Bouchardon (1698-1762). Une idée du beau

Le musée du Louvre  rendent hommage à Edme Bouchardon qui fut considéré de son temps comme un artiste d’exception. Présentant près de 270 oeuvres et organisée avec le Getty Museum à Los Angeles, cette exposition sera la première monographie d’envergure réalisée autour de son oeuvre et l’occasion de souligner qu’il fut l’un des principaux protagonistes du néoclassicisme.

Edme Bouchardon, L’Amour se faisant un arc dans la massue d’Hercule. © RMN - Grand Palais , Hervé Lewandowski
Edme Bouchardon, L’Amour se faisant un arc dans la massue d’Hercule. © RMN – Grand Palais , Hervé Lewandowski

Fils d’architecte sculpteur, Edme Bouchardon se forma à l’Académie royale de peinture et de sculpture à Paris avant de faire un fécond séjour à l’Académie de France à Rome (1723-1732), couronné par des projets soumis au pape et par son élection à l’Académie de Saint-Luc. Rappelé en France par le directeur des Bâtiments du roi, alerté de sa grande réputation, il reçut rapidement atelier et logement au Louvre. Agréé à l’Académie en 1735, il devint ainsi sculpteur du roi.

Edme Bouchardon. Les fêtes de Palès. Cambridge, © The Horvitz Collection, Boston
Edme Bouchardon. Les fêtes de Palès. Cambridge, © The Horvitz Collection, Boston

Il fut admiré et célébré pour ses oeuvres sculptées, la fontaine de la rue de Grenelle, le décor du choeur de l’église Saint-Sulpice, la statue en marbre de L’Amour se faisant un arc de la massue d’Hercule et le monument équestre de Louis XV installé au centre de la place Louis XV (future place de la Concorde). Ses suites de dessins, dont Les Cris de Paris, connurent également un grand succès.

Edme Bouchardon, Faune Barberini, copie d’après l’antique. © Musée du Louvre, dist. RMN - Grand Palais / Raphaël Chipault
Edme Bouchardon, Faune Barberini, copie d’après l’antique. © Musée du Louvre, dist. RMN – Grand Palais / Raphaël Chipault

Parcours de l’exposition

Edme Bouchardon, « le plus grand sculpteur et le meilleur dessinateur de son siècle », selon Charles Nicolas Cochin, est une des personnalités artistiques du XVIIIe siècle les plus reconnues de son vivant. Sculpteur du roi, dessinateur de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, créateur infatigable de formes et d’idées nouvelles, praticien hors pair aussi bien lorsqu’il modèle la terre ou taille le marbre que lorsqu’il dessine avec le crayon de sanguine, il obtint des commandes parmi les plus prestigieuses de son temps.

Edme Bouchardon, Fontaine au gnome avec les athlètes domptant un ours et un lion, 1737, sanguine, Paris, musée du Louvre.

Ses chefs-d’œuvre ont marqué durablement les esprits, qu’il s’agisse du Faune endormi d’après l’antique, des bustes du baron von Stosch et du marquis de Gouvernet, de la fontaine de la rue de Grenelle, des statues du chœur de l’église Saint -Sulpice, de L’Amour se faisant un arc de la massue d’Hercule ou du monument équestre à Louis XV. Protégé par un cercle d’amateurs influents qui ont célébré « l’idée sublime qu’il s’était faite du beau » (Pierre Jean Mariette), Bouchardon a été beaucoup collectionné, apprécié et aussi critiqué. Il a cherché à créer une synthèse entre l’apaisement des formes tiré d’une observation des exemples antiques et la transcription minutieuse de la nature et du modèle vivant. Son esthétique a joué un rôle capital dans l’évolution de l’art en France et l’abandon progressif des excès de l’outrance formelle et de l’artifice.

