Un grand Maître de l'orientalisme:
Decamps révèle l'orientalisme au Salon de 1831 et s'impose comme la référence incontournable.
Le Salon de 1831 marque un tournant dans l’histoire de l’orientalisme. Pour la première fois, le public découvre l’Orient du quotidien au travers d’œuvres sincères et vraisemblables issues du voyage d’un peintre. Les œuvres de Decamps, notamment sa Patrouille turque, ses sujets et ses forts contrastes d’ombres et de lumière l’imposent d’emblée et pour longtemps comme la référence incontournable en matière d’orientalisme. « Délicieuses images d’un monde que le romantisme avait entrevu à travers les splendeurs de l’Itinéraire, et que la violence de Decamps enfonce au cœur de la peinture française. L’Orient sera désormais une des belles obsessions de nos maîtres » constate Henri Focillon.
Théophile Gautier rapproche le rôle de Decamps, découvreur de l’Orient de celui de Jean-Jacques Rousseau, découvreur de la nature : « Au dix-neuvième siècle, M. Decamps a découvert l’Orient. L’on peut dire qu’avant lui ces splendides contrées, bien-aimées du soleil, n’existaient pas pour l’art ».
Maxime Du Camp constate l’influence considérable de Decamps sur les peintres, tel un « Christophe Colomb de l’Orient ». Cette influence évidente sur les Convulsionnaires de Tanger de Delacroix est également manifeste sur l’œuvre de Fromentin, Gérôme, et la plupart des orientalistes.
« En dépit de l’abondance de la production exotique, l’œuvre de Decamps reste, jusqu’à une période avancée, la référence incontournable. Du moins est-ce la plus facile et elle rejoint en popularité celle des Mille et Une Nuits. Cette impression n’est pas réservée aux peintres » analyse Christine Peltre. C’est encore l’exemple de Decamps qui, telle une évidence, vient à l’esprit de Le Corbusier lorsqu’il découvre l’Orient à Constantinople.
Decamps rend la Bible à l'Orient
Dans l’histoire de la peinture religieuse, les sujets bibliques ont toujours été représentés dans des paysages occidentaux de proximité, paysages toscans pour la peinture florentine, paysages du nord pour les peintures flamande et hollandaise. Avec la peinture classique, le paysage d’Italie devient la référence suprême, fût-il extrêmement stylisé. La Terre sainte était paradoxalement dissociée de l’Orient, alors inconnu des peintres.
Fort de sa reconnaissance d’initiateur de l’orientalisme, Decamps rend la Bible à l’Orient. Il parvient ainsi à mener de front une double ambition, celle du peintre d’histoire qu’il veut faire reconnaître et celle du peintre orientaliste que tout le monde salue avec enthousiasme. Ses sujets religieux sont peints dans des paysages d’Orient sévères et grandioses, souvent éblouis de lumière : Joseph vendu par ses frères (Salon de 1839), Samson combattant les philistins (Salon de 1839), Josué arrêtant le soleil, Suite de Samson (Salon de 1845), Eliézer et Rébecca (Salon de 1850-51), Saül poursuivant David.
Decamps ne tombe pas dans l’anecdote orientaliste, conscient qu’elle ne convient pas à la peinture religieuse. Les paysages sont vraisemblables mais stylisés et puissants, les figures sont réduites et reléguées au second plan. Ce qui compte avant tout, c’est l’évocation. Le spectateur est transporté dans un Orient biblique saisissant.
Bruno Foucart a mis en lumière le rôle majeur joué par Decamps dans le renouveau de la peinture religieuse. Après la voie d’Ingres, héritier de Raphaël, après celle de Delacroix, héritier de Véronèse, decamps, héritier de Rembrandt, ouvre une troisième voie en matière de peinture religieuse, de loin la plus audacieuse et la plus novatrice de son temps. « Decamps est bien dans ces conditions le père fondateur de l’orientalisme ; d’emblée, il démontre la relative vanité d’un exotisme à la description exacte, puisqu’il suffit l’impression ; d’emblée, il fixe les limites d’une nouvelle peinture d’histoire moins soucieuse de décrire que d’évoquer ».
