Bronze doré.
Russie.
Début du XIXe siècle.
h. 48 cm.
Cette paire de candélabres-flambeaux à deux bras de lumière, exceptionnelle par la qualité de sa ciselure, est probablement une œuvre des arts décoratifs russes, proche de certaines œuvres dessinées par Giacomo Qarenghi pour la Manufacture impériale de Saint-Petersbourg à la fin du XVIIIe siècle.
L’artisanat des bronzes dorés dans la Russie du début du XIXe siècle reposait largement sur des artisans français et allemands, appelés en Russie dans la seconde partie du siècle précédent. Ce fait historique explique deux penchants remarquable dans de nombreuses productions russes de l’époque, à savoir une composition très riche du point de vue ornementale, héritière des arts décoratifs italiens du XVIIIe siècle, et une grande maîtrise technique de la dorure et de la ciselure, apportée en Russie par les bronziers français et surtout des orfèvres allemands, dont certains ont acquis une certaine célébrité, tels que Schreiber, Baumann ou Bergenfeld.
Cette qualité, effectivement à la limite de l’orfèvrerie, se manifeste dans la ciselure de ces candélabres, particulièrement aux ailes des cygnes, cygnes dont l’iconographie domine, pour des raisons différentes, autant les arts décoratifs français sous l’Empire que ceux de la Russie impériale. Remarquables aussi, les feuilles d’acanthe, finement modelées à la gouge et amaties, posées en applique sur la base candélabres. D’autres éléments encore, dont les couronnes de fleurs enrubannées — elles aussi fixées en applique, mais aussi les bras de lumière en rinceaux décorés de feuilles d’acanthe, les vases de fleurs et de fruits, rapprochent encore ces candélabres des productions de la manufacture de Saint-Petersbourg, dont les productions les plus prestigieuses étaient dessinées par des architectes italiens invités en Russie, à l’exemple de Carlo Rossi et de Giacomo Quarenghi.
L’opposition, malgré des points communs iconographiques, entre les bronzes dorés français et russes du début du XIXe siècle du point de vue du style et de l’ornement, s’explique par l’embargo imposé sous le tsar Alexandre Ier aux bronzes français. Les objets d’art français du nouveau style étant alors peu nombreux en Russie, c’est sur les dessinateurs situés en Russie, souvent d’origine italienne, que doivent compter les collectionneurs russes désireux d’orner leurs décors d’objets du nouveau style. Le style Empire français, qui se diffuse alors en Europe, est ainsi réinterprété à cause de l’isolement partiel dans lequel les artisans russes avaient été maintenus. Ce sont ces derniers qui ont produit ce style « Empire russe », mêlant les thèmes iconographiques antiquisants et égyptomanes de l’Empire français à une très grande richesse ornementale d’origine italienne exécutée grâce à la maîtrise des orfèvres allemands
Cette paire de candélabres fait aussi paire de flambeaux : le vase de fleurs est de fruits, qui termine le fût et d’où naissent les bras de lumière, est en vérité un binet.
Sources
Igor Sychev, The Russian Chandeliers 1760-1830, Moscou, 2003 ; Igor Sychev, Russian bronze, Moscou, 2003.