L’exposition est présentée au palais des beaux arts de Lille jusqu’au 14 janvier 2013
Les paysages fabuleux du maniérisme flamand du XVIe siècle, dont la puissance d’image perdure dans le monde moderne, ont eu en leur temps leur interprétation mais n’ont jamais cessé de produire du sens. Ils sont en cela profondément anachroniques.
Le Palais des Beaux-Arts de Lille a souhaité organiser une grande exposition internationale d’une centaine d’oeuvres portant sur les « Fables du paysage flamand au XVIe siècle – Bosch, Brueghel, Bles, Bril». Cette exposition révèle le caractère merveilleux et fantastique de ces paysages du XVIe siècle qui suscitent aujourd’hui encore fascination, effroi ou questionnement.
A cette époque, les artistes flamands inventent une nouvelle manière de peindre, attachante et inventive, aux frontières du réel et de l’imaginaire. La nature devient le lieu de tous les mythes, de toutes les fables, les arbres et les rochers sont anthropomorphes, les créatures les plus étranges côtoient les hommes absorbés par leurs occupations quotidiennes. Dans ces mondes hybrides se dessine pour le spectateur un chemin de vie ; le paysage devient le lieu de passage entre la réalité sensible et le monde spirituel.
Dans ces images où se mêlent la foi chrétienne et les superstitions populaires, où se rencontrent le beau et le bizarre, le merveilleux et le monstrueux, la nature s’écrit dans un langage symbolique dont nous ne détenons plus tous les codes, et nous emmène dans un monde qui nous dépasse, cosmique, légendaire et infini.
L’originalité et la puissance de ces images, signées par des maîtres reconnus tels que Bosch, Brueghel, Bles, Bril ou Patinir, mais aussi par des artistes moins connus, mais néanmoins brillants comme Mandijn, ou de Keuninck, se révèlent dans leur composition d’ensemble comme dans le détail et repoussent la réalité du paysage au-delà du visible, jusqu’au fantastique.
A l’aube du courant maniériste, le paysage s’impose comme le véritable sujet de la peinture, devant la figure ou le récit biblique, relégués au second plan par la volonté de montrer l’invisible, de produire une impression d’infini. Les artistes flamands inventent une nouvelle manière de peindre, attachante et inventive, aux frontières du réel et de l’imaginaire. La nature devient le lieu d’accueil de mythes et de fables sacrées et profanes. Dans ces mondes hybrides se dessine pour le spectateur un chemin de vie ; le paysage flamand est le support d’une expérience visuelle et méditative qui pousse le spectateur à s’engager dans une réflexion, il devient le lieu de passage entre la réalité sensible et le monde spirituel.
I. Le chemin de vie
Le paysage, en tant que représentation merveilleuse ou fantastique du monde, n’imite pas tant la nature qu’il ne l’organise suivant une écriture symbolique. Au moyen de cette intellectualisation du paysage, le tableau se situe alors entre la sensation et la pensée, entre la perception et le modèle, et offre ainsi à la « vision intérieure » du spectateur la contemplation de l’invisible exceptionnellement montré. D’abord support esthétique, l’oeuvre d’art peut alors se muer en chemin de vie pour le spectateur.
II. Le monde fantastique
La part du diable et les lieux de dissemblance
À travers le goût du XVIe siècle pour la métamorphose fantastique et alchimique, les paysages anthropomorphiques et zoomorphiques, lieux d’apparition d’une image latente à la forme humaine ou animale, impliquent une participation active du spectateur dans le
processus de contemplation de l’oeuvre d’art.
Derrière le réalisme de la nature, surgit une double image qui fait entendre autre chose que ce qui est dit, voir autre chose que ce qui est montré. Le
paysage anamorphique met en fait en scène la distorsion d’une image de la nature et sa reconstruction. Face au paysage peint sur panneau, le spectateur en l’investissant corporellement, doit trouver sa place exacte pour gagner la révélation d’un nouveau paysage dans le paysage.
III. Fables sacrées, fables profanes
La section « Fables sacrées, fables profanes » illustre les sens du mot fable comme « récit de fiction exemplifiant un sens moral », récit fondé sur des éléments de la réalité quotidienne pour rendre compte d’une vérité générale, histoire mensongère, ou encore récit merveilleux de l’Antiquité.
Dans les paysages peints, c’est parfois l’irruption d’un détail dans un cadre qui montre la nature et la réalité quotidienne – le pied surgissant de l’écume dans La Chute d’Icare de Pieter Bruegel, le manteau rouge brandi par le prophète dans Élie et Élisée de Jan Massijs – qui fait basculer le paysage dans le fabuleux ou le surnaturel et invite à chercher un sens allégorique ou moral.
IV. Le monde merveilleux
De la variété du monde à la cosmologie sacrée
La dimension cosmologique traite de la ressemblance entre l’humain et le divin au milieu,de la nature et de l’assemblage harmonieux des éléments. Dans ces représentations du monde, le tableau est le réceptacle cosmique de l’étendue infinie de la nature, le peintre rapportant l’image de « toutes les merveilles de la nature ». L’imitation de la nature dans sa diversité se traduit par des compositions reproduisant l’incessant travail des forces du monde, selon l’ambition du peintre qui est d’imiter la Création du monde par Dieu dans son principe de variété.