Situé à Agde, à proximité de Pézénas, le Château Laurens, connu également sous le nom de Villa Laurens, est une œuvre architecturale édifiée à partir de 1898 par Emmanuel Laurens, un célèbre collectionneur (1873-1959).
Unique en son genre, le monument reflète un style éclectique, avec un mélange de styles Art Nouveau et néo-grec, ainsi que des décors majestueux inspirés de l’égyptomanie et de l’orientalisme. Son architecture crée une véritable symbiose entre les différents arts et styles de ses décorations.
Edifié au cœur du domaine de Belle-Isle, face au centre historique de la ville d’Agde, cette demeure extravagante est le reflet de la personnalité originale d’Emmanuel Laurens, son commanditaire. Boiseries élégantes, céramiques manufacturées, peintures polychromes et mobilier sculpté constituent le décor foisonnant, rythmé par les reflets de lumière au fil des journées et des saisons.
Inclassable et surprenante, l’architecture synthétise les avant-gardes artistiques et les aspirations modernistes de la Belle Epoque. Classé Monument historique, restauré et ouvert au public, le château Laurens invite à un voyage onirique où se succèdent des séquences Art nouveau, orientalistes, égyptisantes et symbolistes.
Emmanuel Laurens
Voyageur éclairé, rêveur impénitent, Emmanuel Laurens partageait avec Pierre Loti, écrivain et voyageur Rochefortais, la tentation des pays lointains.
D’abord étudiant en médecine à Montpellier, carabin classique aimant se délasser dans la fête et ayant des inclinations marquées pour la littérature et pour l’art, son destin se retrouve bouleversé en 1897, année de ses 25 ans.
Unique héritier d’un patrimoine colossal, il devient un véritable dandy fin de siècle et ne vit plus que pour ses passions. Après un premier tour du monde, il édifie son château de Belle-Isle, à l’image de sa personnalité singulière, lieu de vie, de rêve, de fête et de délectation.
Son palais idéal devient alors le théâtre de réceptions somptueuses et le point de départ de ses longues traversées ferroviaires et maritimes en quête d’aventures et d’exotisme. Jusqu’à la fin de sa vie, Emmanuel Laurens et ses proches animeront continuellement ce lieu hors-du-temps.
LES ARTISTES ART NOUVEAU
Emmanuel Laurens n’a rien laissé au hasard dans la réalisation de sa somptueuse demeure et a poussé le souci du détail et du raffinement à son apogée, en s’entourant d’artistes de renom de l’époque. Il s’est ainsi assuré la collaboration d’un des architectes les plus en vue de Montpellier, Jacques Février. Formé à l’École nationale des Beaux-Arts de Paris, diplômé en 1891, son agence était située dans la Grand-Rue, face à l’enseigne du décorateur et ensemblier Paul Arnaveilhe, qui réalisait de nombreuses pièces de mobilier en collaboration avec l’artiste Léon Cauvy. C’est à eux qu’Emmanuel Laurens commande en 1898 l’exceptionnel mobilier Art nouveau du château Laurens. Le répertoire ornemental des pièces d’apparat a été mis en place selon des techniques des artistes décorateurs de l’Art nouveau : le poncif ou le pochoir.
Le décor mural, posé en aplat, sans modelé, ni perspective, est réalisé en 1901 par le peintre décorateur marseillais Eugène Dufour, ami d’enfance d’Emmanuel Laurens. Pour mettre en œuvre ces peintures, Dufour s’inspire des nombreux recueils ornementaux du 19e siècle, ceux d’Owen Jones par exemple, créant un univers floral, à mi-chemin entre l’Art nouveau et l’Orient antique fantasmé.
La richesse et le jeu des matières et des formes de l’appartement privé se retrouvent dans l’exceptionnelle salle de bains, l’un des rares ensembles réalisés à l’extrême fin du 19e siècle à être conservé toujours in situ. Imaginée par le décorateur parisien Eugène Martial Simas, elle a été célébrée dès 1898 dans les grandes revues décoratives de l’époque comme Art et Décoration et The Studio.
D’autres artistes sont associés au décor comme le sculpteur Alexandre Charpentier et le dessinateur Félix Aubert, qui réalisent le décor mural de la baignoire, ou l’italien Giandomenico Facchina qui exécute le pavement en mosaïque. Sur le thème de l’eau, céramique, marbre, émail, verre, cuivre et boiseries composent une pièce de bain d’exception, véritable chef-d’œuvre de l’Art nouveau en France. La décoration s’affirme également sur les murs où courent de grandes frises de soie relevées d’applications de velours en forme de fleurs, de feuilles et d’herbes sinueuses Art nouveau. Au centre du plafond du cabinet de travail, une exceptionnelle composition représente Apollon sur son char, œuvre de 1898 de Louis Anquetin, artiste proche de Van Gogh, Gauguin et Toulouse-Lautrec autourdes années 1890.
Ce décor plafonnant acheté par Emmanuel Laurens est l’esquisse préparatoire pour le rideau de scène du Théâtre Antoine à Paris, exposé au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts en 1898.
CHÂTEAU LAURENS
Avenue Raymond Pitet, 34300 Agde