Antoine Caron (1521-1599). Le théâtre de l’histoire

Bien qu’Antoine Caron ait travaillé successivement pour cinq monarques, de François Ier à Henri IV, et pour la reine mère Catherine de Médicis, sa carrière n’a pas fait l’objet d’une exposition à la hauteur de sa réputation d’alors. Grâce à des oeuvres d’Antoine Caron et de son cercle (peintures, manuscrits, dessins, gravures, tapisseries …), certaines jamais présentées au public, l’exposition témoigne des multiples facettes du génie et du rayonnement de cet artiste oublié, ainsi que de la polyvalence du métier de peintre à la Renaissance. 

Pour cette occasion sont réunies, pour la première fois en France depuis le XVIe siècle, les huit tapisseries de La Tenture des Valois commandée par Catherine de Médicis.
 

Un parcours inédit et des prêts exceptionnels

Réunissant plus de 90 oeuvres au coeur du château d’Écouen dans une architecture et un décor contemporains des créations d’Antoine Caron, l’exposition interroge la place de cet artiste indissociable de la Renaissance française comme inventeur, fournisseur de modèles et dont l’influence se perpétue bien au-delà de sa mort.

Fragment d’un Triomphe du Printemps Suiveur d’Antoine Caron, Fin du XVIe-début du XVIIe siècles, Huile sur toile, Nantes, musée d’Arts, 213 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Mathieu Rabeau

 Le parcours de l’exposition revient sur le profil de l’artiste dans le contexte de sa formation autour du chantier du château de Fontainebleau, notamment à travers ses liens profonds avec les Italiens Primatice (1503-1570) et Niccolò dell’Abate (1509-1571), mais surtout sur les échanges entre peinture, dessin, sculpture et tapisserie. 

Dans ce contexte s’affirme comme emblématique le prêt consenti par la Galerie des Offices de Florence de la célèbre Tenture des Valois, tissée à Bruxelles pour Catherine de Médicis et qui n’a pas revu la France, dans son intégralité, depuis plus de quatre siècles. En filigrane, ce sont des problématiques passionnantes de l’art de la Renaissance qui se tissent : rôle du dessin, relations entre artiste et commanditaire, remise en question des frontières traditionnellement établies entre art majeur et art mineur, entre artiste et artisan.

La Tenture des Valois

La Tenture des Valois a vraisemblablement été commandée par Catherine de Médicis. Elle en fait ensuite don à sa petite-fille, Christine de Lorraine, au moment de son mariage avec Ferdinand Ier de Médicis. Les huit tapisseries n’ont pas été revues ensemble depuis leur arrivée à Florence en 1589. Leur présentation, côte à côte, dans un décor contemporain de leur création, est donc tout à fait exceptionnelle.

La Réception des ambassadeurs polonais aux Tuileries Antoine Caron (d’après), ateliers de Bruxelles (Willem de Pannemaker ?) Fin des années 1570 © Gabinetto fotografico delle Gallerie degli Uffizi

On associe les compositions à plusieurs dessins de Caron réalisés vers 1573-1574, sous Charles IX. Au moment du tissage, sous le règne de son successeur, Henri III, c’est désormais une imposante galerie de portraits de la famille royale et de la cour qui est mise à l’honneur devant de majestueuses festivités. On sait combien Catherine de Médicis collectionnait les portraits. On retrouve ici son ouverture constante, au-delà de la lignée royale, vers les puissantes maisons du royaume. Dans le cadre d’une compétition internationale, elle cherche aussi à rivaliser avec les plus prestigieuses tentures dynastiques, narrant les hauts faits des grandes figures européennes.

La déambulation dans la galerie permet de comprendre la genèse complexe de la tenture, probablement issue des ateliers du Bruxellois Willem de Pannemaker. Les lissiers devaient avoir une documentation variée, évoquée sur les lutrins, comprenant les feuilles de Caron ou des copies, des portraits gravés, dessinés ou peints.

L’Assaut d’une île sur l’étang du château de Fontainebleau © Palermo Roberto

Le tissage se situe entre 1575, au moment où Henri III monte sur le trône, et la fin des années 1570, ce que confirment les costumes. Les fêtes de Charles IX sont transposées sous Henri III, dans un croisement stratégique des temporalités. Les grandes heures de la cour de Charles IX sont célébrées sous le règne de son frère comme l’incarnation d’un véritable âge d’or que l’on cherche à ressusciter.

Dans le contexte tourmenté des Guerres de religion, la tenture répond à un programme dynastique et diplomatique. Alors que la monarchie est sévèrement affaiblie, il s’agit de faire oublier la discorde familiale au profit d’une image fantasmée d’éclat et d’unité, vraisemblablement portée par la reine mère pour ses enfants et son royaume.

Exposition « Antoine Caron (1521-1599). Le théâtre de l’Histoire » jusqu’au 3 juillet 2023 Musée national de la Renaissance – château d’Écouen

Vous aimez aussi