Edme Bouchardon, Le pape Clément XII. Florence, Palazzo Corsini. © Galleria Corsini, Florence
Edme Bouchardon, Le pape Clément XII. Florence, Palazzo Corsini. © Galleria Corsini, Florence

Cette exposition, mêlant un grand nombre de techniques liées à la sculpture, au dessin mais aussi à la gravure, est la première jamais organisée de cette ampleur. Au fonds exceptionnel conservé au musée du Louvre s’ajoute un grand nombre d’œuvres issues de collections publiques et privées en France et à l’étranger.

PORTRAITS DE BOUCHARDON

Les portraits connus de Bouchardon jalonnent les étapes de sa carrière, de Rome à Paris.

Celui peint par son ami Pier Leone Ghezzi à Rome le montre en artiste juvénile, enthousiaste, l’air vif, en train de tailler en marbre le buste du collectionneur d’antiques Philipp von Stosch (présent plus loin dans l’exposition). La différence est nette avec le portrait exécuté par François Hubert Drouais dans le cadre officiel de son morceau de réception à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture. Drouais représente Bouchardon à la fin de sa carrière, posant assis en habit à la française devant les réductions de ses chefs-d’œuvre, L’Amour se faisant un arc et le Monument équestre de Louis XV. Le tableau fut gravé par Jacques Firmin Beauvarlet également comme morceau de réception à l’Académie.

Edme Bouchardon, Tête de cheval de face, Etude pour le Monument à Louis XV. Département des Arts graphiques, musée du Louvre. © Musée du Louvre, dist. RMN - Grand Palais / Suzanne Nagy
Edme Bouchardon, Tête de cheval de face, Etude pour le Monument à Louis XV.© Musée du Louvre, dist. RMN – Grand Palais / Suzanne Nagy

Quelques autoportraits donnent de l’artiste une vision plus intime. Le dessin qu’il fit de lui-même dans un carnet d’études lorsqu’il était en Italie est particulièrement saisissant : son visage aux yeux fermés, plongé dans des mains dévorantes, est une allégorie de la concentration et de la réflexion.

LES COPIES ROMAINES

Ayant remporté en 1722 le premier prix du concours de sculpture organisé par l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, Bouchardon fut envoyé comme pensionnaire à l’Académie de France à Rome. Le but du séjour italien, depuis la création de cette institution en 1666, était l’étude de l’art antique et des grands maîtres. Tout au long de son séjour romain, de 1723 à 1732, Bouchardon s’adonna volontiers à cet exercice, aussi bien par la sculpture que par le dessin. Conformément au règlement de l’Académie de France, il exécuta une copie en marbre d’après un antique pour le roi, le Faune endormi, qui lui apporta rapidement une grande renommée.

Il fit également un nombre considérable de copies dessinées à la sanguine, aussi bien d’après des antiques que d’après des sujets peints ou sculptés par les maîtres. Il copia des détails ou des compositions complètes, mais exécuta aussi des séries systématiques d’après des ensembles qu’il dut considérer comme exceptionnels : les fresques du Dominiquin à la chapelle Polet ou celles de Raphaël à la villa Farnésine.

En 1732, Bouchardon rapporta ces dessins à Paris, les accrocha chez lui et dans son atelier et, profondément imprégné de ces modèles, les conserva jusqu’à sa mort.

COMPOSITIONS ORIGINALES FAITES EN ITALIE

À côté de ses nombreuses études d’après l’antique et les grands maîtres, Bouchardon conçut et exécuta lors de son séjour en Italie des compositions originales importantes. Afin de transcrire au mieux la personnalité du collectionneur d’antiques Philipp von Stosch, il le représenta héroïsé comme un empereur romain, les cheveux courts, le torse nu recouvert en partie d’une draperie. Il créa ainsi l’un des premiers bustes néoclassiques en Europe.

