Cette remarquable huile sur panneau, réalisée par un maître de l'école flamande vers 1580/1600 représente saint Cornelius agenouillé en prière devant le Christ en croix.
Au bas du panneau, un phylactère indique l'identité du Pape : Corneille (Cornelius), ainsi que la prière « Bid Vor Ons » : « Priez pour nous ».
Le pape, identifiable par sa tiare posée au pied de la croix et sa chape richement ornée, exprime une profonde dévotion. Le paysage en arrière-plan, avec une ville fortifiée sous un ciel dramatique, est typique des compositions flamandes de l'époque, où l'attention aux détails et le sens de la perspective confèrent une grande profondeur à la scène.
Le traitement de la lumière et des drapés, ainsi que la finesse des expressions, témoignent d'un travail d'atelier de haute qualité. La présence du crâne au pied de la croix rappelle le Golgotha et renforce le symbolisme du memento mori, courant dans l'art religieux de l'époque.
Saint Cornelius a été une figure particulièrement représentée par les artistes flamands de cette époque pour plusieurs raisons historiques, religieuses et culturelles. A la fin du XVIeme siècle l'Europe est marquée par la Contre-Réforme, un mouvement catholique visant à réaffirmer la foi face au protestantisme. L'art religieux devient un puissant outil de dévotion et de propagande. Les peintres flamands, travaillant dans un territoire largement catholique sous influence espagnole, sont encouragés à représenter des figures de saints comme modèles de piété. Saint Cornelius, en tant que pape et martyr, est un exemple parfait de fidélité à l'Église. Bien que saint Cornelius ait été un pape du Ille siècle, son culte s'est développé en Flandre, où il était particulièrement vénéré comme protecteur contre les maladies nerveuses, l'épilepsie et les maladies du bétail. De nombreux pèlerinages lui étaient dédiés, notamment à Saint-Cornil, près de Gand. Ce culte local explique pourquoi il apparaît fréquemment dans l'iconographie flamande. Les peintres flamands, influencés par la tradition de Pieter Paul Rubens et de ses contemporains, privilégient des compositions théâtrales et expressives, mettant en scène des figures religieuses dans des paysages détaillés. La représentation de saint Cornelius en prière devant le Christ en croix s'inscrit parfaitement dans cette approche :
Elle souligne son humilité et sa piété.
Elle le rapproche du sacrifice du Christ, ce qui renforce son rôle de martyr et d'intercesseur.
La ville fortifiée en arrière-plan évoque la Jérusalem céleste ou une ville flamande contemporaine, créant une connexion entre le saint et les fidèles de l'époque.
Les œuvres représentant saint Cornelius étaient souvent commandées par des églises, des confréries ou des mécènes soucieux d'encourager son culte. Il était fréquent que ces tableaux soient offerts en ex-voto par des familles ou des corporations ayant bénéficié de sa protection. La représentation de saint Cornelius par les artistes flamands vers 1600 témoigne donc à la fois d'un renouveau religieux, de l'ancrage local de son culte et du goût flamand pour une peinture narrative et dramatique.
Cette œuvre s'inscrit pleinement dans ce contexte, mettant en valeur la spiritualité et l'influence du saint dans la culture flamande.
Huile sur panneau (fente, restaurations) 78 x 57 cm.
Provenance: Vente anonyme, Versailles, Palais des Congrès, le 19 novembre 1978, lot 76, repr. "Ecole flamande de la fin du XVle siècle".
A rapprocher des crucifixions de Gillis Mostaert. On note que le Christ en croix et une partie du paysage sont repris d'une estampe de Raphael Sadeler 1 (1560/61-1628/32) d'après Marten de Vos (1532-1603).