La Villéon, Emmanuel Victor Auguste Marie de, comte
Fougères, Ille-et-Vilaine, 29 mai 1858 – Paris, 9 janvier 1944
Bois de Salvar, près de Saint-Vérain-en-Puisaye, Nièvre, automne 1904
Huile sur toile
Signé en bas à droite « Emmanuel delaVilléon »
H. 55 cm / L. 46,5 cm
Au dos de la toile, cachet du marchand de couleurs, Blanchet, 38, rue Bonaparte, Paris.
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Exposition
Paris, Galerie Jean de Ruaz, 18 mai – 16 juin 1973, No 31.
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Ce tableau représente un sous-bois en automne à Salvar, hameau situé près de Saint-Vérain-en-Puisaye, dans la Nièvre (région Bourgogne), où Emmanuel de La Villéon acquiert une maison dès 1900. Le lieu devient, à partir de 1915, l’un de ses points d’ancrage favoris. La scène s’ouvre sur une clairière que le peintre traverse du regard : au centre, une silhouette masculine esquissée se détache dans la lumière, renforçant la profondeur et l’échelle de l’espace représenté.
La composition est construite selon une trame verticale marquée par les troncs graciles des bouleaux, qui rythment la surface picturale et conduisent l’œil vers un horizon baigné de lumière. L’arrière-plan s’ouvre en éventail sur une ligne boisée dans des tons violets et bleutés, conférant à l’ensemble une atmosphère de fin de journée automnale.
La touche est rapide, vive, appliquée en petites touches fragmentées et superposées, typiques de la technique impressionniste. Le peintre privilégie une palette chaude et nuancée : jaunes pâles, verts argentés, ocres rosés, violets doux, animés par quelques accents bleu ciel dans les trouées de feuillage. La lumière, filtrée à travers les branchages, irradie subtilement la composition.
Réalisée à l’automne 1904, cette œuvre s’inscrit dans une période de grande maîtrise stylistique, où La Villéon développe une peinture plus intimiste, sensible aux variations saisonnières et atmosphériques. Ce motif du bois de Salvar revient à plusieurs reprises dans son œuvre, décliné selon les lumières et les saisons, comme un thème de méditation picturale.
La présence discrète d’une figure humaine – rare dans la production de l’artiste – confère à la scène une dimension narrative sans rompre le calme contemplatif du paysage. L’ensemble témoigne d’une parfaite cohérence stylistique et d’une sensibilité lumineuse maîtrisée.
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La Villéon, Emmanuel Victor Auguste Marie de, comte
Fougères, Ille-et-Vilaine, 29 mai 1858 – Paris, 9 janvier 1944
Peintre français, l'un des derniers représentants de l’impressionnisme.
Issu d’une ancienne famille aristocratique bretonne, Emmanuel de La Villéon consacre sa vie à la peinture. Il quitte Fougères en 1880 pour rejoindre Paris, où il entre à l’Académie Julian. Il se forme à la peinture en plein air aux côtés de ses amis Alfred Roll (1846-1919) et Emmanuel Damoye (1847-1916). Très tôt, il adopte la pratique des promenades avec chevalet, installant son atelier là où le paysage s’offre à lui : au bord d’un chemin, d’un étang ou dans un champ. Il travaille soit directement sur toile, soit à partir de croquis annotés, réalisés sur le vif, qu’il retravaille ensuite en atelier.
Dès les années 1910, il utilise de petits supports (panneaux de bois, cartons, toiles au format carte postale), qu’il appelle ses « fonds de boîte ». Bien que conçues comme études, certaines de ces esquisses atteignent la force d’œuvres achevées.
Amateur de voyages, il séjourne principalement chez des membres de sa famille : en Bretagne, chez son frère, au château de Montmuran (Ille-et-Vilaine) ; en Normandie, chez un cousin ; en Suisse, chez ses beaux-parents, au chalet Bel-Air près d’Yverdon-les-Bains (Vaud) ; et dans le Centre, chez sa belle-sœur, au château de Pesselières près de Sancerre (Cher). À partir des années 1920, il partage son temps entre les foyers de ses trois filles : à Mayence (Rhénanie-Palatinat, Allemagne), à Grenoble (Isère) et à Castelnaudary (Aude).
Un voyage en Hollande en 1889 marque un tournant décisif : il découvre une lumière mouvante, des ciels changeants. Sa palette s’éclaire ; il abandonne le noir au profit des contrastes colorés. De 1900 à 1936, il possède une maison à Salvar, près de Saint-Vérain, en Puisaye (Nièvre), où il séjourne régulièrement dès 1915. Il peint aussi les paysages des Hautes-Pyrénées (1905) et de la Côte d’Azur (1921), transformant ses pommiers familiers en palmiers éclatants.
Sa quête constante est celle de la lumière : son éclat sur un lac, ses reflets à travers les arbres, la chaleur vibrante d’un champ d’été. Pour capter ces sensations fugitives, il adopte la touche impressionniste – juxtapositions rapides de couleurs pures. Il travaille souvent en série, peignant le même motif à différentes heures ou saisons (notamment les plaines vaudoises). Les paysages enneigés lui offrent l’occasion d’explorer les nuances subtiles que projette le soleil sur la glace : bleus, roses, violets.
De 1890 à 1934 (hors interruption due à la guerre de 1914-1918), il expose régulièrement au Salon des Indépendants et à la Société Nationale des Beaux-Arts, dont il devient sociétaire en 1940. Il participe aussi au Salon d’Automne, dès sa création en 1903 et jusqu’en 1933.
En 1909, il cofonde la Société Moderne aux côtés d’artistes impressionnistes, symbolistes et expressionnistes. Il y expose jusqu’en 1914, puis entre 1920 et 1922. Sa palette devient alors plus poétique, proche de celle d’Odilon Redon (1840-1916). Toutefois, La Villéon demeure un peintre solitaire, profondément attaché à la nature et aux paysages de son enfance.
Il expose aussi en province et à l’étranger : aux États-Unis et au Canada (1918), au Danemark (1925), au Japon (1927). Plusieurs expositions personnelles sont organisées en France, dont la dernière en 1943 à la galerie La Boétie à Paris.
Il meurt d’une pneumonie en janvier 1944 et est inhumé au cimetière du Montparnasse (section 9), dans la tombe Baudreuil et de Gomiecourt.
En 1976, sa famille fait don de 120 œuvres à la ville de Fougères. Elles sont exposées dans le musée qui porte son nom, installé dans la Maison du Porche (XVIe siècle).
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Bibliographie
Buffet-Challié, Laurence, Emmanuel de La Villéon, 1858-1944, sa vie, son œuvre, Paris, Les Editions de l’Amateur, 1975, p. 107 (mentionné : Collection S. D.).
Collard, Yvonne, & Bataille, Anne, Emmanuel de La Villéon 1858-1944, catalogue raisonné de l’œuvre peint, Paris, Les Editions de l’Amateur, 1981, p. 262, No 2 356.
Collard, Yvonne, & Bataille, Anne, Emmanuel de La Villéon 1858-1944, catalogue raisonné des aquarelles, gouaches, pastels et dessins, Paris, Les Editions de l’Amateur, 1986.
Peirce-Macnie, Robert W., Emmanuel de la Villéon (1858-1944), Éditions Gourcuff-Gradenigo, Paris, 2019.
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