Ttès intéressant tableau de la fin du XIXe siècle représentant une petite troupe de saltimbanques avançant silencieusement sous la neige, le long du quai de la Mégisserie, face à l’Île de la Cité à Paris
A l’arrière-plan on distingue la Sainte-Chapelle, la Conciergerie et, plus à gauche, les tours de Notre-Dame.
Sous le Second Empire la transformation de Paris voulue par Haussman a chassé des Grands Boulevards les saltimbanques qui s'y produisaient et la foule des parisiens à la recherche de plaisirs et de distractions bon marché. Le Boulevard du Crime (ancien boulevard du Temple), haut lieu du théâtre populaire dont il subsite aujourd'hui encore quelques théâtres et restaurants, s'est peu à peu vidé de ses troupes foraines et de sa faune interlope. Le film les Enfants du Paradis de Marcel Carné donne une image certainement très juste de ce que devait être la vie vers 1830 sur ce boulevard.
Privés de leur public et de leur quartier traditionnel, ces artistes se retrouvèrent contraints de s’éparpiller dans Paris, gagnant les quais et les places, cherchant de nouveaux espaces pour se produire.
Cette toile, peinte en 1861 témoigne de cette situation et montre une troupe comme errante, allant « de nulle part vers nulle part », privée de son lieu de représentation quotidien.
On y voit de gauche à droite:
Le chef de la troupe, en costume à carreaux typique de l’univers du cirque ou du théâtre de rue. Il porte une échelle, indispensable pour les numéros d’équilibre et une grosse caisse pour attirer les badauds et rythmer le spectacle. Il est suivi d'un’enfant costumé, coiffé d’une couronne de papier. Il évoque les petits rôles burlesques ou acrobatiques. Derriere eux une jeune femme est vêtue de vêtements peu adaptés à la saison. Sur la tête une table supporte un baluchon et un instrument de musique. Une jeune fille s’accroche à elle, la tête tournée vers un jeune homme, sans doute son frère. Il porte une chaise avec laquelle il doit faire des numéros d’équilibre et tient une paire de fleurets. Un chien dressé accompagne le cortège qui marche tristement sous la neige.
Loin de montrer ces artistes en représentation, le peintre choisit de les montrer un soir de tristesse, après une journée de représentations fatigantes et qu'on devine peu lucrétives.
La lumière du bec de gaz éclaire discrètement la scène, accentuant le contraste entre la gaieté supposée des saltimbanques et la dureté de leur vie errante.
Ce tableau témoigne aussi d’un contexte historique précis : la disparition progressive des troupes ambulantes du centre de Paris à la suite de la transformation urbaine voulue par le second empire et qui bouleversa profondément le paysage et la vie populaire parisienne dans les années 1860-1870.
Le tableau est signé en bas à gauche S. Detouche. Sans doute Simon Detouche, peintre de la ville, référencé au 19ème siècle.