Enzo Benedetto - Autoportrait En Prisonnier (1941)

Autoportrait en prisonnier (1941)

Technique : huile sur toile

Dimensions : 50 x 34 cm

Signée en bas à droite : « Benedetto 941 ».

Signé, titré et daté au dos : « Enzo Benedetto - Autoportrait de prisonnier - Jalahalli 13 - 8 - XIX ».

Provenance: héritiers de l'artiste

Artiste éclectique, peintre, graphiste, journaliste, écrivain, Enzo Benedetto « a consacré sa vie, plus que beaucoup d'autres, au futurisme »[1]. Protagoniste de la deuxième vague futuriste entre les années 1920 et 1940, il a hérité de l'idéalisme du courant originel de 1909, le poursuivant activement jusqu'après la Seconde Guerre mondiale et exaltant ses aspects les plus vitaux : l'aéropeinture, le design, la dramaturgie, la scénographie et les arts appliqués.

Un moment crucial de sa biographie, qui marque un tournant dans sa production, sont ses années d'emprisonnement : après être parti comme volontaire en Libye en 1939, il a participé à plusieurs actions militaires en Égypte. Capturé comme prisonnier de guerre par les Britanniques, il est emprisonné pendant six ans, d'abord à Alexandrie et à Jsmailia, puis à Bangalore et à Yol, en Inde. Pendant cette période intense, il écrit le roman Un cane in chiesa (Un chien dans l'église ) et surtout l'essai sur la quatrième dimension; il continue ensuite à peindre et exécute également quelques sculptures en argile qu'il détruira par la suite : certaines peintures et certains dessins, souvent réalisés sur du matériel de fortune, reviendront en Italie, que Benedetto lui-même ramènera roulés dans ses bagages.

Une œuvre emblématique de ses années decaptivité est l'Autoportrait du prisonnier. L'inscription au dos « Enzo Benedetto - Prisoner self-portrait - Jalahalli 13 - 8 - XIX » (fig.1) confirme que la peinture a été exécutée pendant sa détention à Jalahalli, une banlieue de Bangalore, en août de la dix-neuvième année fasciste, 1941. Il s'agit d'un petit et précieux autoportrait futuriste, fixé avec immédiateté et acuité, dans lequel le visage n'apparaît pas derrière les barreaux de la cellule, mais fluctue entre des intersections de plans, de nuages et de formes douces, et est partiellement caché par un ruban d'espoir avec le drapeau italien. Des tons délicats et ombragés dans un espace onirique et dynamique qui procure simultanément une sensation de mobilité et de pulsations vitales et contemplatives, loin du statisme et de la résignation qu'une image d'emprisonnement pourrait véhiculer, comme si l'auteur rêvait déjà d'être libre. « La décomposition est toujours construite sur des tensions linéaires ou concentriques, angulaires ou courbes [...], morphologiquement futuristes, afin de créer une condition d'espace non-objectif, intelligible et utilisable seulement de manière rationnelle"[2]. S'il existe des compositions plus agitées dans les autres compositions de la prison, comme la Danza macabra de 1942 (fig.2 ), un memento mori dynamique et pressant, l'Autoportrait, bien que nébuleux et ondoyant, représente une affirmation de soi incontestable et combative, qui explosera ensuite à son retour en Italie : « En avril 1947, dès mon retour après un an de guerre et six ans d'emprisonnement en Inde, j'ai affronté ma nouvelle liberté en repartant de zéro avec une exposition personnelle qui a été inaugurée dans la Galleria di Roma, au Teatro delle Arti [...]. L'exposition de plus de cent œuvres, dont la plupart avaient été exécutées en captivité, a été une surprise"[3].


[1] M. Verdone, Benedetto, in Quaderni di futurismOggi no. 22, Rome, Edizioni Arte-Viva, 1977, p. 1.

[2] G. Caldini, Alcuni giudizi, in M. Verdone, Benedetto, in Quaderni di futurismOggi no. 22, Rome, Edizioni Arte-Viva, 1977, p. 16.

[3] E. Benedetto, Futurismo cento x 100, Rome, Edizione Arte-Viva, 1975, pp. 191-192.