Manifestant un goût précoce pour le dessin, Jeane Saliceti et sa sœur Joséphine suivirent vers 1900 les cours de l’école des beaux-arts de Tarbes et s'installèrent ensuite à Paris pour se perfectionner. Joséphine Saliceti y acquit un diplôme d’enseignement qu’elle exploitera à son retour dans sa ville natale, comme professeur. Quant à Jeane Saliceti, rétive à tout enseignement didactique et dont les dons naturels s’accommodaient difficilement de tout discipline imposée, elle découragea son premier maître M. Leroux. Travaillant au musée du Louvre et alors qu’il lui était demandé de reproduire très exactement un tableau d'Eugène Delacroix, elle s’appliquait elle à en traduire ce qu’elle ressentait profondément, ce qui fit dire sévèrement à son maître qu’elle n’apprendrait jamais à dessiner. Mais elle était passionnée et avait foi en ses recherches esthétiques. Elle trouva meilleur écho auprès de maîtres comme Jules Adler qui s'intéressa à ses ébauches, l'encouragea vivement et lui prodigua des conseils utiles dans la voie où son penchant naturel l'orientait. S’affranchissant de l’art officiel, elle connut les bouillonnements du post-impressionnisme qui agitaient le monde artistique de l’époque. Jeane Saliceti, magnifia son admiration pour Pierre Bonnard qu'elle connut et fut fascinée par les grands soleils de Vincent van Gogh.
Rentrée chez elle à Tarbes, elle n’en sortit plus. Mais elle avait rapporté avec elle une vision personnelle de la peinture et à partir de là rien n’arrêtera son ardeur à exprimer et à donner à ressentir la sublimité qui se dégage des humbles spectacles quotidiens. Elle s’installa chez elle à l'angle des rues Massey et Jean Larcher, fit de sa maison son univers et aménagea un atelier dont elle para les murs de fresques inspirées. Et là, sans se priver d’aller de temps en temps s’immerger dans la campagne environnante et d’en rapporter des bouquets, elle se mit à peindre, à peindre pour peindre parce que tel était son appel, sans chercher le profit matériel ou la gloire. Pendant de nombreuses années, ses relations avec le monde officiel se bornèrent à l'envoi d'une ou deux toiles, au Salon des indépendants où, à défaut de publicité, ces œuvres resteront inaperçues.
Sans fortune, elle manqua parfois de toile et avec les privations de la Seconde Guerre mondiale en particulier, elle peignit sur des affiches ou des papiers journaux. C’est à cette époque, alors qu’elle allait avoir 60 ans que le destin frappa à sa porte. Pierre Forgeot, président fondateur de la Société Hispano Suiza, avait dès 1940 entrepris d’installer à Tarbes, loin des zones de combat, une importante usine de moteurs d’avions. Au moment de la débâcle, c’est l’essentiel de l’entreprise qui pour ne pas tomber aux mains des Allemands prendra le chemin de Tarbes. Replié dans cette ville avec son entreprise, Pierre Forgeot, amateur d’art éclairé, découvrant un tableau de Jeane Salicetti sera saisi par l’habileté et la sensibilité de l’artiste. Il lui achètera le premier tableau qu’elle ait jamais vendu. Pierre Forgeot était un ami de René Huyghe. Craignant de s’être trompé sur la qualité de l’œuvre, il alla dès son retour à Paris, montrer à René Huyghe son tableau : « Croyez-vous, lui demanda-t-il, que cette inconnue ait véritablement, des dons ? » René Huyghe répondit : « Non, elle n’en a pas : elle a le don. »
Avec la réussite, Jeane Saliceti, connue, estimée, trouvera l'aisance, du moins pour un temps. Des expositions lui seront consacrées à Paris, les revues spécialisées parleront de l'artiste et des galeries d'art, comme les galeries Bignou ou Cardo-Matignon à Paris, feront commerce de ses œuvres.
Passée de mode, Jeane Saliceti continue à peindre par plaisir. Elle ira à la recherche de toute sorte de supports pour pallier le manque de toiles, mendiera des cartons usagés et couvrira de couleurs délayées par souci d'économie des papiers où subsistent les traces d'une première utilisation : calendriers, illustrés, portées musicales, etc. De ces vestiges, il en est, simples croquis exhumés de greniers poussiéreux, qui, autant sinon plus que les tableaux signés, témoignent du grand talent de Jeane Saliceti.