Signé et daté 1737
Christophe Huet nous offre la représentation d’une scène animalière joyeuse, tendre et intime. Deux singes capucins jouent au bord d’un étang dans un paysage forestier d’apparence occidentale. L’arrière-plan droit est animé de plusieurs bâtiments: Une petite église est accolée à un important colombier, et bordée d’une bergerie.
Il n’est pas rare chez Christophe Huet de voir ces espèces animales exotiques (Perroquets, canards d’Amérique, singes d’Amérique et d’Asie) dans des paysages locaux et à l’inverse des espèces occidentales (Renards, hiboux, biches) sont représentées dans des paysages exotiques, entourées de pavots, d’agaves et pour l’architecture des représentations de toits de pagodes.
Huet réalise en 1735 deux ans avant notre tableau la célèbre et importante série des dix grands tableaux animaliers pour l’hôtel particulier du Petit Luxembourg à Paris, pour Marie-Anne de Bourbon-Condé dite Mademoiselle de Clermont (1697-1741). Cette série comprend notamment le « Paysage avec singes macaques … » qui est conservé au Musée Condé de Chantilly (Ill. 1). Huet expose aux salons de l’Académie des Peintres de Saint Luc dans les années 1750 plusieurs tableaux animaliers qui feront dire de lui par la critique qu’il est le « digne élève de M. Oudry ». Christophe Huet s’inscrit ainsi dans la lignée des grands peintres animaliers que sont JB Oudry et JF Desportes dont il collectionnait les œuvres.
Ill1.
Les deux singes Capucins importés d’Amérique Centrale ou du Sud, ont été observés et dessinés par Huet à la Ménagerie Royale de Versailles, ou celle de Chantilly ou de Vincennes. Les regards des singes sont dirigés hors de la scène du tableau. ils observent en retour le visiteur privilégié qui vient admirer et étudier les espèces animales rares et précieuses importées d’Amérique et d’Asie par les comptoirs commerciaux de la Compagnie des Indes dans les Cours d’Europe. On connait une suite de onze planches gravée par Jean-Baptiste Guélard d’après des dessins de singeries de Christophe Huet qui est dédiée à « M. Delorme, Premier garçon et délivreur de la Ménagerie de Versailles » (Ill. 2 et 3).
Ill2.
Les poses contournées et acrobatiques de ces deux singes qui jouent sont des motifs de prédilection pour les grands ornemanistes français depuis Jean Bérain et ses grotesques, Claude Gillot, Jean-Antoine Watteau, et Claude III Audran. A l’instar de son Maître Claude III Audran qui réalisa des Singeries pour Louis XIV au château de Marly, Christophe Huet devient le plus grand spécialiste de son temps de ces représentations de singes qui jouent, dansent, jouent de la musique, et imitent l’homme jusque dans ses costumes (Ill. 3). Précisément l’année de notre tableau en 1737 il réalise ce chef-d’œuvre de la peinture ornementale française pour le Prince de Condé (1692-1740) : « La Grande Singerie » pour le grand appartement des Princes de Condé au Château de Chantilly (Ill 4). Deux années auparavant il peint « La Petite Singerie » dans le Boudoir du Petit Château de Chantilly pour la duchesse de Bourbon.
Ill 3.
Ill 4.
Après avoir incarné une imitation inférieure de l’homme et symbolisé le démon pendant l’Antiquité et le Moyen-Age, le singe qui était divinisé par les chinois, est devenu un animal très apprécié et domestiqué par l’aristocratie européenne du XVIIIe siècle. Albrecht Dürer possédait un singe en 1521, qu’il a représenté dans plusieurs compositions dont « La Vierge au macaque » en 1498. Philippe IV d’Espagne collectionnait les tableaux de singes dans une galerie au Prado. Notre tableau est l’incarnation dans l’Art sous Louis XV de l’exotisme, du divertissement et du jeu que cette société appréciait tant.
Christophe Huet dans les musées:
Bibliographie : « Les Singeries de Chantilly », Nicole Garnier-Pelle. In Fine éditions d’art, 2021.