Etude d’insectes sur vélin, début du XVIIIe siècle

Gouache sur vélin. Ecole allemande, début du XVIIIe siècle, atelier de Maria Sibylla Merian. (1647 – 1717)
Cette remarquable gouache sur vélin est autant une œuvre d’art qu’un document attestant du progrès des sciences naturelles à l’Epoque Moderne.
Y sont soigneusement représentés plusieurs insectes d’espèces et d’horizons différents. Entre la rosalie des Alpes, endémique de nos régions, et le plus exotique coprophanaeus lancifer d’Amérique du Sud, deux majestueux papillons déploient leurs ailes sur un parchemin dont l’aspect velouté fait vibrer les couleurs de la gouache. Les ombres portées finement esquissées donnent l’illusion d’une troisième dimension telle que le spectateur pourrait croire que ce sont là de véritables spécimens séchés.

Etude d’insectes sur vélin, début du XVIIIe siècle. (c) Galerie Thierry Matranga, Proantic

Cette précision est le fruit des progrès de l’optique au XVIIe siècle, notamment de l’invention du premier microscope par Cornelis Debbrel en 1622, qui révèlent à notre dessinateur l’infiniment petit et lui permettent de représenter méticuleusement les organes les plus infimes. Art et science ne sont alors pas encore séparés mais fonctionnent de concert à l’éclosion de la vérité. L’artiste, comme le scientifique, doit fonder sa compréhension du monde sur l’observation empirique afin de créer un art réaliste et vrai.

Etude d’insectes sur vélin, début du XVIIIe siècle. (c) Galerie Thierry Matranga, Proantic

Cette quête de beauté et de connaissance est menée par des pionniers, telle Maria Sibylla Merian, à l’atelier de laquelle nous rattachons cette étude d’insectes. Nous retrouvons en effet dans notre composition un ordonnancement régulier des spécimens à la manière de ce qu’elle fit dans de nombreuses études aujourd’hui conservées à l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg. Outre la virtuosité du dessin, l’on peut également relever à titre de comparaison entre notre vélin et le reste de son corpus une omniprésence de la couleur bleue avec laquelle elle matérialise aussi bien les transparences iridescentes des ailes que les carapaces.

Etude d’insectes sur vélin, début du XVIIIe siècle. (c) Galerie Thierry Matranga, Proantic

Si les qualités plastiques de cette œuvre sont à mettre sur le compte de sa formation de peintre de nature morte, la justesse des anatomies découle de sa passion précoce pour l’entomologie. Cette soif de savoir la pousse à mener un périlleux voyage d’étude au Surinam en 1699 duquel elle rapporte de nombreuses études inédites et des insectes séchés. Dès lors, c’est aussi bien en tant qu’artiste que scientifique qu’elle publie en 1705 son Metamorphosis insectorum Surinamensium. Cette grande compilation issue de son périple en Amérique constitua un ouvrage de référence pour les plus grands scientifiques, tel Carl von Linné qui cita ses illustrations à 136 reprises dans sa grande taxonomie des espèces.

Etude d’insectes sur vélin, début du XVIIIe siècle. (c) Galerie Thierry Matranga, Proantic

Biographie : Maria Sibylla Merian (Francfort, 2 avril 1647 – Amsterdam, 13 jan. 1717) découvre le dessin auprès de son beau-père, le peintre de nature morte Jacob Marrel. Son atelier possède alors un fonds de plantes et d’insectes séchés que la jeune Maria s’entraîne à copier. Toutefois, dès l’âge de 13 ans, elle comprend que l’étude d’après les spécimens vivants lui permettrait de se rapprocher d’une meilleure représentation du réel. Ainsi raconte-t-elle avoir « mis de côté sa vie sociale et dévolu tout son temps à l’observation des insectes et à l’amélioration de ses talents de peintre, de sorte à ce qu’elle pût dessiner et peindre des spécimens tels qu’ils sont dans la nature ».

A la fois éditrice et artiste, Maria Sibylla Merian est à la tête d’un atelier prolifique dans lequel travaillent de nombreuses autres femmes auxquelles les corporations refusaient souvent la grande peinture d’histoire. Ses deux filles, Johanna Helena Herolt (1668 – 1723) et Dorothea Maria Henrietta Gsell (1678 – 1743), firent la majeure partie de leur carrière dans l’atelier familial au point qu’il est souvent difficile de distinguer leurs œuvres de celles de leur mère.

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