Lettre autographe signée à son conseil. Charenton-Saint-Maurice, 14 janvier 1812 ; 4 pages in-4°.
Lettre des dernières années. Le marquis de Sade privé de liberté, malade, dirige néanmoins avec vigilance l’exploitation de ses terres et de ses châteaux : « Je dois Monsieur commencer ma lettre par tous les remerciements que je vous dois sur ce que vous aver la bonté d’abord de répondre aux objets (…) pour prendre soin de mes interets dans vos contrees. M. Rose dont vous parler avec les éloges que doit n’éviter quelqu’un qui a votre consience et que, de ce moment engage de vouloir bien agréer la mienne. Je le prie donc de vouloir vous répondre a tous les objets que va contenir celle-ci, a m’envoyer le nom et l’adresse dont je dois me servir dans la correspondance qui va s’ouvrir entre nous et de m’envoyer en meme temps le modele exacte de la procuration qu’il jugera necessaire pour simmiscer dans les affaires dont il veut bien se charger pour moi (…). M. Courtois, de Carpentras regissait mes affaires depuis 10 ans, peu content de lui dans tous ce qui vient de se passer relativement a la cession de mes possessions a mes enfans, je l’ai revoqué. Ainsi M. Rose n’aura aucun concurrent de ce coté. Jadis M. Gaufridy d’Apt [son avocat], revoqué amiablement depuis 10 ans il est simplement resté mon ami. C’est de lui-même que je tiens le conseil de m’adresser a vous, et il me promet de vous donner tous les renseignements qui peut fournir, et dont vous pourrier peut-être avoir besoin. J’ai écrit dernierement a un papier de Saumane, pour differentes lumières que je voulais tirer de cette partie. J’attends des reponses, et celle que je lui fairai a cet egard contiendra la priere de s’entendre a l’avenir qu’avec M. Rose pour tout ce qui concernera Saumane. Voila ma franchise et ma delicatesse en repos. Entrons maintenant dans quelques details. Je crois qu’il faut avant tout vous exposer le but de mes desirs sans a debatre apres tout ce qui pourra devoir ou contrarier ce but. Voulant recompenser un homme et une femme dont j’ai eu fort à me louer depuis dix ans que l’un et l’autre sont à mon service, et connaissant à l’homme principalement toutes les qualités qui peuvent faire de lui un bon concierge, un excellent fermier, et (quand il sera dirigé par M. Rose) un bon exacteur des rentes qui peuvent mettre dues, et ne voulant pas d’une autre part conserver plus longtemps le nommé Brosseli, qui, comme vous le remarques s’est bien fait un gain illicite sur le peu de terres qu’il a à moi, cela sous le vain pretexte qu’il y a 50 ans qu’il est là, ce qui est pas un titre pour moi (…) j’ai donc resolu d’établir avec les qualités désignés ci-dessus dans mon château de Saumane l’homme et la femme dont je viens de parler. Mais il faut que ce menage vive dans le poste que je lui donne, il faut de plus qu’il me fasse passer tout ce qu’il pourra, qui sera tres peu de chose les premieres années car jusqu’à ce qu’il soit un peu assis dans son poste, je ne le chargerai que de payer à Paris pour moi une rente de cent francs par an ; mais il faut s’établir, avoir quelques meubles, (…) acheter peu à peu quelques animaux. Voyons donc comment nous allons parvenir à ce but, car le menage en arrivant n’aura que ses jupons, ses culottes, et son bonnet de nuit pour arriver. J’envisage pour le soutenir, le mettre a meme de payer ma rente de cent francs, et vos premiers frais. Je crois qu’il faut commencer par le mettre en possession des qu’il arrivera de toutes les terres dependantes du château avant que les mettent en valeur des ce moment la, il puisse des le commencement se procurer un peu d’argent, pour y parvenir, je veux d’abord que la recolte pendante lui appartienne, Brosseli n’étant conservé la que par grace n’a nul droits aux fruits pendant, il n’a point de bail, il a degradé, il faut qu’il decampe lui et sa famille aussitôt que mes gens arriveront et cela sans emporter ni une chaise, ni une poignée de foin. Telle est mon intention et sur laquelle, je vous prie de tenir severement la main, et voila pour moi il est tres essentiel de tenir tout ceci caché ou dit Brosseli afin que pour se venger, il n’est pas augmenter le sujet des griefs que j’ai contre lui, il faut donc qu’il soit surpris, et à set effet, je vous assure que je n’ai encore dit mon intention qu’a vous. Voila donc mon homme établi, et j’imagine que dapres ce que vous me dites sans l’augmentation du prix des terres quand Brosseli, ni sera plus, et d’apres la certitude ou nous sommes vous et