Caroline, soeur de Napoléon, reine des arts

Caroline Bonaparte, née en 1782, est la plus jeune sœur de Napoléon Ier. En 1797, lors d’un séjour au château de Mombello, près de Milan, elle fait la connaissance d’un général flamboyant et élégant : Joachim Murat (1767- 1815) dont la réputation de grande bravoure suscite l’admiration. Ce dernier entame très tôt une carrière militaire, devenant vite un soutien militaire indéfectible pour le futur Napoléon Ier ainsi que son ami. Dans ce cadre absolument idyllique, tous deux tombent éperdument amoureux l’un de l’autre et se marient en 1800, après deux années de longue attente.

Caroline, sœur de Napoléon, reine des arts

D’abord altesse impériale en 1804, Caroline Murat devient en 1806 grande-duchesse de Berg et, en 1808, reine de Naples. Là, Caroline accomplit pleinement sa destinée de souveraine et révèle un sens politique accru : elle prend même le titre et la fonction de régente lorsque Joachim part en campagne sous les ordres de Napoléon.
Elle s’intéresse également aux problématiques économiques, sociales et éducatives de son royaume, en créant par exemple des écoles de jeunes filles et en réformant les manufactures de coraux.

Caroline Bonaparte et de sa fille ainée Laetitia Joséphine.
Elisabeth Louise VIGEE-LE BRUN (1755-1842)
© RMN-GP (Château de Versailles) / © Franck Raux

À la mort de son époux qui tente de reprendre son trône en 1815 et suite au départ de son frère pour l’île de Sainte-Hélène, elle entame comme toute sa famille et avec ses quatre enfants, un exil forcé à Trieste, Vienne et Florence, ville où elle sera finalement enterrée en 1839.
Elle se fait appeler, à la fin de sa vie, comtesse de « Lipona », anagramme de Napoli. La vie de Caroline Murat semble bien romanesque, elle est pourtant marquée par la grande rigueur qu’imposent ses titres successifs. Ses contemporains, à l’instar de la duchesse d’Abrantès ou d’Hortense de Beauharnais, étaient marqués par sa personnalité singulière. « La tête de Cromwell sur les épaules d’une jolie femme » déclara même Talleyrand.
D’un tempérament extrêmement complexe et difficile à cerner, Caroline séduit grâce à sa beauté, sa culture et son esprit, mais aussi grâce à une profonde intelligence politique, reflet d’une ambition, celle d’une place qu’elle estime être à la hauteur de son rang et de sa personnalité.

Napoléon affirma à cet égard : « De toute ma famille, c’est celle qui me ressemble le plus. » Et, si son habileté politique a beaucoup été décriée, étant pourtant une alliée de choix dans les moments difficiles, sa vive intelligence, sa grande culture littéraire, son rapport avec la sphère artistique et ses talents de mécène et de collectionneuse, ont quant à eux longtemps été occultés.
Ainsi, si l’exposition entend mettre à l’honneur la petite sœur de Napoléon souvent considérée comme la « capricieuse » et dont les collections ont été peu étudiées,
c’est avant tout pour offrir un panorama le plus large possible du goût d’une époque et pour redonner à Caroline Murat la place centrale qu’elle mérite, celle de souveraine d’un point de vue tout autant politique qu’artistique. En effet, en tant que princesse puis reine étincelante, mais au destin presque tragique, elle incarne l’époque virevoltante où elle a vécu et qui lui a permis tout autant d’encourager la création que de jouer du luxe, du raffinement et des stratégies du pouvoir. Elle est à la fois actrice et collectionneuse d’un phénomène artistique européen, le néo-classicisme ; tandis que son mari est le pionnier de l’unification italienne, voire d’une pensée européenne.

Caroline Murat, reine de Naples
Gérard François Pascal Simon, baron (1770-1837)
Ajaccio, Palais Fesch, musée des Beaux-Arts
© RMN-Grand Palais / Gérard Blot

L’exposition du Palais Fesch, réalisée en partenariat avec le Mobilier national et avec la participation exceptionnelle du Château de Fontainebleau, souhaite montrer tous les aspects de la personnalité complexe et attachante de Caroline, ses sublimes collections d’œuvres et objets d’arts, et étudier sa place au sein d’une famille au nom prestigieux, celle des Bonaparte.


Le parcours de l’exposition sera divisé en cinq sections et sera jalonné par tous types d’œuvres et d’objets, provenant des collections du Palais Fesch et du Mobilier National, mais aussi de prêteurs français et étrangers, que ce soient des collectionneurs privés ou de grandes institutions (musée du Louvre, musée des Châteaux de Versailles et de Trianon, Museo nazionale di Capodimonte, etc.) : ce seront autant de pièces des beaux-arts (peintures et sculptures), des arts décoratifs (meubles et bronzes), de documents d’archives, d’objets personnels, de costumes, de textiles, etc.
Les œuvres d’art, vecteurs de l’histoire personnelle de leur propriétaire et liés à la politique par leur contexte de production ou de présentation, intéressent donc tant la sphère publique que la sphère privée et intime.

Par la juxtaposition des objets, issus des collections de Caroline Murat, s’offre au visiteur la vision la plus globale possible d’une époque, l’Empire, et plus spécifiquement d’une de ses éminentes protagonistes, la
sœur de l’Empereur.