Soutenu par le directeur de l’Académie de France, les ambassadeurs français et d’influents amateurs italiens comme les cardinaux Albani et Corsini, Bouchardon reçut des commandes aussi prestigieuses que le portrait du pape Clément XII et celui du cardinal de Polignac. Il crut longtemps que son Monument funéraire du pape Clément XII, prévu pour la basilique Saint-Pierre, allait être réalisé en marbre.

De beaux dessins nous gardent le souvenir de ses projets romains, comme celui de la fontaine de Trevi qui fut très admiré en son temps.

LES ACADÉMIES DE BOUCHARDON

Bouchardon s’initia à l’exercice de copie d’après le modèle nu masculin lors de ses années de formation à Chaumont mais l’essentiel de ses académies peuvent être datées de plusieurs années après le retour d’Italie, vers 1737-1739. Il fournit alors des dessins à Gabriel Huquier qui les fait graver pour publier des recueils d’académies, destinés aux élèves et aux amateurs.

Ses dernières académies datent de sa courte période d’enseignement en tant que professeur à l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, en 1748. Ces dessins, exécutés lors des séances de pose, au milieu des élèves, présentent une exécution plus rapide. Le travail sur la réserve, notamment dans les chevelures, est tout à fait virtuose.

La relative rareté des académies de Bouchardon ainsi que la corrélation qu’on peut établir entre leur production et ses années de formation à Chaumont, la publication des recueils gravés d’Huquier et enfin son enseignement à l’école du modèle incitent à y voir une activité marginale et ponctuelle chez le sculpteur. Son véritable intérêt pour le dessin d’après le modèle vivant resta lié aux études préparatoires aux sculptures, pour lesquelles il donna ses feuilles les plus abouties.

PORTRAITS ET ÉTUDES DE TÊTES

Alors qu’il avait exécuté un certain nombre de portraits pendant son séjour en Italie, Bouchardon en fit peu à son retour en France. Le seul buste qu’il conçut fut celui du marquis de Gouvernet, un chef-d’œuvre dont il exposa le marbre au Salon de 1738. La représentation d’un homme sur un torse nu à l’antique était une nouveauté absolue à cette époque à Paris. Les critiques admirèrent aussi le rendu particulièrement réaliste de la chair.

L’artiste, qui était également musicien et jouait du violoncelle, dessina le portrait du compositeur et violoniste Francesco Geminiani. Ce profil d’une grande puissance fut gravé à la manière de sanguine par Jean-Baptiste Lucien. Le talent et la sensibilité de Bouchardon dessinateur s’expriment au mieux lorsqu’il représente des visages, portraits restés anonymes ou têtes d’expression.

Ces dessins de vieillards aux barbes foisonnantes, de femmes au regard intense et d’enfants attendrissants furent collectionnés par les plus grands amateurs : Pierre Crozat, Carl Gustaf Tessin, Jean de Jullienne, Pierre Jean Mariette.

JETONS ET MÉDAILLES

Nommé dessinateur de l’Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres le 13 janvier 1737, Bouchardon exerça cette charge jusqu’à sa démission, quelques mois avant sa mort. L’Académie était notamment chargée de composer l’histoire métallique du roi, en donnant des sujets de médailles. Elle devait aussi produire chaque année des jetons pour l’administration royale. Les médailles, d’un métal précieux, souvent en or, commémorent des événements précis du règne. Leur légende, donnée par les académiciens, était rédigée en latin, avec des chiffres romains. Les jetons, édités pour une dizaine d’administrations royales, dans un métal plus modeste que l’or, portaient une inscription en français et des chiffres arabes. Ils étaient illustrés d’une scène imaginaire, métaphore de l’administration représentée.

Bouchardon fit preuve d’une grande inventivité pour renouveler les motifs des jetons, les mêmes organismes royaux étant célébrés d’année en année. Ce travail lui permit d’aborder des sujets qu’il ne traitait guère par ailleurs, tel le paysage, et de créer une imagerie plus poétique et insolite que dans les médailles, où le décorum était de rigueur.

