Cette aquarelle de François-Auguste Ravier illustre parfaitement la sensibilité lumineuse et atmosphérique qui caractérise son œuvre. La composition met en avant un paysage baigné d’une lumière diffuse, où le ciel occupe une large part de la surface, enveloppant la scène d’une brume dorée. Un arbre élancé et sinueux se détache au centre, tandis qu’un autre, plus vaporeux, apparaît à l’arrière-plan, presque fantomatique. Les contours sont volontairement estompés, les formes se fondent les unes dans les autres, traduisant l’instantanéité d’une impression saisie sur le vif.
Ravier, admirateur de Turner, exploite ici la transparence et la fluidité de l’aquarelle pour rendre les effets de lumière et d’atmosphère, privilégiant la synthèse à la description minutieuse. Les couleurs, délicatement nuancées, oscillent entre des tons chauds et froids, conférant à la scène une vibration subtile et poétique. Cette approche, entre romantisme et pré-impressionnisme, fait de Ravier un précurseur dans l’art de capter l’essence fugace du paysage, loin de toute recherche d’exactitude topographique.
Auguste Ravier fait des études de droit à Paris de 1833 à 1839. Il commence à peindre à Montmartre et dans la forêt de Fontainebleau avant d'étudier la peinture à l'École des Beaux-Arts de Paris sous la direction de Théodore Caruelle d'Aligny et de Jules Coignet. Durant l'été 1835, il se rend à Royat, en Auvergne, où il rencontre Corot, qui lui donnera de nombreux conseils et va exercer sur lui une influence importante.
Il se rend en Italie, sans doute à l'instigation de Corot, et y reste de 1840 à 1845. De retour en France, il se retire dans des campagnes isolées, à Crémieu en 1852 et à Morestel en 1868, où il vivra jusqu'à sa mort.
Une fois installé à Morestel, Ravier commence à peindre la campagne de la région - les ruisseaux, les étangs et les plaines vallonnées coupées au loin par les premières montagnes de Savoie ; son style va du néo-classicisme de ses débuts à celui du paysagiste romantique et son œuvre est frappée par l'absence totale de la figure humaine. Ravier aimait travailler les effets de lumière au crépuscule, les jeux d'ombre et de lumière, les lentes variations de l'atmosphère à la tombée de la nuit et les tons froids des nuages en contraste avec les tons chauds du soleil couchant se reflétant dans les étangs, qu'il peignait avec des couleurs fortes. Il a trouvé dans l'aquarelle un moyen idéal pour capturer les moments de passage, traçant du rouge, de l'orange et du vert sur ses ciels pour contraster avec la grisaille du paysage pluvieux, qu'il a confiné au bas de la toile. Dans Le lavoir de Morestel, il inverse la relation traditionnelle entre la forme et le fond : le ciel se détache en touches énergiques sur la masse sombre des arbres. Le ciel, source de lumière, devient ainsi l'élément principal de son œuvre. Selon les propres termes de l'artiste, "tout est dans le ciel, les nuages et l'atmosphère m'enivrent, c'est inépuisable, infini".
Bien que retiré à Morestel, Auguste Ravier était très lié avec les peintres de son époque. Il entretenait une large correspondance avec ses contemporains et hébergeait de nombreux artistes lors de leurs voyages en Italie. Quelques amis peintres s’étaient également installés près de lui autour de Morestel. Reconnu par ses pairs, l'œuvre de Ravier fut néanmoins très peu exposée de son vivant. Son appréhension à devoir affronter la critique, associé à un confort financier, Auguste Ravier préféra rester à l'écart des salons et expositions hormis de rares exceptions toute sa vie.
Collections publiques France: Paris, Musée d'Orsay; Paris, musée du Louvre; Aix-les-Bains, musée Faure; Lyon, musée des Beaux-Arts; Morestel, Maison Ravier; Brest, musée des Beaux-Arts; Grenoble, musée de Grenoble; Marseille, Musée Cantini; Reims, musée des Beaux-Arts; Toulon, musée d'Art... États-Unis: Cleveland, Cleveland Museum; Washington, National Gallery of Art... Royaume-Uni: Cambridge, Fitzwilliam Museum...