Portrait de Boineau
Papier découpé collé sur feuille blanche
Titré au dos, au crayon, par une autre main
235 x 177 mm
Bon état, quelques piqûres certainement dues à la colle (voir photos)
Mention d'une provenance sur la marie-louise: collection Jacques Normand (écrivain, 1848-1931)
Au verso, cachet à l'encre bleu: «1952 Exposition Achille Devéria»
Peintre, lithographe, illustrateur, caricaturiste, disciple d'Anne-Louis Girodet et de Louis Lafitte, Achille Devéria a été l'un des dessinateurs les plus passionnés de l'époque romantique. Changeant souvent de style avec talent et légèreté, toujours curieux de différentes techniques, il a exploré toutes les possibilités des arts graphiques.
Ce portrait découpé en est l'exemple. Ce qui semble être un divertissement pour Devéria se révèle être une œuvre d'une finesse psychologique très élégante. L'artiste aurait très bien pu consacrer le dit Boineau dans un portrait lithographié comme il en a fait des dizaines, mais il a préféré s'appliquer à le dépeindre autrement, ce qui est certainement un témoignage d'amitié. Le modèle n'a pour l'instant pas été identifié. Boineau, peut-être. Mais pourquoi pas Jacques-Messidor (dit Henri) Boisseau (1794-1848), disciple de Louis Lafitte tout comme l'a été Achille Devéria?
Un profil découpé, au lieu d'un visage dessiné.
Les dessins d'Achille Devéria sont souvent étonnants. Cette œuvre l'est encore plus. Ici, Devéria détourne en quelque sorte la technique du canivet, qui consiste à orner des images pieuses avec du papier découpé finement à l'aide d'un canif. Entre ses mains, cette pratique fait davantage écho à ce qui sera fait à la fin du XIXème siècle par Henri Rivière et Caran d'Ache (le théâtre d'ombres) et à ce que deux autres fous de dessin feront, à la pointe de l'avant-garde: Pablo Picasso et Henri Matisse.
Charles Blanc, éminent spécialiste du dessin et contemporain d'Achille Devéria lui a consacré ces belles lignes en hommage, qui disent très bien sa passion et sa curiosité pour toutes les formes d'expression:
« Costumes, scènes de théâtres, tableaux de mœurs, intérieurs du monde élégant, conversations d'amour, épisodes historiques, jeux d'enfants, caprices, tout cela se dessinait comme de soi-même avec une facilité rare, et souvent avec un singulier bonheur, sur les pierres lithographiques de Motte ou de Delpech. Le talent y coulait de source, et l'on ne voyait aux étalages des marchands d'estampes que des Devéria ou des Charlet; mais les Charlet n'étaient bien compris qu'en France : les Devéria étaient recherchés dans l'univers entier, car ils contenaient l'esprit du temps, la mode récente , l'atticisme du jour : ils représentaient la physionomie de ce petit coin de la terre sur lequel le monde ne cesse d'avoir les yeux, et qui s'appelle Paris.
Sans sortir de chez lui, Achille Devéria pouvait observer les allures de ses contemporains, leur manière d'être, leur geste, leur façon de saluer, de s'asseoir sur le canapé des salons, de tourner le dos à la cheminée.» (Charles Blanc, Les Artistes de mon temps, 1876)