Decamps spiritualise le paysage, qui, dépouillé du superflu d’une représentation descriptive, tend parfois à l’abstraction. Seule subsistent alors l’émotion orientaliste et la sensation du sacré.
Passeur du réalisme
« Decamps a aimé la vie dans ses aspects les plus familiers, se plaisant au paysage, aux animaux, à l'existence des humbles […] À ce dernier titre, il est le continuateur de Géricault, le précurseur de Millet. »
« Les générations, entre 1830 et 1840, sont remplies par les efforts des artistes qui essaient de s'affranchir des influences littéraires et historiques du romantisme aussi bien que de l'académisme des classiques qui veulent traduire, eux aussi, à côté des vaillants paysagistes marchant déjà de conquête en conquête, les aspects de la vie de l'homme contemporain. Ce souci de remettre l'art dans sa vraie voie, de lui faire exprimer les aspirations et les formes de la vie de notre temps, se fait sentir même dès le début du siècle. Mais sans remonter à Delacroix, à Géricault et jusqu'à Gros ou à David, il est certain que, avec Decamps et à la suite de Decamps, il y a tout un monde d'artistes fortement remués par le mouvement des idées en fermentation à cette époque, mouvement qui allait aboutir à la grande effervescence démocratique de 1848. » analyse Léonce Bénédite
Une grande figure de son temps
Panorama sur l'Histoire du siècle (fragment).
Henri Gervex, 1889.
Petit Palais, Paris.
Adolphe Moreau (1800-1859), collectionneur privé et ami de son frère, Maurice-Alexandre Decamps, a constitué du vivant de l'artiste un catalogue systématique de son œuvre incluant, à côté des planches originales, les reproductions de toutes sortes et de tous procédés : peintures, aquarelles, dessins au crayon ou au fusain, vingt eaux-fortes — et la manière de crayon —, une centaine de lithographies, et quelques gravures sur bois. L'un de ses contemporains qui reproduisit ses œuvres sous la forme de lithographies et non sans succès, fut Eugène Prosper Leroux
S'il n'a pas toujours réussi à plaire au jury des expositions, Decamps a bénéficié de la faveur du public. Ses scènes de genre notamment furent un succès commercial. Il sut nouer des relations fructueuses avec les collectionneurs privés, amateurs d'art, marchands attachés à son œuvre qui s'adressaient directement à lui, comme l'aquarelliste anglais Arrowsmith. Parmi ses mécènes figure le duc d'Orléans. La plupart des ébauches avaient leurs destinataires. Ses ventes publiques furent toujours un événement qui provoquait l'enthousiasme de ses admirateurs. Cependant, s'il reçut la plupart des récompenses et marques de reconnaissance accordées aux artistes, il n'obtint pas de commande officielle, à l'exception de Job et ses amis, resté inachevé en raison de son état de santé, et non livré.
Les Œuvres / Liste de peintures d'Alexandre-Gabriel Decamps.
Les Sonneurs (1841), Paris, musée du Louvre.
