Quatre meubles exceptionnels de la Bibliothèque nationale de France en prêt au Petit Palais
Le « Quadrilatère Richelieu », site historique de la Bibliothèque nationale de France, est entré dans une nouvelle phase de sa rénovation. Ces travaux exceptionnels entrainent le déménagement temporaire des collections du département des Monnaies, médailles et antiques, et la fermeture de son musée en 2016.
Au-delà de ses trésors archéologiques et numismatiques bien connus des experts et amateurs, ce département a le privilège de conserver un admirable décor rocaille du XVIIIe siècle auquel la prochaine restauration redonnera tout son éclat. Orné de toiles de Boucher, Natoire et Van Loo, le Salon Louis XV fut conçu pour accueillir les collections royales à la suite de leur transfert de Versailles à Paris.
Mais le département dispose également d’une série unique de grands meubles médailliers, entrés au fil de l’histoire de ses acquisitions de collections numismatiques. Plutôt que de les stocker en réserves en attendant la réouverture de ses espaces d’exposition de la rue de Richelieu, la BnF a généreusement accepté de confier au Petit Palais les quatre meubles les plus insignes de cet ensemble afin qu’ils puissent continuer à être admiré du public.
C’est l’occasion également de les présenter dans un tout autre contexte, mêlés aux collections de peintures et d’objets d’art du musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Témoignages du prestige accordé aux médailles et pierres gravées par les souverains et grands collectionneurs de l’époque moderne, ces écrins de marqueterie, de bronzes dorés et de précieux panneaux de laque de Chine sont en effet en eux-mêmes des chefs d’œuvre d’ébénisterie.
Ainsi, au milieu des boiseries des galeries Tuck consacrées au XVIIIe siècle, vont figurer désormais pour quelques années trois majestueux médailliers de cette époque.
Le plus célèbre (salle 10) est celui que le grand ébéniste Charles Cressent (1685-1767) réalisa pour le duc Louis d’Orléans (1703- 1752) dans les années 1739-1740. Lorsque le fils vertueux du Régent décida en 1742 de se retirer à l’abbaye de Saint-Geneviève, il emporta ce précieux meuble avec lui. En 1754, les chanoines génovéfains à qui le duc d’Orléans avait légué le meuble et son contenu – plus de huit cents médailles d’or et un nombre considérable d’intailles antiques –, commandèrent son buste à Cressent, qui était autant sculpteur et bronzier qu’ébéniste, et le placèrent au-dessus du meuble. L’ensemble resta à l’abbaye Sainte-Geneviève (actuel Lycée Henri IV) jusqu’à la Révolution et son transfert à la Bibliothèque nationale.
Derrière les battants de cette armoire à deux corps se cachent 68 minces tiroirs. Leurs poignées, les serrures, les charnières et autres ornements de bronzes dorés qui soulignent le décor de placage de bois précieux marquent par leur luxe, le caractère inestimable de la collection que le meuble renfermait.
Les deux médailliers dits « médailliers Pellerin » présentés dans la salle suivante (salle 8) répondaient à une commande privée d’un érudit, Joseph Pellerin (1684-1782) qui entendait aussi magnifier le fruit d’une vie de recherches assidues pour réunir et classer sa collection numismatique. La réputation de cet ensemble de plus de 32 000 monnaies grecques était telle qu’il finit par être acquis en 1776 pour le compte du roi grâce à la persévérance de l’abbé Barthélémy. Les deux meubles vides, que le vieux Pellerin voulut conserver chez lui jusqu’à sa mort en souvenir furent rachetés plus tard à ses héritiers, pour la somme importante de 2 000 livres.
Le plus ancien – qui doit remonter à 1720 – est orné de panneaux de laque de Chine sur un bâti décoré de marqueterie Boulle. Il ne revient pas au grand créateur louis-quatorzien mais probablement à un ébéniste plus tardif, Nicolas Sageot (1666-1731), dont le Petit Palais possède un rare bureau de même technique de marqueterie de cuivre et d’écaille de tortue. Sur les panneaux de laque orangé du premier médaillier Pellerin sont collées des figures d’arbres et d’animaux en pierre de lard, pierre tendre de ton clair approchant l’ivoire. Si les éléments sont d’origine, il est possible que certaines figures aient été déplacées pour créer davantage de symétrie dans les compositions et mieux répondre au goût européen.
L’autre grand cabinet à décor chinois provenant de Joseph Pellerin a été conçu vers 1730 à partir d’éléments sciés d’un paravent de laque de Coromandel datant de la fin du XVIIe ou du début du XVIIIe siècle. Malgré toutes les tentatives pour recréer en Europe la technique du laque, les meubles les plus précieux dans ce style étaient ainsi créés à partir d’éléments de coffres ou de grands paravents importés à très grand frais d’Orient.
Le quatrième meuble prêté par le département des Médailles, monnaies et antiques de la Bibliothèque nationale de France est beaucoup plus tardif puisqu’il ne remonte qu’à la fin des années 1870. Il témoigne en cela de l’autre vague exotique qui influença tant les arts décoratifs européens lorsque le Japon s’ouvrit au monde moderne sous l’ère Meiji. Il s’agit d’une vitrine japonisante, en palissandre du Brésil, ornée de bronzes dorés, œuvre d’Édouard Lièvre (1828 -1886). Un modèle très proche, mais avec une porte pleine au lieu d’une vitre, est conservé au musée d’Orsay. Il est daté de 1877, au moment du triomphe du Japonisme à l’exposition universelle de 1878. Après la mort de Lièvre, ce type de mobilier continua à être produit par ses successeurs d’après ses dessins pour le compte d’une célèbre boutique de décoration de l’époque « L’Escalier de cristal ».
Cet exemplaire plus ancien, puisqu’il porte le monogramme d’Édouard Lièvre, fut légué à la Bibliothèque nationale en 1906 par Charles-Louis-Marie de l’Écluse avec sa riche collection de monnaies et d’objets antiques. Le rôle majeur de Lucien Lièvre dans la conception de meubles et d’objets de style exotique a été récemment pleinement remis en valeur. Il est donc particulièrement heureux, au moment où le Petit Palais célèbre le graveur Kuniyoshi (1797-1861), et présente par ailleurs une exposition-dossier sur les productions de céramique dans le goût japonisant, qu’une pièce de cette importance puisse rejoindre pour quelques temps les espaces du rez-de-chaussée (salle 21) du musée non loin d’autres objets de même inspiration comme le service de table conçu par le graveur Félix Bracquemond.
Le prêt exceptionnel de ces quatre meubles historiques de la Bibliothèque nationale de France durant ses travaux sera pour beaucoup l’occasion de découvrir ces trésors méconnus du grand public. Afin de mettre ces créations en perspective, le Petit Palais les accompagnera d’autres pièces de ses collections, inédites pour certaines, dont un coffret en laque du Japon provenant probablement des collections du cardinal de Mazarin, un choix de céramiques orientales rarement montrées et trois tapisseries dont celle tissée à la manufacture de Beauvais à la fin du XVIIe siècle, L’Histoire de l’Empereur de Chine, déroulée pour l’occasion.
En savoir plus:
http://www.petitpalais.paris.fr/