- Traces de pliures légères aux coins gauches avec résidus de montage au verso à ces endroits, sinon en excellent état, aux couleurs fraîches.
- Bourreaux de bureau -
À l’extrémité d’une table de conférence fuyante dans l’image, se tient saint Sébastien, transpercé de flèches. Contrairement aux hommes en costume, il est simplement vêtu d’un pagne, accentuant ainsi le contraste avec ce type d’homme « entièrement différent ». Les bourreaux de bureau ont orchestré son supplice à distance, par des « armes indirectes », s’élevant au-dessus du saint en l’ignorant totalement, et poursuivant leurs activités comme si de rien n’était. Pourtant, c’est lui le véritable protagoniste de l’image. La surface blanche de la table converge vers lui, aussi lumineuse que son corps, tandis que les hommes autour sont vêtus de sombre. Le corps et le visage du saint rayonnent d’une beauté qui rend la laideur des coupables d’autant plus frappante. Avec cette gravure sur bois de grand format réalisée en 1935, Josef Scharl exprime une réflexion sur l’époque inhumaine et meurtrière qui s’annonce.
Sur l’artiste
Parallèlement à une formation commencée en 1910 comme peintre décorateur, Josef Scharl suivit des cours du soir de dessin de nu. Après son service militaire de 1915 à 1918, il étudia de 1919 à 1921 à l’Académie des beaux-arts de Munich auprès d’Angelo Jank et Heinrich von Zügel. Il quitta cependant l’Académie pour rejoindre en 1923 la Neue Secession de Munich, puis en 1929 l’association d’artistes Die Juryfreien. Au cours de ces années, il acquit une reconnaissance croissante, couronnée par l’obtention du prix Dürer de la ville de Nuremberg (1929), du Prix de Rome de l’Académie des arts de Berlin (1930), du prix de l’Académie de Munich (1931), ainsi que du prix de promotion de la ville d’Essen (1932). Le Prix de Rome lui permit de séjourner longtemps à Rome et à Paris entre 1930 et 1932. En tant que membre de l’association allemande des artistes (Deutscher Künstlerbund), il participa aux expositions annuelles de 1930 à 1936. Après l’arrivée au pouvoir des nazis, bien que certaines expositions personnelles eurent encore lieu jusqu’en 1935 à la prestigieuse galerie Neumann-Nierendorf à Berlin, Scharl fut de plus en plus victime de répression, ce qui le poussa à émigrer en 1938, sans sa famille, en passant par la Suisse vers les États-Unis. Il y fut invité à exposer au Museum of Modern Art aux côtés de Max Beckmann, Georg Scholz, Erich Heckel et Karl Hofer. Aux États-Unis, il fut soutenu par Albert Einstein, avec qui il entretenait une amitié et qui prononça un discours commémoratif après la mort de l’artiste en 1954. En 1945, Karl Nierendorf publia la première monographie américaine sur Scharl et présenta ses dessins dans sa galerie new-yorkaise. Par l’intermédiaire de Wolfgang Sauerländer, Scharl illustra pour la maison d’édition Pantheon Books les contes des frères Grimm. Le livre, publié en 1944, connut un grand succès et entraîna d’autres commandes. En 1952, Josef Scharl obtint la nationalité américaine et mourut deux ans plus tard.