Des résidences successives comme modèles du goût

Pour analyser le goût de Caroline Murat, l’exposition proposera une vision de ses différentes résidences : sa vie ayant été marquée par des périodes française, autrichienne, et surtout italienne, et rythmée par des déménagements successifs où Caroline est contrainte d’abandonner souvent l’ensemble de ses collections et de ses meubles. Elle les a, heureusement, vécus à chaque fois comme l’occasion de créations totales où le lien, souvent trop ténu aujourd’hui et pourtant si important à l’époque, entre les arts décoratifs et les beaux-arts, entre l’ameublement et le textile, entre les œuvres et l’architecture, pour une esthétique totale de la collection, prend tout son sens. Cette idée est sensible à l’hôtel Thélusson à Paris où elle décora luxueusement la magnifique rotonde créée par Ledoux, ainsi qu’au château de Villiers où la galerie conçue par Leconte servit
notamment à exposer les deux superbes groupes de l’Amour et Psyché par Canova.


C’est dans cette complétude que Caroline Murat créait « son » palais de l’Élysée, sorte de modèle du goût, ensuite adapté aux traditions italiennes et à son nouveau rang dans les palais napolitains. Elle s’adressait d’ailleurs toujours aux meilleurs artisans (l’ébéniste JacobDesmalter ou le bronzier Ravrio par exemple). Ainsi, en 1815, lorsque le fils de Ferdinand IV de Bourbon s’apprête à reprendre possession de son trône, il « revient enchanté des beaux palais qu’ils retrouvent à la place de ceux qu’il avait laissés dégradés et mal meublés, et il s’écrie en présence de plusieurs courtisans : Ah papa mio, si vous étiez seulement resté absent dix ans de plus! »

L’étude des demeures successives liées chacune à un moment spécifique de la vie du couple, donc à chaque fois à un rang social et à une entité de collection, permettent de visualiser les mécanismes et les enjeux des choix artistiques, esthétiques et intellectuels de monarques du début du XIXe
siècle, tout en caractérisant, par la critique, le goût des Murat dans leur intimité.

 

Caroline Murat, les antiques et l’archéologie

Une réflexion sera menée dans cette section sur la place des collections archéologiques de Caroline Murat, que ce soit en France, où elles sont constituées sur le marché de l’art, avec la distance nécessaire au chef-d’œuvre, même si elles comptent aussi des copies d’époque, ou encore en
Italie, où elles sont exposées ou remaniées avec la passion des découvreurs. Si Caroline se passionne très tôt pour l’Antiquité, comme tout dignitaire de l’époque – elle possédait au château de Villiers et à Neuilly une formidable collection de vases étrusques. – ce seront surtout les découvertes d’Herculanum et de Pompéi qui électriseront sa créativité. Elle demandera même la réalisation de tout un ameublement somptueux issu de
l’assemblage de pièces antiques et de matériaux contemporains.

 

D’autre part, Caroline est véritablement l’instigatrice des fouilles archéologiques de Pompéi et d’Herculanum, développant toute une pratique archéologique, base de celles encore en cours aujourd’hui.
Elle donna également une aura spéciale au Musée de la Reine au Palais royal de Naples, destiné à en exposer les découvertes, que l’on peut considérer comme un pendant à caractère privé du musée royal du Palazzo degli Studi, destiné à devenir Museo Archeologico Nazionale de
Naples.

Les maîtres anciens

Caroline développa également une passion pour la peinture ancienne. Déjà à Paris, elle collectionnait de nombreuses peintures de la Renaissance acquises en Italie : Fra Bartolomeo, l’Albane, Bilivert, Carlo Dolci…
Elle les expose dans sa galerie de l’Élysée où elles seront remarquées par l’impératrice Joséphine, qui se les fait livrer à la Malmaison après le départ des Murat pour Naples. Aujourd’hui, nombre de ces œuvres sont conservées dans les collections de l’Ermitage de SaintPétersbourg.
En Italie, elle collectionne aussi la peinture ancienne, comme le prouvent les deux très beaux Corrège de la National Gallery de Londres : l’Ecce Homo et l’Éducation de l’Amour. Caroline s’inscrit avec son mari, par sa démarche de collectionneuse, dans son époque,celle propre au style Empire mais aussi celle d’une société postrévolutionnaire bercée par le rêve d’égalité de 1789, qui reprend pourtant, dès le début du XIXe siècle, les codes de l’Ancien régime. Si ses choix personnels laissent transparaître un œil avisé et montrent ses qualités d’amatrice, cette section traite plus largement de toute la sociologie de l’art et de l’histoire culturelle de la collection.

Modernité et postérité

Si Caroline ne tient pas salon, elle entretient des relations privilégiées avec les artistes de son époque comme Gérard, Dunouy, Bidault, Rolland, Canova ou encore Ingres. La continuité iconographique des peintures commandées ou achetées (représentations d’intérieurs, de paysages, d’Herculanum, etc.) et la fidélité des Murat aux mêmes artistes sont les fils rouges qui lient leurs collections françaises et italiennes. C’est, par exemple et au-delà de la recréation par Dunouy du décor de la galerie (actuel salon Murat) du palais de l’Elysée, à Naples, un véritable transfert de l’esthétisme français alors engagé dans le mouvement néoclassique européen qui se fait jour, dans le respect des traditions locales. Tandis qu’apparaissent, aussi et surtout, de nouvelles expressions, mixtes parfois, comme les vedute de Rebell, ou « avantgardistes », à travers le soutien porté à Ingres ou Granet et à la peinture troubadour ou de genre historique. Caroline Murat est autant une collectionneuse avisée qu’une commanditaire, moteur de création. Ce tourbillonnement artistique, à la fois mesuré et foisonnant, sera décortiqué au cours de l’exposition qui proposera aussi une comparaison avec ses sœurs, souvent considérées comme « reines des arts ».

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 Ajaccio, Palais Fesch-musée des Beaux-Arts
30 juin – 2 octobre 2017

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