Céramiques surprises

L’exposition est à découvrir au musée départemental de la faïence et des Arts de la Table à Samadet jusqu’au 25 septembre. Elle vous invite à découvrir des faïences exceptionnelles illustrant l’art du trompe l’œil en vogue aux 18ème et 19ème siècles.

Issues des collections prestigieuses du Musée du Louvre, de la Cité de la Céramique – Sèvres et Limoges ou encore du Musée des Beaux-Arts de Tours, ces pièces très travaillées qui mobilisent la reproduction fine -voire naturaliste- de modèles animaux ou végétaux vous font voyager en Allemagne et dans toute l’Europe gagnée par cette mode.

céramique surprise

Liées à une maîtrise remarquable des techniques de modelage, d’émaillage et de cuisson au petit feu qui permet une polychromie plus nuancée, ces faïences illusionnistes donnent vie à un bestiaire foisonnant et parfois fantastique.

Terrines et beurriers zoomorphes, assiettes et corbeilles aux faux fruits, plats au lézard et aux poissons racontent à la fois l’histoire de l’art, l’histoire des techniques, l’histoire du goût mais également l’histoire des sciences naturelles.

Quand les animaux deviennent terrine.

Le voyage démarre dans le pays rhénans, ou apparaissent les premières terrines zoomorphes en trompe l’oeil. C’est probablement à la manufacture de Höchst, proche de Francfort, fondé en 1746, que naît l’idée de donner aux terrines la forme d’animaux de basse-cour où de faune sauvage. La terrine est, avec le surtout, un élément central de la table de l’époque. Pièce d’apparat, elle est aussi une pièce d’usage, utilisée pour la présentation des plats.

Terrine chou (1760-1780) Bruxelles
Terrine chou
(1760-1780) Bruxelles

Ces objets extraordinaires connaissent un succès qui dépasse rapidement les frontières. La mode, née en Allemagne, irrigue rapidement la France et l’europe. Nourris par une forte rivalité entre sites de production, les ouvriers et les modèles circulent. De nombreuses manufactures européennes s’y essayent avec des résultats variés, depuis Mombaers en Belgique à Nove en Italie en passant par Deft dans les Pays-Bas.

Plat aux poissons, XIXème siècle. Léon Antoine Brard ( 1830-1902)
Plat aux poissons, XIXème siècle.
Léon Antoine Brard ( 1830-1902)

En France, c’est à Strasbourg que cet art connaît son apogée. Dans les années 1740, Paul Hannong réussit à attirer, grâce à la création de nouveaux fours, de grands modeleurs et peintres venant de manufactures allemandes. Ils apportent avec eux des secrets de fabrication et la composition de nouvelles couleurs. La collaboration de sculpteurs modeleurs et peintres céramistes maîtrisant le secret du petit feu engendre la création de pièces des plus spectaculaires: perdrix, bécasses, tortues, hures de sanglier rivalisent de prouesses techniques de forme ou d’ornement.

Assiette aux Noix. (1755-1763) Manufacture chapelle, Sceaux
Assiette aux Noix.
(1755-1763) Manufacture chapelle, Sceaux

Depuis l’Alsace, la mode des terrines zoomorphes et des faïence en trompe-l’oeil gagne toute la France. Sur les tables, les trophées de chasse sont accompagnés de terrines en forme de légumes ( choux, asperges, melons, artichauts et d’assiettes surprises remplies de faux fruits. A sceaux, à Niderviller, à Marseille, et même dans le sud-ouest à Bordeaux et à Samadet, cette mode fascinera l’Europe pendant une cinquantaine d’années ( 1750-1800).

Vase Edouard Avisseau ( 1831-1911)
Vase Edouard Avisseau ( 1831-1911)

Quand la France redécouvre le génie de Palissy.

Au XIXème siècle, à Tours puis à Paris, les Français redécouvrent le travail de Bernard Palissy, céramiste de la Renaissance ( 1510-1590) dont l’oeuvre est caractérisée par une faune grouillante sur un décor rocailleux.

C’est un potiers de Tours, Charles Jean Avisseau (1796-1861) qui le premier redécouvre les « figulines » de Palissy. Il s’inspire largement des plats en trompe-l’oeil et créé des séries où foisonnent coquillages, serpents, lézards, poissons, grenouilles et autres batraciens. Il retrouve les secrets perdus de Bernard Palissy, fonde l’école de Tours et influence de nombreux céramistes au XIXème et XXème siècles: Léon-Antoine Brard, Augustin Chauvigné, Charles-Joseph Landais, Victor Barbizet ou Georges Pull de l’école de Paris, parmi tant d’autres.

Le succès du style naturaliste et roccoco, à la mode dans les porcelaines et faïence, donne naissance à de nombreuses écoles qui se mettent à imiter, voir à copier, une production rustique et jaspée traditionnellement attribuée au maître.

Les néopalissystes du XIXème exécutent avec dextérité moulage, modelage et estampage, qu’ils réalisent dans un registre qui leur est propre. L’école de Tours met en scène des situations dramatiques de prédation ou la nature est le théâtre d’affrontements permanents, alors que les successeurs ( Busseroles, Brard) représentent des poissons dans des natures mortes.

Le foisonnement des compositions est tel que le public les comparent à de véritables tableaux. Les fonctions utilitaires liées au service et au décor de table sont abandonnées au profit de créations nouvelles destinées à rejoindre les salons bourgeois, les expositions universelles et les musées.

C’est faïence sont élevées au rang d’oeuvre d’art. Les artistes céramistes, dont certains sont aussi spécialistes de sciences naturelles marqués par les débats de leur temps sur l’origine des espèce et l’évolutionnisme, proposent alors de véritables tableaux de la nature.

Tout comme l’orfèvrerie , la verrerie, l’ameublement ou encore la décoration, la céramique française connaît alors un renouveau par de profonds bouleversement scientifiques, techniques et industriels.

En savoir plus:

http://www.museesamadet.org/

Vous aimez aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *