FIGURES AU BORD D'UN RUISSEAU DANS UNE FORÊT ARCADIENNE
Signé et daté à la plume et à l'encre, l. à l., p. Valenciennes l'an 3 [l'an 3 de la République, 1794-1795]
Inscription indistincte à la pierre noire, en haut à gauche au verso
Pierre noire avec rehauts de blanc sur papier vergé épais [filigrane non visible]
37,5 x 51,3 cm
PROVENANCE :
Vente de l'artiste, 18 quai des Orfèvres, Paris, 26-30 avril 1819, lot 15 (partie de (1)) ; Collection privée, France (avec une ancienne étiquette d'inventaire sur le cadre 108)
Pierre-Henri de Valenciennes fut une « figure centrale… de l'histoire de la peinture de paysage à la fin du XVIIIe et au XIXe siècle, important tant comme théoricien que comme praticien » [2].
Valenciennes naquit à Toulouse et se forma à l'Académie de cette ville, avant de se rendre en Italie en 1769, puis en 1777, où il séjourna pendant les huit années suivantes (revenant occasionnellement à Paris). C'est durant cette période que Valenciennes commença sa passion pour la peinture d'après nature en plein air, travaillant principalement à l'huile sur papier : cette pratique était un pilier de l'activité des pensionnaires de l'Académie de France à Rome, encouragée dès l'époque où Nicolas Vleughels en était le directeur à la fin du XVIIe siècle. Cependant, c'est Valenciennes qui initia la pratique de la réalisation de petites esquisses à l'huile sur papier de tout ce qui attirait son attention lors de ses promenades à Rome et dans la campagne environnante. Ces peintures capturaient les effets d'atmosphère, les petits détails architecturaux et environnementaux, et surtout la chaleur et la richesse de la lumière de la ville et de la province du Latium. Parallèlement à ses huiles de plein air, Valenciennes réalisa des centaines d'études à la plume et à l'encre, dont la plupart sont encore reliées dans leurs carnets d'esquisses originaux, aujourd'hui conservés dans les collections du Louvre.
Valenciennes retourna en France pour enseigner à l'École des Beaux-Arts de Paris à partir de 1812 et forma le talent de futurs artistes tels qu'Achille-Etna Michallon et Jean-Victor Bertin, qui perpétueraient la tradition du dessin à l'huile en plein air et deviendraient des artistes célèbres dans les années qui suivirent. Valenciennes postulait que de telles études étaient absolument nécessaires pour peindre les paysages plus ambitieux et composés exposés au Salon ; cependant, son objectif premier était de rehausser le statut de la peinture de paysage, considérée historiquement comme inférieure à la peinture « d'histoire » pendant des siècles. Ses Élémens de perspective pratique (Paris, 1800) comprenaient un traité sur le genre, qui soutenait que les peintures de paysage devaient être imprégnées de significations mythologiques ou littéraires (comme l'est la présente feuille avec son aspect arcadien reconnaissable), un parallèle intéressant avec l'intérêt naissant pour le « Sublime » qui balayait déjà les cercles intellectuels britanniques et allemands.
L'influence de Valenciennes fut telle qu'un prix du paysage historique fut finalement institué par l'Académie en 1816, mais sa réputation s'est estompée tout au long du XIXe siècle, malgré son influence considérable sur des générations d'artistes européens. En 1930, 124 esquisses de paysages de l'artiste furent offertes au Louvre, ce qui suscita une réévaluation approfondie de son œuvre et le rétablit parmi les plus importants peintres paysagistes des XVIIIe et XIXe siècles.
REMARQUES
[1] Wheelock Whitney, « Pierre-Henri Valenciennes : An Unpublished Document », dans The Burlington Magazine, vol.118, n°877 (avril 1976), p.226 :
« Les prochains articles vendus étaient les dessins. Le lot quinze était une "Quantité de Livres de Croquis, Receueils de Dessins au trait à la sépia, représentant des Vues de Rome, faites d'après nature, et portrant, de la main de M. Valenciennes, le nom du lieu et la date : des Sujets animaux, des Etudes d'arbres, plantes, etc., des Costumes et Caricatures, et une infinité de Modèles pour les jeunes artistes." Le compilateur du catalogue, après avoir donné cette description confuse mais colorée du contenu du lot, continue en nous informant, de manière quelque peu énigmatique, qu'il sera « divisé pour la commodité des aquéreurs ». De toute évidence, le comte de l'Espine a finalement acquis la plupart des dessins, puisque les six carnets de croquis du Louvre, datant du séjour de l'artiste en Italie, proviennent de sa collection. Le carnet du Cabinet des Dessins de la Bibliothèque nationale et celui du musée Paul-Dupuy de Toulouse ont probablement également été vendus avec ce lot.
[2] C. Riopelle & X. Bray, A Brush With Nature: The Gere Collction of Landscape Oil Sketches (cat. d'exposition), Londres (1999), p. 162