Londres, Wallace Collection : Un Janissaire, 1827, huile sur toile, 24 x 19 cm
Williamstown, Clark Art Institute : Chasse aux oiseaux ou La Chasse au miroir, 1830, huile sur toile, 35 × 50 cm, Williamstown, Clark Art Institute
Williamstown, Clark Art Institute : Femme turque fumant, vers 1830, aquarelle, 14,8 x 10,6 cm
Paris, musée du Louvre : La Battue en plaine, vers 1830, huile sur bois, 22 x 32 cm
Londres, Wallace Collection : La Patrouille turque, vers 1830-1831, huile sur toile, 115 x 179 cm
Chantilly, musée Condé : Paysage turc, vers 1832, huile sur toile, 49 x 65 cm
Londres, Wallace Collection : L'Abreuvoir, 1832, huile sur toile, 80 x 117 cm
Londres, Wallace Collection : Personnages orientaux au repos ou Constantinople, intérieur de parc, 1832-1833, huile sur toile, 33 × 46 cm
Paris, musée du Louvre : La Défaite des Cimbres, 1833, huile sur toile, 130 x 195 cm
Paris, musée du Louvre : Mendiant comptant sa recette, 1833, huile sur toile, 41 x 32 cm
Chantilly, musée Condé : Corps de garde turc sur la route de Smyrne à Magnésie, 1833, huile sur toile, 91 x 155 cm
Paris, musée du Louvre : Le Singe peintre, dit Intérieur d'atelier, vers 1833, huile sur toile, 32 × 40 cm
Londres, Wallace Collection : Personnage assis : une scène turque ou Les Anes à Boulaq, 1833, huile sur toile, 42 × 68 cm[
Washington, Phillipps Collection : Intérieur d'un café turc, dit Le Rêve turc, vers 1833, huile sur toile, 31,5 x 40,5 cm
Reims, musée des Beaux-Arts : Incendie d'un village italien, vers 1834, huile sur toile, 31,2 x 38,3
Chantilly, musée Condé : Don Quichotte rencontre la belle Dulcinée, 1834, huile sur toile, 40 x 60 cm
Londres, Wallace Collection : Le Supplice des crochets, vers 1835-1837, huile sur toile, 91 x 137 cm
Brest, musée des Beaux-Arts : Les Danseurs albanais, vers 1835, huile sur toile, 77 × 124 cm
Paris, musée du Louvre : Jésus sur le lac de Génésareth, vers 1836, huile sur toile, 40 x 74 cm
Chantilly, musée Condé : Enfants jouant avec une tortue, 1836, huile sur toile, 72,5 x 91,6 cm
Williamstown, Clark Art Institute : Le Chat, la belette et le petit lapin, 1836, huile sur toile, 23 x 34 cm
Londres, Wallace Collection : Moïse sauvé des eaux, 1837, huile sur toile, 30 x 47 cm
New York, Metropolitan Museum of Art : Les Experts, 1837, huile sur toile, 46,4 x 64,1 cm
Paris, musée du Louvre : Une Rue à Smyrne, vers 1838, huile sur toile, 77 x 60 cm
Londres, Wallace Collection : Joseph vendu par ses frères, 1838, huile sur toile, 30 x 41 cm
Chantilly, musée Condé : Etendard turc, vers 1839, huile sur toile, 32 x 38 cm
Reims, musée des Beaux-Arts : Diogène, vers 1840, huile sur toile, 23,5 x 30,9 cm
Reims, musée des Beaux-Arts : Le Capucin collecteur, 1840, huile sur carton, 17,8 x 23,7 cm
Reims, musée des Beaux-Arts : Souvenir de Turquie d'Asie (environs de Smyrne), huile sur toile, 31,6 x 56,2 cm
Williamstown, Clark Art Institute : La Halte dans le désert, 1840, aquarelle, 21,7 x 28,8 cm
Paris, musée du Louvre : Sortie de l'école turque, vers 1841, huile sur toile, 66 x 89 cm
Paris, musée du Louvre : Les Sonneurs, 1841, huile sur toile, 58 x 48 cm
Londres, Wallace Collection : Traversée de la rivière ou Cavalerie turque traversant un gué, vers 1841, aquarelle, 32 x 46 cm
