Les porcelaines Kakiémon étaient produites au Japon dans les ateliers d’Arita, dans la préfecture de Saga, durant le milieu du XVIIème siècle, et présentent beaucoup de similitude avec les céramiques chinoises de la « famille verte ». La superbe qualité de ses décorations était très recherchée en Occident, et fut largement imitée par les producteurs de porcelaine occidentaux.
La Chine et plus largement l’Asie fascinent les Occidentaux charmés par les récits de voyages des jésuites ou des ambassadeurs qui publient des livres illustrés mêlant observations scientifiques et contes merveilleux.
Tout naturellement, les premières manufactures européennes de porcelaine vont donc imiter ces objets si recherchés et puiser leur source d’inspiration dans les motifs chinois et japonais, remaniés et adaptés au goût français. Les formes vont quant à elles rester occidentales.
Comme ses contemporains, le prince Louis-Henri de Bourbon-Condé (1692-1740) se passionne pour les arts d’Extrême-Orient et collectionne laques, indiennes et porcelaines. Lors de son inventaire après décès, on dénombre près de 2000 pièces de porcelaine dont la plupart viennent de Chine et du Japon (seules 79 étaient des pièces de Chantilly).
Afin de compléter sa collection, mais aussi fasciné par le mystère que constitue encore alors la fabrication de la porcelaine, vers 1730, il décide de patronner un porcelainier nommé Cicaire Cirou. Il le nomme « maître de manufacture » et l’établit dans le bourg de Chantilly.
Dans les ateliers on dénombre plus de trente ouvriers : tourneurs, mouleurs, graveurs, peintres et des ouvriers en charge de l’entretien des fours. Au cours de son histoire longue de 70 ans, la manufacture va produire des pièces très prises pour leur qualité et leur beauté.
La décoration
Le premier style décoratif adopté à Chantilly répond au goût dominant en Europe à l’époque : le goût des « chinoiseries »
De 1730 aux années 1750, Chantilly va ainsi adopter le « goût japon » aussi connu sous le nom de Kakiemon. On utilise alors une palette de couleurs intenses et lumineuses mais assez réduite (bleu de cobalt, vert, turquoise, jaune pâle, rouge, brun violacé) dite de « grand feu » (car cuite à haute température entre 800 et 1400 degrés). Les couleurs sont posées au pinceau sur fond blanc en aplats avec un fin cerne de couleur brune. On dit que les couleurs sont chatironnées.
Le style Kakiemon se caractérise par des motifs « japonisants » tels que les branches fleuries, bambous, haies, semis de fleurs, grenades, perdrix, grues, dragons, phénix, papillons, scènes de vie quotidienne et jeux d’enfants… disposés sans perspective.
Les compositions sont faites d’un nombre très réduit d’éléments, donnant ainsi des décors sobres et purs mettant en valeur la blancheur de la porcelaine. Comme en Extrême-Orient, le vide blanc structure et organise la composition, généralement asymétrique. Le décor sera ensuite cuit à 800°C pour être fixé dans l’émail.
La mort de Louis-Henri de Bourbon-Condé en 1740 puis le départ de Cicaire Cirou en 1751 sonnent la fin d’une époque exclusivement tournée vers l’exotisme. Parallèlement, les perfectionnements techniques comme la mise au point d’une pâte plus blanche et l’adoption du décor de petit feu à la large palette chromatique, permettent à la manufacture de diversifier sa production et d’engager un renouveau stylistique avec l’adoption du style rocaille alors en vogue.