moi que le dit Brosseli vit bien dans le poste mes gens pourront egalement y vivre à l’aise et peu a peu faire face a ma vente de cent francs, seule charge que je leur laisserai jusqu’a ce qu’ils soient plus à l’aise. Venons maintenant aux surplus des moyens de la faire exister et de pouvoir par la suite, me faire passer un peu plus que cent francs, il y a trois ans que le petit bois qui est derriere le château n’a été coupé. Il sera donc susceptible de l’etre dans trois ans et ces objets que nous faisons entrer dans leur bail avec la modification et reserves d’usage (…) on m’a dit autrefois produire deux ou trois mille francs à chaque coupé, compris les fagots (…) voilà encore un moyen en abandonnant tout cela de parer a l’existence de mes gens, à vos frais, et a ma rente, raison de plus pour tenir (…) Brosseli qui connaissant nos vus ne manquerait pas de degrader ce bois comme il l’a déjà fait. Atteignons maintenant le reste des cent. Quelques difficultes que parait je ne le vois pourtant pas comme tout a fait illusoire, Ces rentes sont melees de feodalité, et du prix d’une concession de fond, n’est il donc pas possible de separer cela de faire payer ce que la loi m’a cedé et de renoncer au reste ? (…) cela ne peut il pas reussir encore ? J’ai été a Saumane [le château de Saumane] dans les temps les plus epineux de la revolution, vous vous en souvener, j’exigeai amicalement ces ventes, en trois mois je fis deux mille francs, les loix sont les memes sur cet objet, pourquoi ne fairai-je pas sous un regime tranquile ce que j’ai fait sous celui de la terreur (…) Ci-joint est l’article de la loi, et une note faite relativement a cela par le fils de l’avocat Gaufridi au voyage qu’il fit il y a trois ans a Paris et ou je lui parlais de cela. En un mot ceux que vous ne persuaderer point par de la douceur, vous plaiderer contre eux si vous voyez point a gagner. Il nous reste a parler des terres de valeur. Cet homme est pauvre dites-vous. Soit, mais il m’a volé, et moins il aura de moyens de soutenir un procès et plus aisément il me semble nous pourrons rentrer dans ce qu’il m’usurpe. Mon avis est donc (…) de procurer au mien une plus grande dose de moyens de pouvoir comme nous venons de le dire (…) faire face a vos frais, a payer ma vente, et a entretenir son habitation, cet a dire le château clos et sain et muni des meubles de premiere necessité (…) c’est a peu pres tout ce que j’ai a dire sur notre operation, j’y ajoute qu’ayant egalement quelques autres ventes de semblable nature tant a Mazan qu’a la Coste et dont j’attends les renseignements, je prierai M. Rose de vouloir bien s’en charger aussitôt que je la lui aurai fait parvenir (…) Voilà qui va fort bien m’aller vous dire, peut-être messieurs, vos moyens a venir en les bornant a peu de choses comme vous faites pourrons avoir quelque succès, mais ce menage que vous nous annoncer qui va peut etre arriver a la pentecote comment lui procurer de suite, les premiers meubles dont il a besoin, les deux ou trois premiers mois de subsistence (…) puisque tout cela est dans le desordre que nous vous avons peint ? Assurement messieur votre objection est juste mais (…) vous m’aver dit que M. Rose était un homme adroit, intelligent, actif, c’est donc a lui que je lui en rapporte (…) j’attends avec sa premiere lettre, le modele de la procuration qui devra lui etre necessaire, le priant d’y faire entrer tout ce qu’il croira utile a la reussite de mon plan que je crois suffisament detaille dans la longue lettre (…) »
Le marquis de Sade passe les dernières années de sa vie interné à l’asile de Charenton sur décision du premier Consul Napoléon Bonaparte qui ayant lu Justine déclara : « Le livre le plus abominable qu’ait enfanté l’imagination la plus dépravée » (Le Mémorial de Sainte-Hélène). Les autorités morales craignent que ses écrits ne pervertissent la population. A Charenton, Sade est continuellement observé, contrôlé dans sa production littéraire, même si un temps il réussit, sous les bons hospices du directeur de Charenton, M. de Coulmiers, à organiser des représentations théâtrales aux vertus thérapeutiques selon ce dernier. Mais la censure sous l’empire met un terme à ce divertissement jugé inapproprié. Sa détention devient par la suite plus sévère avec l’interdiction de toucher de l’encre et du papier. Obèse et malade, le marquis de Sade meurt le 2 décembre 1814, ironie de l’histoire, au même moment, son persécuteur, l’empereur déchu endure son premier exil sur l’île de d’Elbe.