Lettre autographe signée à André Tardieu, commissaire général aux affaires de guerre franco-américaines à Washington. St-Vincent sur Jard, 22 septembre 1922; 3 pages in-8° sur un double feuillets. Pliures d’usage
Le vieux tigre, au soir de sa vie, conte une anecdote savoureuse passé dans son cabinet de guerre avec le premier ministre britannique Lloyd George, à propos du retrait des troupes anglaise sous l’autorité du général Louis Franchet d’Espèrey durant l’offensive sur le front d’Orient.
« J’ai donc lu les coupures […] puisque vous me l’avez demandé. Le seul résultat est de vous rappeler que L. George [David Lloyd George ancien premier ministre britannique à la fin de la première guerre] entra un matin dans mon cabinet pour m’annoncer qu’il avait télégraphié au commandant des troupes britanniques opérant sous Franchet d’Esperey de se soustraire au commandement de ce dernier. Cela sans discussion, sans avertissement préalable. Et pourquoi ? Parce que Franchet avait donné tels ordres aux troupes anglaises, que n’approuvait pas L. George. Vous devinez la scène. Ce fut la plus grave de la guerre.
Enquête faite, L. George dut reconnaître que F. d’Esperey n’avait pas fait ce qu’il lui reprochait. Mais à la suite de l’affaire, la situation devint telle que les Anglais ne tardèrent pas à nous lâcher. Voilà comment j’ai « retiré » les troupes anglaises à Franchet d’Esperey. Ceci pour vous seul, bien entendu (…). P.S. Je me demande si ce ne serait pas Bouillon ou Briand qui auraient inspiré la scène de L. Georges à Versailles à propos de Franchet d’Esperey que j’aurais après limogé (carnets Pétain), ces deux messieurs me jaugeant à leur mesure, m’avouent, en effet, que je voulais nous faire battre en Asie. C’était, en effet, de l’audace de prendre un général limogé. Que n’aurait-on pas dit si nous avions eu le dessous ? C’est le contraire qui arriva. Mais la vanité fate du général (qui n’est pas sans qualités militaires) voyait plus grandiose. Il lui fallait un coup de foudre qui l’eut mis à la place de Foch. Supposé qu’il l’eut pu faire – ce que je ne crois pas – l’occasion ne lui en fut pas offerte par les évènements. C’est ce qu’il ne me pardonna pas. »
Dans cette remarquable lettre, Clemenceau fait allusion à l’expédition des armées alliées à Salonique dirigée par le général Louis Franchet d’Espèrey. Cette vaste armée comprend 157000 grecs, 119 000 serbes, 43 000 italiens et 138 000 britanniques. Il obtient la victoire face aux troupes allemandes et bulgares au bout de quatorze jours malgré les difficultés rencontrés face aux exigences des alliés. L’armistice est signé le 29 septembre 1918 mettant fin au front d’Orient.