Bureau Mazarin, Vers 1700, Attribué à Renaud Gaudron

Bureau à huit pieds de forme Mazarin en marqueterie sur fond d’ébène, la façade ouvrant à sept tiroirs et un guichet.

Il est décoré dans l’ensemble de motifs floraux et de volutes, le centre est incrusté d’un vase fleuri sur une plate-forme de volutes flanquées de volutes supplémentaires et de motifs géométriques entrecoupés de sphinx, de musiciens jouant du tambourin et de la trompette, de masques rustiques et de putti avec incrustations d’étain.
Les côtés également incrustés, au-dessus d’un tiroir à frise et d’une porte de placard à genouillère incrustées d’un brin de fleurs d’ivoire, flanquées de deux rangées de trois tiroirs à écussons dorés, séparés par des montants à pans coupés, sur des pieds carrés fuselés réunis par deux entretoises en croix ondulés. Il repose sur des pieds toupie.

Ce type de marqueterie apparaît dès les années 1670 sur plusieurs types de meubles à la mode à cette époque. Il s’agit notamment de coffres, cabinets et bureau dits Mazarin, notamment réalisés par l’ébéniste Pierre Gole.

Bureau Mazarin, Vers 1700, Attribué à Renaud Gaudron. (c) Galerie Gilles Linossier, Proantic

Renaud Gaudron (mort en 1727), ébéniste de la Couronne à partir de 1686.
Fils d’Aubertin Gaudron, maître ébéniste à Paris et ébéniste ordinaire de la duchesse Palatine, et de Suzanne Valet, Renaud, dit aussi Gaudron le Jeune, naquit vers 1653, étant le dernier garçon d’une fratrie de onze enfants.
Avec son aîné Nicolas (vers 1651-1702), il paracheva sa formation d’ébéniste dans l’atelier paternel, devint maître avant 1684 et remplaça cette année son père à la charge d’ébéniste ordinaire d’Elisabeth- Charlotte de Bavière, duchesse d’Orléans, puis entra au service du Garde Meuble royal, associant parfois à ses travaux son frère établi à Versailles.

Il s’était fait une spécialité des meubles recouverts de marqueterie de bois de rapport et le Journal du Garde Meuble consigne ses nombreuses livraisons de tables, de bureaux et de commodes dont les plateaux sont souvent ornés de vases de fleurs posés sur une table ou sur une campane, d’oiseaux, de papillons, de petits personnages grotesques ou de sphinges, motifs qui ont permis de lui attribuer un certain nombre de meubles encore conservés (Demetrescu, 2000).
Il livra, entre autres, l’une des deux armoires monumentales exécutées pour le Roi à Marly, l’autre étant réalisé plus tard par André-Charles Boulle.

Bureau Mazarin, Vers 1700, Attribué à Renaud Gaudron. (c) Galerie Gilles Linossier, Proantic

Renaud Gaudron est sans doute l’auteur de la paire de commodes provenant de l’ameublement du Grand Dauphin citée, faisant partie des collections royales espagnoles, et l’on peut aussi lui attribuer la commode du musée de Cluny, toutes présentant certaines similitudes de décor avec notre commode.
Par ailleurs, plusieurs de ces motifs se retrouvent sur d’autres pièces attribuées à Renaud Gaudron et évoquent la composition du plateau d’une commode, de dimensions à peine plus grandes et à trois tiroirs, livrée par l’ébéniste en 1713 pour le château de Compiègne : elle était recouverte de marqueterie de bois de plusieurs couleurs fond d’ébène, ornée au milieu d’un vase rempli de fleurs posé sur un bout de table et un masque grotesque au dessous ; le reste rempli de rinceaux, fleurs, oiseaux et papillons au naturel, le tout enfermé par trois filets de bois blanc, etc.

Bureau Mazarin, Vers 1700, Attribué à Renaud Gaudron. (c) Galerie Gilles Linossier, Proantic

Ce bureau appartient à un groupe de meubles exécutées entre 1685 et 1710, qui peuvent être rattachées avec beaucoup de vraisemblance à la création de Renaud Gaudron (v.1653-1727), ébéniste du Garde Meuble de la Couronne et son principal pourvoyeur en meubles recouvertes de marqueterie de bois de rapport, à partir de 1686 et jusqu’en 1713.
D’un aspect très similaire et avec peu de variations dans leur décor, dont certains motifs reviennent de manière récurrente, elles trahissent l’appartenance à la production d’un même atelier d’ébéniste. Toutes sont munies de montants droits, disposés à 45°, de plateaux aux angles arrondis ou coupés . Les plateaux sont invariablement décorés en leur milieu d’un vase de fleurs posé sur un entablement, en dessous duquel se trouve une tête de mascaron feuillagé, le tout entouré par un motif foisonnant de volutes et de rinceaux d’acanthe dont les enroulements vers les extrémités laissent jaillir deux autres petites vases fleuris en forme de bulbe.

