(Florence, 1625 - Pise, 1705)
Portrait de Don Lorenzo de Medici (1599-1648) sous la protection d'Athéna, déesse des Arts et de la Guerre
Huile sur toile
H. 98 cm; L. 78 cm
Vers 1642/1645
Don Lorenzo de Medici (1599-1648) est un des fils du Grand-Duc Ferdinand 1er de Medicis (1549-1609) et de sa femme Christine de Lorraine (1565-1637), et il était donc cousin de Marie de Medicis.
Célibataire endurci, bien qu'il ait existé des projets de mariage avec la Princesse de Stigliano dans les années 1624/1628, il ne manifesta aucun intérêt pour les choses politiques, ce qui en fait une personnalité atypique dans la famille des Medicis.
Epicurien passionné par la chasse, les chiens et les chevaux, il fut surtout un important amateur d'art et mécène, dans le théâtre mais principalement dans le domaine de la peinture. L'essentiel de sa collection, dont la plus grande partie fut constituée avant 1630, était présenté à la Villa Petraia, sa résidence de "campagne" dont il avait hérité en 1609. Elle se composait pour la majorité d'artistes florentins contemporains, parmi lesquels Vincenzo Mannozzi, Carlo Dolci, Francesco Furini, Orazio Fidani, Stefano della Bella, ou encore Baldassare Franceschini (Volterrano) qui réalisera d'ailleurs un ensemble de fresques sur la splendeur des Medicis dans la cour de la Villa Petraia. Mais d'autres œuvres se trouvaient aussi dans la résidence principale de Don Lorenzo, l'actuel Palazzo Corsini (situé via del Parione), pour laquelle il n'existe pas d'inventaire réalisé à l'époque ; on ne peut donc exclure que notre tableau y ait été accroché.
D'une personnalité à la fois quelque peu "désabusée" et rebelle, prônant une grande liberté dans ses choix artistiques, Don Lorenzo savait faire preuve d'autodérision. Ainsi, bien qu'il n'ait jamais été soldat, il façonnait son image grâce à des portraits dans lesquels, à l'instar du nôtre, il se faisait représenter en militaire ; ceci traduisant peut-être son goût marqué pour l'étiquette et la rigueur du protocole de Cour en vigueur chez les Medicis.
Il serait mort empoisonné.
La famille d'Ulivelli bénéficiait d'une protection constante de Don Lorenzo, et c'est sur la recommandation de ce dernier que Cosimo serait entré, encore enfant, dans l'atelier de Matteo Rosselli (1578-1650), qui l'initia à la peinture d'après nature. Renonçant au voyage d'études à Rome, Ulivelli, tout en continuant à travailler aux côtés de Rosselli jusqu'à la mort de celui-ci, avait dès 1641 commencé à produire ses propres œuvres, qu'il s'agisse de fresques ou de tableaux à l'huile. En 1648, le jeune artiste entra à l'académie de dessin de Florence ; celle-ci, fondée en 1563, se situait depuis 1637 via della Crocetta (actuelle via Laura). Cette décennie (il y réalise par exemple les fresques de l'Oratorio dei Santi Jacopo e Filippo), malgré le peu d'œuvres connues aujourd'hui, est considérée en 1795 par l'historien d'art italien Luigi Lanzi comme la meilleure période d'Ulivelli, en dépit de la jeunesse de l'artiste.
Notre tableau, certes bien baroque mais conservant quelques bribes du maniérisme, est le reflet de cet apprentissage chez Rosselli, particulièrement visible dans les couleurs vives et presque acidulées, le traitement du ciel ou celui de la chevelure et du panache du casque, la douceur des visages ; on y détecte aussi des influences de son futur maître Volterrano (1611-1689), lui-même élève de Rosselli depuis 1628, et qu'Ulivelli put fréquenter dès les années 1630. Le cadrage serré, donnant l'impression d'un tableau réduit, étant un procédé assez fréquemment utilisé à l'époque.
Le sujet reflète aussi les relations entretenues par Ulivelli et son mécène ; celui-ci se fait donc portraiturer en militaire, sous la protection d'Athéna, à la fois déesse de la guerre et protectrice des Arts.
Athéna, ou plutôt Minerve, arbore l'égide, son bouclier orné de la tête de Méduse que lui avait ramenée Persée ; le choix de représenter une tête de Méduse n'est pas fortuit, car Méduse est aussi un symbole de la sagesse et de la prudence, deux concepts appréciés des Medicis. Le père de Don Lorenzo, le Grand-Duc Ferdinand 1er, possédait d'ailleurs dans sa collection du Palazzo Vecchio le célèbre tableau du Caravage (aujourd'hui conservé à la galerie des Offices, et qui lui avait été offert par le cardinal de Monte, son ambassadeur à Rome) représentant un bouclier orné de la tête de Méduse.
En 1650, après les morts de son protecteur et de son maître, Ulivelli entre dans l'atelier de Volterrano, dont il devient rapidement le principal collaborateur avec Pier Maria Baldi, et entretient avec lui une forte proximité stylistique ; pour preuve son grand tableau Diane et Callisto, peint en 1656/1657, qui était encore très récemment donné à Volterrano. C'est à cette même époque que se rattachent deux tableaux de même composition, mais aux titres différents (Enlèvement de Chloriset Enlèvement d'Orythie par Borée), respectivement conservés au musée de La Fère et au musée de Dole.
A partir de 1660 environ, Ulivelli commence à s'affranchir de son maître et travaille de plus en plus pour son propre compte, notamment pour les Medicis ; sa déjà haute réputation, due à la qualité et à la rapidité de son travail, lui vaut de nombreuses commandes (fresques et tableaux de chevalet) pour des églises et palais florentins. Parmi les lieux décorés, on peut citer : le Palazzo Salvi (plus tard Magnani), la chapelle intérieure de l'ancien hospice Saint Thomas d'Aquin, le cloître de l'église des Carmes, la galerie des Offices, la basilique Santassima Annunziata où il travaille de 1664 et 1677.
Notre formidable tableau, considéré par Francesca Baldassari comme une des toutes premières œuvres de l'artiste, est un élément particulièrement intéressant dans la redécouverte du corpus d'Ulivelli, dont plusieurs dessins sont conservés au Met de New York, au British Museum, au Louvre, au musée de Lille.