Cette étude aquarellée est probablement issue de l’extraordinaire reportage pictural que Signac consacra, entre 1929 et 1931, à une centaine de ports de France.
Une œuvre dans l’œuvre. Une œuvre pour soi qui s’affranchit dans une certaine mesure du pointillisme mais pas de la couleur, primaire et secondaire, apposée en touches pures.
Passionné par la mer, marin et peintre renommé, Signac, à plus d’un siècle d’écart, mit ses pas dans ceux de Joseph Vernet, illustre peintre de la marine royale de Louis XV.
En trois ans, de Sète à Menton en passant par Brest, Audierne, Saint Malo, Bayonne, Marseille… par tous les temps, Signac posa son chevalet in vivo pour réaliser deux aquarelles différentes dans chacun des ports où il séjournera dans le cadre de ce défi artistique ; l’une pour lui, l’autre pour son mécène et ami, Gaston Lévy, qui sera intitulée et signée.
Pour l’aider à réaliser ce défi, Gaston Lévy mit à sa disposition une voiture de luxe avec chauffeur.
Une œuvre testamentaire restée confidentielle de son vivant. Et aujourd’hui convoitée, dispersée dans des collections privées, notamment celle d’un grand collectionneur américain de Signac qui en fit don à une fondation de l’Arkansas.
En 2010, le Musée du Havre parvint à réunir 90 des 200 aquarelles pour une exposition consacrée à cette série d’aquarelles portuaires.
Toutes ne sont pas connues – la plupart n’étant pas exposées -, et malgré ce contexte exceptionnel de collationnement monographique, la ville du Havre ne put retrouver la trace de l’aquarelle que Signac consacra à leur ville.
Dans ce grand œuvre aquarellé fortement iodé et de différents formats, primitif et parfois plus sophistiqué, ode à la France portuaire, se lit toute la fraîcheur, toute la gourmandise de l’esthétique de Signac.
Son génie unique de la couleur, le primat de la sensation, du premier mouvement de la perception sous l’impulsion de la prime esquisse comme ici.
Dans cette subtile aquarelle domine une palette pastel distillant une lumière chaude qui n’est pas sans évoquer la douceur méridionale rehaussée par des touches plus vives, vertes et rouges.
L’ocre des façades se confronte avec de fines hachures trahissant la pluie perçant le ciel bleu.
Deux voiliers sont amarrés croisant esthétiquement leurs mâts plutôt que le fer.
Une petite locomotive touristique (train rouge au panache vert jaillissant à droite de l’oeuvre comme un indice de sa localisation).
Citation artistique ayant vocation à faciliter l’identification, probablement métaphorique, puisque figuré sur les quais mêmes.
Le train n’est pas sans évoquer le train des Pignes, une locomotive inchangée depuis 1892 qui parcourt la Provence jusqu’à Nice.
L’esquisse d’une statue au galbe féminin achève de planter le décor – à moins qu’il ne s’agisse de la statue de Charles-Félix de Savoie au déhanché drapé.
Il pourrait alors s’agir du port de Nice par un autre point de vue que son aquarelle de 1922. Cette fois, centrée sur les voiliers.
Nice ou ailleurs…Sous les couleurs de Signac, que l’escale est belle.
Cette œuvre a été expertisée par le cabinet De Bayser qui a établi l’attribution à Paul Signac.
La connaissance de son corpus aquarellé, l’historiographie – muséale - de son défi portuaire, achève de conforter cette attribution.
Encadré : 32cm x 29 cm / A vue : 16,1 cm x 13,8cm / Dessin seul : 15,2cm x 12,6cm
Bel encadrement