Le motif représentant la grande rosace surmonté d’un fleuron d’acanthe servant de support pour un bouquet de fleurs est commun aux panneaux latéraux d’une paire de commodes à peine plus anciennes, exécutées pour Louis, Grand Dauphin de France et portant son monogramme, provenant du mobilier du roi Philippe V d’Espagne ainsi qu’à ceux d’une autre commode des années 1700-1710, d’un modèle différent avec sa façade simulant neuf tiroirs disposés en trois rangées et avec ses montants arrondis.

ATTRIBUTION

Toutes les meubles évoquées jusqu’ici sont parées de décors assez similaires, dont certains ne sont pas sans évoquer l’influence des modèles boulliens.
Par ailleurs, le rappel de certains motifs employés par André-Charles Boulle pour ses marqueteries de bois de rapport se fait ressentir, notamment lorsqu’il s’agit du mascaron feuillagé, couronné tantôt de plumes à l’indienne, tantôt d’une coquille à larges cannelures, ou d’une palmette.
Cependant, les motifs et la composition du décor utilisés sur un groupe de commodes, ainsi que sur l’ensemble de pièces mentionnées jusqu’ici, restent assez différents par rapport aux marqueteries de fleurs employées par André-Charles Boulle sur des meubles indubitablement sortis de son atelier ; et ce, bien qu’on ait parfois tenté de suggérer le rapprochement entre cette production et celle de cet ébéniste.

Ainsi, une première commode reprenant les motifs de notre bureau fut enregistrée au Garde Meuble de la Couronne le 28 octobre 1695, livrée par Gaudron pour le service du château de Marly et entra dans l’Inventaire général sous le numéro 487. Mais, en fait, il s’agit de Renaud Gaudron, qui devint le principal fournisseur de meubles pour les maisons royales dès le 8 juin 1686, en remplaçant Pierre Gole, décédé lui aussi en 1684.

Le 10 novembre 1688, le Garde-meuble de la Couronne recevait la livraison de deux bureaux pour les appartements de Madame de Maintenon au château de Versailles. Calin Demetrescu dans son ouvrage de référence, Les ébénistes de la Couronne sous le règne de Louis XIV, Lausanne, 2021, p.178-179, retranscrit ainsi la mention du Journal du Garde-meuble de la Couronne : « de marqueterie de bois à fleurs de rapport ayant chacun sept tiroirs et une armoire dans le milieu fermant à clé, dont les entrées des serrures sont de bronze doré, au-dessus est représenté un vase plein de fleurs pozé sur une table d’attente avec oyseaux et papillons, portez par huit pilliers en terme avec bazes et boulles dorés ».

Cette livraison appartient à un important groupe de meubles livrés par Renaud Gaudron (probablement avec la collaboration de son frère Nicolas) à partir de 1684, date à laquelle il obtint un quasi-monopole des fournitures d’ébénisterie auprès du Garde-meuble de la Couronne.
Le meuble présenté, ainsi que cette description, correspondent à une typologie décorative relativement précise aujourd’hui invariablement attribuée à Renaud Gaudron (né vers 1653, ébéniste reçu maître avant 1784 et mort en 1727).
Si plusieurs ateliers s’illustrèrent à la même époque dans le domaine de la marqueterie de bois de rapport, on associe aujourd’hui directement aux Gaudron une certaine exubérance figurative associée aux motifs de larges feuilles d’acanthe, entablements et vases de fleurs. Ce foisonnement de détails se condense cependant autour d’une syntaxe récurrente composée de mascarons feuillagés, profils grotesques, oiseaux et papillons. Plus tardivement, à la toute fin du XVIIe siècle, apparaissent vraisemblablement d’autres figures venant compléter les précédentes ; il s’agit notamment des sphinges, que l’on trouve alors associées au répertoire habituel de l’ébéniste.

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