualité accrues.

Le verso, représentant une étude de figures d’après Rubens, est une contre-épreuve obtenue grâce à une technique rare et plutôt nordique, qui n’est pas contradictoire avec les origines nordiques de Watteau. Cette technique consiste à poser une feuille sur une peinture pour en obtenir une copie délicatement transférée à l’aide d’un mélange de jus d’ail et de craie noire.

Inédit, ce dessin attribué à Watteau constitue une redécouverte importante.