ESQUISSE DE SCÉNOGRAPHIE POUR LA COMÉDIE DON QUICHOTTE
ÉCOLE FRANÇAISE VERS 1730
Gouache sur papier, cadre d'origine XVIII rococo avec verre ancien.
22,5 x 40,5 cm / 8,9 x 16 pouces, avec le cadre 31 x 49 cm / 12,2 x 19,3 pouces
PROVENANCE
France, collection particulière
DON QUICHOTTE SUR LA SCÈNE FRANÇAISE : THÉÂTRE, BALLET ET SCÉNOGRAPHIE
Don Quichotte est un personnage qui a captivé le cœur des artistes de théâtre et des spectateurs du monde entier. La France, législatrice des modes non seulement en matière de costumes mais aussi dans les arts, a offert au XVIIIe siècle une interprétation unique de cette figure, charmant le public par un burlesque subtil, une satire fine et la grâce du ballet.
La période de 1715 à 1730 peut être qualifiée de renaissance de l'intérêt pour Don Quichotte sur la scène française. Cependant, le roman de Cervantès lui-même est relégué au second plan dans ces productions : les dramaturges s'inspirent d'épisodes spécifiques, parfois réinterprétés jusqu'à l'inconnu. Jean Galbert de Campistron présente en 1709 Le Jaloux désabusé, Philippe Néricault Destouches en 1711 crée Le Curieux impertinent, et Louis Fuzelier apporte une touche comique à la figure de Sancho Panza dans ses pièces Arlequin et Scaramouche vendangeurs (1710) et Arlequin défenseur d’Homère (1715).
L'année 1720 est particulièrement remarquable, lorsque Charles-Antoine Coypel présente Les Folies de Cardénio, un ballet héroï-comique. Suivent ensuite Les Noces de Gamache (1722), Le Prince travesti de Marivaux (1724) et le ballet Don Quichotte chez la Duchesse (1734). Ces spectacles mettent en avant non pas la profondeur philosophique du roman, mais son potentiel comique et spectaculaire.
L’ARRIVÉE DE DON QUICHOTTE AU MARIAGE DE CAMACHO : THÉÂTRALITÉ ET GRANDEUR
L'un des épisodes les plus marquants du livre — le mariage du riche Camacho — est devenu particulièrement populaire dans les adaptations théâtrales. Ce festin somptueux est décrit par Cervantès avec une précision picturale :
« La première chose que vit Sancho, ce fut un bœuf tout entier, embroché sur un orme, et sur le feu où il allait être rôti brûlait une montagne de bois. Six marmites, qui n’étaient pas des marmites ordinaires, mais des cuves de vendange, contenaient des moutons entiers, comme s’ils n’eussent été que des pigeonneaux. Les lapins écorchés et les poules plumées, qui pendaient aux arbres pour être plongés dans les marmites, étaient innombrables. On voyait des oiseaux de diverses espèces, suspendus aux branches, pour être conservés au frais. Sancho en compta plus de soixante outres, de plus de six gallons chacune, toutes pleines, comme il le reconnut plus tard, de vins généreux. Il y avait de grands tas de pain le plus blanc, amoncelés comme des tas de blé sur l’aire. »
Cet épisode se reflète dans la scénographie théâtrale du XVIIIe siècle. Les esquisses des productions transmettent l'esprit du festin grandiose : au centre, des dames élégantes portant des mets, recréant l'atmosphère d'un ballet de cour. Au premier plan apparaissent Don Quichotte et Sancho, tandis que l'arrière-plan, avec une ville s'élevant au loin, donne à la scène profondeur et perspective.
La composition complexe à plusieurs plans, les draperies théâtrales et l'expression accentuée des poses témoignent de l'influence de la scénographie baroque française. Ce n'est pas seulement de la peinture — c'est un spectacle figé, reflétant l'esthétique du théâtre de l'époque de Louis XV, où chaque élément souligne l'élégance et le spectacle.