La poterie de Ciboure voit le jour à Saint Jean de Luz en 1919 sous les talents conjugués d'Étienne Vilotte (1881-1957) ébéniste de formation, Louis Benjamin Floutier (1882-1936) peintre diplômé des Beaux-Arts parisiens et d'Edgard Marcel Lucat, (1883-1953) dit Lukas le tourneur potier. L’installation au Pays basque ne s’est pas faite au hasard, la région recèle d’importants gisements d’argile, en particulier une terre rouge provenant de la tuilerie près de Biarritz, qui donnera une belle couleur beige rosé à leurs grès. La poterie de Ciboure impose et affirme son style avec une iconographie Art Déco et néo-grecque mélangeant l’influence des traditions basques. Ces créations vont très vite rencontrer le succès, forçant l’admiration en 1921 du Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Bayonne. Dans cet article élogieux, on apprend aussi que Lucat se serait inspiré du souvenir de fouilles archéologiques menées à Salonique, ville où il était cantonné en 1916. D’une manière plus évidente, le néo-grec s’affirme comme une tendance très répandue parmi les créateurs du début du siècle, d’Armand-Albert Rateau à André Metthey. Pour nos trois céramistes, la référence absolue sera la peinture et les décors rouge et noir du Ve siècle av. J.-C. un âge d’or marqué par la recherche des proportions idéales et du rythme. La forme des pièces est également inspirée de la typologie antique, générant entre autres alabastres, aryballes ou pyxis, suivis après 1922 d’artefacts plus imposants tels qu’amphores ou stamnos. Avec l’épanouissement de l’Art Déco de la décennie 1920, les motifs se libèrent des schémas antiques, la présence de nouveaux décorateurs, comme Jean Léon ou Pierre Almès. L’exposition présente un exceptionnel lébès avec personnages nus sur fond de forêt, d’une date précoce, probablement 1921-1922 ; à l’évidence, ces figures d’une grande liberté de trait sont marquées par la connaissance des recherches contemporaines. L’art virtuose du second est illustré par plusieurs pièces. À cette même période émerge tout le courant ornemental qui emprunte ses thèmes à la tradition basque, alors que les grandes villas construites sur le littoral n’hésitent pas à reprendre les éléments de la demeure ancestrale. L’atelier d’art de Ciboure se met aussi au goût du jour et, petit à petit, les décors régionalistes remplacent les compositions néo-grecques. Signe des temps, cette nouvelle veine constitue la majorité de la production. La transition s’est effectuée en douceur, les scènes basques occupent maintenant l’exact emplacement des précédentes, entre des bordures à l’antique faites de motif géométrique à la manière de métopes. Par ce procédé, les personnages Basques, pourtant saisis dans leurs activités les plus courantes, accèdent à une dimension monumentale digne des grandes figures de l’Antiquité.