(Lisieux 1790 - Saint-Cloud 1854)
Petit ramoneur assis dans la neige
Huile sur toile
H. 21,5 cm ; L. 16,5 cm
Vers 1819
Exposition : très probablement Salon de Lille de 1822, sous le numéro 175, titré Un petit savoyard mangeant son pain
Oeuvres en rapport :
– Copie réalisée en 1824 et conservée au château de Daubeuf jusqu’en 2013
– Tableau exposé au Salon de Paris de 1824, numéro 620, titré Un petit savoyard, et acquis par la duchesse de Berry. La composition représente également un petit savoyard mangeant son pain, mais debout.
Elève de Claude Gautherot et de Jacques-Louis David à partir de 1808, Duval Lecamus est un des principaux représentants de la scène de genre sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, exposant avec succès sans discontinuer aux Salons de 1817 à 1853, non seulement à Paris mais aussi beaucoup en Province. Sa facture minutieuse et léchée, inspirée par les artistes nordiques du XVIIème siècle, correspond parfaitement aux goûts de la duchesse de Berry et du duc d’Orléans (futur Louis-Philippe), et le range dans la même sphère d’artistes tels que : Boilly, Drolling, Grenier de Saint-Martin, Mallet, Roehn, Haudebourg-Lescot ou Pingret.
Pratique relativement courante chez les artistes, il avait accolé à son nom (Duval), et ceci à partir de 1817, celui de sa femme (épousée en 1813), qui appartenait à un milieu bien plus élevé que le sien, afin de s’ouvrir des portes en terme de clientèle, mais aussi pour éviter la confusion avec un autre peintre, Eustache-François Duval (1760-1836). Fondateur du musée de Lisieux et un temps maire de Saint-Cloud où il passa la fin de sa vie, il eut un fils, Jules-Alexandre (1814-1878), qui réalisa aussi une belle carrière de peintre.
On trouve ses oeuvres dans de nombreux musées français mais aussi à l’Hermitage de Saint-Petersbourg, ou au Clark Art Institute (USA).
Pierre Duval Lecamus eut deux spécialités:
– Les portraits en pied d’élégants modèles, sur fond de paysage, de petit format et d’exécution brillante et raffinée.
– Les scènes de genre, d’intérieur ou bien d’inspiration paysanne et populaire (paysans, chasseurs, marins…), tout aussi précises dans leur facture.
C’est à cette dernière catégorie qu’appartient notre toile, et en particulier au thème des petits ramoneurs savoyards, que Duval Lecamus traita à de nombreuses reprises au début de sa carrière, et auquel Jessica Volet, spécialiste de l’artiste, a consacré un article détaillé.
L’oeuvre peut être associée avec celle du musée de Narbonne, titrée Un petit ramoneur, de dimensions quasi-identiques et également non signée, que l’on peut dater de 1818/1819, la composition étant effectivement fidèlement décrite dans un inventaire de 1819 du marchand Alphonse Giroux.
Le tableau de Narbonne et le nôtre ont été copiés par la marquise Georgine de Portes, copies offertes le 24 décembre 1824 à son oncle marquis d’Aligre, propriétaire du château de Daubeuf en Seine-Maritime, et conservées en ce lieu jusqu’à la vente du mobilier du château en 2013. Les copies sont de mêmes dimensions que les originaux. L’une (probablement la reprise de Narbonne) est datée 1820; l’autre (probablement la nôtre) est datée 1824.
Notre tableau a donc pu être exécuté à la même période (1818/1819) que le petit ramoneur de Narbonne (d’autant que tout comme lui, il n’est ni signé ni daté). Mais il aurait aussi pu être réalisé vers 1822, au moment de sa probable exposition à Lille. On ne peut toutefois pas totalement exclure que le tableau de Lille soit le même que celui exposé à Paris en 1824 et acquis par la duchesse de Berry.
Notre peinture tient à la fois du portrait, de la scène de genre et de l’image sociale. Le jeune ramoneur semble en effet être photographié par l’artiste et en interaction avec le spectateur qui serait « tombé » sur lui à l’angle d’une rue, croisant naturellement son regard un peu triste mais digne le temps de quelques secondes; il profite d’un moment de pause pour déguster son morceau de pain, le mouvement de la découpe étant particulièrement juste; l’artiste détaille les ustensiles de son activité : le balai, la raclette à suie, le bonnet, les genouillères de cuir pour se mouvoir dans les conduits de cheminée, la bâche, les souliers cloutés, et introduit quelques éléments pittoresques comme les affiches ou la borne ; la simplicité de la nourriture, la neige et le froid ainsi que l’absence d’abri ou de vie humaine, traduisent l’existence difficile et solitaire de ces petits ramoneurs.
Dans l’esprit et la tenue des ramoneurs, notre toile se rapproche de celle de Claude-Marie Dubufe (1790-1864), l’ami de Duval Lecamus, datée 1820, exposée au Salon de Paris de 1822, et aujourd’hui conservée au musée de Grenoble.