Londres, Wallace Collection : Les Sorcières de Macbeth, vers 1841, huile sur toile, 31 x 41 cm
Paris, musée du Louvre : Le Valet de chiens, 1842, huile sur toile, 47 x 39 cm
Williamstown, Clark Art Institute : Paysan italien, 1842, huile sur toile, 39,4 x 31,5 cm
Paris, musée du Louvre : Les Remparts d'Aigues-Mortes, vers 1843, huile sur toile, 43 x 64 cm
Paris, musée d'Orsay : Intérieur de ferme rustique à Fontainebleau, vers 1843, huile sur toile, 78 x 56,5 cm
Paris, musée du Louvre : La Mare, 1844, huile sur bois, 16 x 13 cm
Paris, musée d'Orsay : Marchand turc fumant dans sa boutique, 1844, 36 x 28 cm
Chantilly, musée Condé : Vue d'Ebra en Palestine (aquarelle), vers 1844, 19 × 31 cm
Londres, Wallace Collection : Gué une rivière ou Arabes traversant une rivière, 1845, aquarelle, 50 × 85 cm
Chantilly, musée Condé : Cavalerie turque asiatique traversant un gué, 1845, pastel, 66 x 98 cm
Paris, musée du Louvre (ancienne Collection Étienne Moreau-Nélaton : Le Passage du gué, vers 1846-1853, huile sur toile, 58,3 x 118,5 cm
Paris, musée d'Orsay : Le Christ au prétoire, vers 1846, huile sur toile, 144 x 104,5 cm
Chantilly, musée Condé : Souvenir de la Turquie d'Asie, dit Enfants auprès d'une fontaine, 1846, huile sur toile, 100 x 74 cm
Chantilly, musée Condé : Ecole turque, 1846, huile sur toile, 32 x 41 cm
Londres, Wallace Collection : Le Philosophe, 1846, huile sur toile, 22 x 28 cm
Williamstown, Clark Art Institute : Vieille femme buvant, vers 1846, encre brune, 22,2 x 18 cm
Chantilly, musée Condé : Bertrand et Raton, vers 1846, huile sur toile, 15 x 21 cm
Paris, musée du Louvre : L'Affût, 1847, huile sur bois, 23 x 17 cm
Chantilly, musée Condé : Enfant donnant à manger à un mouton, 1847, huile sur toile, 13 x 20 cm
Williamstown, Clark Art Institute : Le Braconnier, vers 1847, huile sur toile, 24,1 x 18,5 cm
Londres, Wallace Collection : Un puits en Orient ou Paysage de Syrie, 1847, huile sur toile, 31 × 42 cm
Londres, Wallace Collection : Le mouillage de Smyrne, vers 1847, huile sur toile, 46,8 x 68 cm
Chantilly, musée Condé : Marche de bachi-bouzouks, 1848, aquarelle, 21,8 x 42 cm
Chantilly, musée Condé : Rebecca à la Fontaine, 1848, huile sur toile, 30 x 41 cm
Paris, musée du Louvre : Le Désert indien, 1849, huile sur toile, 22 x 38 cm
Paris, musée du Louvre : La Cour de ferme, 1850, huile sur toile, 32,5 x 24,5 cm
Paris, musée d'Orsay : Saül poursuivant David, vers 1853, huile sur toile, 45,5 x 81,5 cm
Londres, Wallace Collection : La Pêche miraculeuse, vers 1853, huile sur toile, 28 x 45 cm
New York, Metropolitan Museum of Art : Le Bon samaritain, vers 1853, huile sur toile, 93 x 74 cm
Dates non documentées
Orléans, musée des Beaux-Arts: Le pâtissier turc, huile sur toile, 55 x 46 cm (disparu en juin 1940).
Paris, musée du Louvre : Le Rémouleur, huile sur toile, 38 x 51 cm
Paris, musée du Louvre : La Caravane, huile sur toile, 60,5 x 100 cm
Paris, musée du Louvre : Espagnols jouant aux cartes, huile sur toile, 47 x 62 cm
Moscou, Musée Pouchkine : Jeunes mendiants, aquarelle, 36 x 47 cm
Grenoble, musée de Grenoble : Ensemble de dessins et d'estampes
Reims, musée des Beaux-Arts : Marine, huile sur toile, 24,3 x 35,3 cm
Reims, musée des Beaux-Arts : Vue d'Orient, huile sur carton, 31,1x24,8 cm