ILLUSTRATIONS DE LIVRES

Un des aspects les plus inattendus de l’œuvre de Bouchardon est son activité destinée à la gravure et tout particulièrement, à l’illustration de livres. Familier du comte de Caylus, grand érudit et amateur d’antiques, qu’il rencontra dès son retour d’Italie, et très apprécié du marchand et éditeur d’estampes Gabriel Huquier, Bouchardon exécuta de nombreux dessins qui furent gravés par ces deux personnalités et par d’autres artistes. Si bon nombre de ces gravures furent rassemblées dans des recueils sans texte d’accompagnement, comme les académies, les planches d’anatomie, les métiers de Paris ou les vases, d’autres figurèrent en frontispice, en page de titre ou en vignette d’ouvrages historiques, scientifiques ou musicaux.

Bouchardon illustra ainsi aussi bien l’Histoire naturelle de Buffon, des partitions de Geminiani, des volumes savants sur les origines de la monarchie, la réédition d’un traité sur l’architecture qu’un des plus somptueux livres de fête du règne de Louis XV célébrant le mariage de sa fille aînée.

Son ouvrage le plus considérable fut la transcription dessinée des pierres gravées du roi pour le monumental Traité rédigé par son ami Mariette.

COMPOSITIONS PROFANES

Du fait de leur variété et de leur inventivité, les compositions profanes occupent une place très significative dans l’œuvre de Bouchardon. Elles abordent des sujets aussi divers que l’allégorie, le mythe et la fable, l’histoire ancienne, les arts décoratifs et même la caricature.

Dès son séjour romain, Bouchardon entreprit de dessiner des séries allégoriques, dont un étonnant groupe de Vents, puis un autre représentant les différents Âges qu’il mit en chantier en Italie et compléta une fois de retour à Paris. Durant les années 1730-1740, il s’investit beaucoup dans la création de compositions profanes, sculptées, comme pour le parc du château de Grosbois ou le bassin de Neptune du château de Versailles, ou dessinées. La plupart de ces dessins sont de véritables œuvres autonomes. Bouchardon exposa plusieurs de ses compositions au Salon du Louvre, entre 1737 et 1746, dont des sanguines et des modèles en terre cuite pleins de verve.

Par ailleurs, il diffusa nombre de ses inventions par la gravure, grâce à une fructueuse collaboration avec le comte de Caylus et le graveur Étienne Fessard, ce qui lui permit d’établir sa réputation d’inventeur prolifique et de donneur de modèles.

ART RELIGIEUX ET FUNÉRAIRE

La première sculpture connue de Bouchardon est un bas-relief à sujet religieux, le Martyre de saint Étienne, qu’il acheva en 1720 pour le tympan de l’église Saint Étienne à Dijon.

Il travailla pour l’église Saint-Sulpice à Paris dès son retour d’Italie. De 1734 à 1750 il exécuta en pierre de Tonnerre un ensemble monumental qui est toujours conservé in situ : huit apôtres debout, disposés dans le chœur devant des pilastres et à l’entrée du sanctuaire, sur des consoles, Jésus-Christ appuyé sur la Croix et la Vierge debout.

Au Salon de 1739, Bouchardon présenta le modèle en plâtre d’un bas-relief conçu pour un autel de la chapelle royale à Versailles et représentant la procession de saint Charles Borromée. Le dessin avec mise au carreau témoigne d’une esthétique subtile fondée sur l’intériorité des expressions et l’apaisement des formes. Le sculpteur imagina pour le tombeau du cardinal de Fleury une somptueuse composition. Deux esquisses en cire exceptionnellement conservées gardent le témoignage de ce projet que l’artiste ne put exécuter en marbre. Bouchardon dessina par ailleurs des monuments funéraires imaginaires.

En savoir plus:

du 14 Septembre 2016 au 5 Décembre 2016

http://www.louvre.fr/

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