Graphite sur papier
Signé en bas à gauche
Cachet de l’artiste (L.3078), en bas à droite
Dessin préparatoire au tableau du même sujet exécuté en 1866 (collection privée)
Ce charmant dessin, illustre un épisode biblique de la vie de Suzanne, raconté dans le Livre de Daniel (XIII). La scène représente le moment où la jeune Suzanne, s’apprête à prendre un bain, entourée de ses servantes. On distingue, ébauchées en fond dans le registre supérieur, les figures de deux vieillards, qui épient la jeune fille. Par la suite, les deux hommes profiteront du départ des servantes, parties s’enquérir d’huile pour son bain, afin de venir faire des avances à Suzanne. En représailles du refus qu’elle leur oppose, ceux-ci l’accusent d’adultère et la font condamner à mort. Grâce au prophète Daniel, qui la fait innocenter, elle aura la vie sauve.
La figure de Suzanne, occupe le centre de la composition. Elle s’apprête à descendre les marches qui la mèneront dans son bain, tandis qu’une servante l’aide à se dévêtir de son voile. Bien qu’elle soit nue, ses gestes revêtent une certaine pudeur, qui correspond au caractère de la jeune fille, tel qu’il est décrit dans les textes. Elle est encadrée à droite, par une seconde servante, qui s’affaire sur un encensoir, qui disperse sa fumée sur l’arrière-plan de la scène. Aux pieds de celle-ci, on distingue un lécythe, ainsi qu’une ébauche d’éventail.
La scène, qui semble se dérouler sous une arcade, est structurée par des éléments architecturaux : à droite, une colonnette surmontée d’une statue, et à gauche, une colonne qui se dresse derrière le groupe de femmes, partiellement dissimulée par un lourd rideau. Plus haut, un balcon, ou une balustrade, fait office de poste d’observation pour les deux vieillards venus espionner la jeune fille.
Certains éléments sont esquissés avec fougue par l’artiste, tandis que d’autres, comme les silhouettes de Suzanne et de la servante qui l’assiste, sont d’un dessin plus prononcé. L’artiste a semble-t-il voulu fixer son choix sur l’attitude définitive qu’il donnera à ses personnages, lors de la réalisation de son œuvre finale. Car ce dessin est assurément une étude pour une peinture, aujourd’hui conservée dans une collection privée, dans laquelle Colin reprendra fidèlement les idées ébauchées ici.
La figure de Suzanne rappelle les Vénus de la renaissance et notamment celle de Parmigianino ou de Correggio et illustre la familiarité de l’artiste avec les productions des maîtres anciens. On sait que le thème ne lui est pas inconnu, puisqu’ il a déjà réalisé au moins deux copies du thème de Suzanne et les vieillards : la Suzanne de Véronèse, conservée au Musée du Louvre et celle de Rubens, conservée à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Madrid.
On ressent également des influences plus contemporaines, particulièrement dans la touche orientaliste empruntée à Théodore Chasseriau (1819-1856) et à son tableau de 1854, Femme mauresque sortant du bain.
Si le parcours de l’œuvre est difficile à retracer, il est probable qu’elle soit référencée comme l’une des odalisques citées dans la section des dessins du catalogue de la vente après décès de l’artiste le 2 février 1876[1].
Biographie d’Alexandre-Marie Colin
Artiste prodigue de l’école romantique, Alexandre-Marie Colin n’a que 16 ans lorsqu’il rentre dans l’atelier d’Anne Louis Girodet à l’école des Beaux-Arts de Paris. Il intègre ensuite celui de Pierre-Narcisse Guérin, où il fait la connaissance du grand Eugène Delacroix (1798-1863). Cette camaraderie d’atelier débouche sur une amitié durable, ainsi que sur une influence artistique réciproque, qui vaudra à leurs œuvres d’être parfois confondues. Les deux artistes partageront également un atelier, où chacun réalise des lithographies des tableaux de son condisciple.
« Sa facture nerveuse et puissante l’apparente à l’art de Delacroix, à tel point que certains ont pensé qu’il pouvait y avoir confusion entre certaines œuvres des deux artistes. »[2]
Son cercle amical comprend aussi le peintre et figure de proue du romantisme anglais, Richard Parkes Bonington (1802-1828), et Théodore Géricault. A l’occasion de l’exposition à Londres du Radeau de la Méduse, il exécuta pour ce dernier la gravure qui sera présentée au public.
Peintre et graveur prolifique, Alexandre Marie Colin est reconnu pour ses portraits, de grands Hommes et d’acteurs en costumes, pour ses scènes de genre et ses paysages. Il est également loué pour ses talents de copistes : les voyages qu’ils effectue en Angleterre, en Italie, ou encore en Espagne, sont l’occasion pour lui d’admirer les collections d’art ancien européennes et de copier les œuvres des plus grands peintres. Ses reproductions, qui montrent son talent pour capturer le génie et les particularités de chaque artiste, sont très appréciées par ses contemporains.
Colin expose au salon dès 1819 et jusqu’à la fin de sa carrière. Il y reçoit plusieurs récompenses, dont la médaille de 1ère classe en 1840.
Il honore de nombreuses commandes pour des programmes décoratifs, des scènes historiques pour le Grand Trianon aux tableaux d’églises parisiennes. On retrouve ses œuvres dans les collections de prestigieux Musées, en France et à l’international.
[1] Catalogue des tableaux et copies par Alexandre Colin […], 2 février 1876, Hôtel Drouot, Paris
[2] Bénézit Emmanuel, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs […], Edition Gründ : Paris, 1999, Tome 3, p. 773.