Un magnifique autoportrait
Jolie démonstration de virtuosité, cet autoportrait oscille entre précision et liberté du trait. On admire surtout la sincère et goguenarde introspection d’un artiste qui sait son talent mais ne se prend pas vraiment au sérieux.
Le regard intensément expressif derrière les lunettes cerclées nous surprend. La profondeur psychologique est frappante. On décèle un mélange de fierté contenue et de mélancolie diffuse.
Le travail du crayon est d’une belle finesse. Les lignes, parfois légères et à peine suggérées, contrastent avec des zones plus appuyées, témoignant d’une main assurée et sensible. La bouche, légèrement crispée autour d’un cigare, ajoute une touche d’arrogance douce ; tandis que les cheveux, à demi-esquissés, semblent se dissoudre dans la trame du papier, renforçant l’impression d’admirer un instant saisi, un état de transition entre le monde réel et le monde représenté.
Paul Schröeter (1866-1946)
Schroëter est issu d'une vieille famille d’Hambourg. Dans les années 1880, il étudie à la Kunstakademie de Düsseldorf avec Eduard von Gebhardt et Adolf Schill. Il s'y lie d'amitié avec Fritz Overbeck et devient membre de l'association étudiante connue sous le nom de « Tartarus [de] », dont il illustre les publications occasionnelles. Leur camarade d'études Peter Philippi dira plus tard que Tartarus est l'une des associations artistiques les plus importantes de Düsseldorf, après le groupe professionnel Malkasten.
De là, il passe à l'Académie des beaux-arts de Munich et rejoint l’Association Générale Allemande des Arts. Il y reste quelques années, devient membre de la Sécession munichoise et participe à sa première exposition en 1893. Schroëter effectue des voyages d'études en Hollande, en Belgique et en Espagne et, pendant une courte période, réside dans la colonie d'artistes de Willingshausen. En 1895, il reçoit une grande médaille d'or à la Große Berliner Kunstausstellung.
De 1898 à 1901, il vit à Hambourg où, avec Ernst Eitner et Arthur Illies, il devient cofondateur du Hamburgischer Künstlerklub. Il fournit également des illustrations, sur commande, à la revue d'art Jugend.
Overbeck est l'un des nombreux amis qui le persuadent de vivre dans la nouvelle colonie d'artistes de Worpsweder. Il s'y installe en 1901 avec sa femme Grete et ses enfants. En 1904, il déménage à nouveau à Brême, où il devient membre du Deutscher Künstlerbund. En 1908, il quitte Brême et s'installe près de Berlin. Il était membre de l'association des artistes berlinois, mais on sait très peu de choses sur sa vie ultérieure. Beaucoup de ses œuvres se trouvent dans des collections privées. La plupart des autres ont été détruites pendant la Seconde Guerre mondiale.
Références biblioghraphiques:
- Peter Philippi : Die kleine Stadt und ihre Menschen, Bilder, Erlebnisse, Gedichte. Walter Hädecke Verlag, Stuttgart 1938, pg.16.
- « 'Die Frühjahr-Ausstellung der Münchener Secession », In : Die Kunst für Alle, Vol.15, Bruckmann Verlag, München Mai 1894, pg.228
- « Schröter, Paul, peintre, dessinateur, illustrateur, contributeur d'images », In : Jugend. Vol.33, pg.553 ; Vol.40, pg.661 ; Vol.49, pg.1464 (en ligne).
- Die Kunst, « Von Ausstellungen und Sammlungen - Berlin », Vol.7, F. Bruckmann