Le Palais Lumière et son dôme vitré bordant le Léman est le lieu idéal pour présenter l’œuvre d’un artiste qui a fait de l’eau et de la lumière un thème central. on redécouvre de façon singulière l’œuvre de Félix Ziem (1821-1911), peintre-voyageur, pré-impressionniste et orientaliste. Homme universel, il symbolise, dans sa quête d’une nature idéale, l’ouverture au monde. L’exposition invite au rêve et à l’évasion avec des peintures représentant Venise, Saint-Pétersbourg, Constantinople ainsi que Marseille, Martigues, Paris…
Ces tableaux aux lumières chatoyantes sont accompagnés de carnets, de croquis, de dessins et d’aquarelles. Le tout contextualisé par des extraits de musique contemporaine, de films d’époque et de documentaires. Une des volontés des commissaires d’exposition est de créer un pont entre les pratiques artistiques et les sociétés d’hier et d’aujourd’hui… Croiser les regards et les techniques pour provoquer un choc esthétique, intellectuel et émotionnel !
Présentation de l’artiste Félix Ziem
Peintre des ciels méditerranéens et d’un Orient des Mille et Une Nuits, Félix Ziem fut un artiste nomade, inclassable, excentrique. Fils d’un tailleur d’habits émigré de Pologne, il choisit d’abord d’étudier l’architecture aux Beaux-Arts de Dijon avant de rompre brusquement avec l’école et avec son père. Il débute sa longue et prolixe carrière dans les années 1840 en découvrant, ébloui, la Méditerranée puis Venise. Grand voyageur, ami des peintres de Barbizon, admirateur du Lorrain et de Turner, Ziem occupe une place originale dans l’art du XIXe siècle. Il a su séduire une large clientèle qui aimait rêver de Venise ou de Constantinople devant ses toiles.
Le Palais Lumière présente une sélection de 100 peintures, aquarelles et dessins issus en grande partie de la donation faite par Ziem en 1905 au Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Préoccupé au soir de sa vie par la pérennité de son œuvre, Ziem avait réuni un ensemble significatif de peintures et d’aquarelles pour en faire don à ce tout jeune musée.
Cet ensemble provenant du fonds d’atelier accorde une place importante aux esquisses et révèle une part plus secrète de ce peintre dont la production pléthorique a fini par gâter la spontanéité. Le peintre est ici évoqué à partir des lieux qui inspirèrent sa quête d’une nature idéale, indifférent à la grande vague réaliste qui vint bouleverser l’art du paysage dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Ziem et ses marchands
Actif de 1845 à 1910, artiste prolixe, à la longévité exceptionnelle, sa production est estimée à plus de 10000 dessins et 6000 peintures. Peintre indépendant, peu soutenu par la critique, sa carrière est pourtant d’une exceptionnelle réussite commerciale, menée avec le soutien des marchands d’art les plus actifs sur la scène parisienne. La moitié des peintures vendues représente Venise. La cote de ses œuvres est très proche de celle des Impressionnistes.
Devenir peintre : études et voyages
La multiplicité des techniques employées dans les carnets et les études peintes à l’huile font écho à la diversité des lieux visités par le peintre-voyageur. Fusain, mine de graphite, plume, lavis de sépia, d’encre de chine ou d’aquarelle se succèdent au gré des différents sujets représentés. Dès 1842, Ziem voyage presque tous les ans à l’étranger. L’Italie, la Russie, la Hollande, la Belgique, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Écosse, la Tunisie, l’Algérie, la Turquie, le Liban, l’Égypte et la Grèce sont prétextes à tous les genres: paysages, architectures, portraits et copies d’après les maîtres
L’Orient : variations sur un même thème
Ziem embarque à Marseille en juin 1856 pour Constantinople. Cet unique séjour nourrira jusqu’à sa mort, en 1911, ses rêves orientalistes. Son séjour se prolonge jusqu’au 20 septembre 1856, date à laquelle il se met en route pour l’Égypte en passant par Smyrne, Rhodes, Beyrouth et Damas. Il est à Alexandrie le 8 octobre. Il visite Thèbes, Assouan et Philae, puis regagne la France, après des escales en Grèce et en Sicile. De retour à Paris, ses premières toiles, directement inspirées de ce voyage en Orient, sont présentées aux Salons de 1857 et 1859.
Le Midi, un bain de lumière
À vingt ans, Ziem part à la découverte du Midi, descend la vallée du Rhône jusqu’à Arles puis à Martigues où il séjourne dès 1841. C’est là que va s’affirmer sa vocation de peintre tandis que le port de Marseille lui donne le goût des voyages et de l’exotisme. Face à l’étang de Berre, Ziem forme le projet de créer «une marine méridionale entre Claude Lorrain et Rembrandt». Ce bain de lumière méditerranéenne lui fait écrire «On respire déjà l’air brûlant qui vous enivre des parfums mystérieux de l’Orient».
Le peintre de Venise
Le nom de Ziem est indissociable de Venise où il effectua près de vingt séjours. La ville lui inspira ses plus belles toiles et lui offrit même quelques conquêtes amoureuses, comme Lina, sa
maîtresse, «aussi belle qu’irascible». Il y loue fréquemment des embarcations qu’il fait aménager en ateliers flottants, afin de pouvoir peindre la ville sur l’eau et ainsi choisir les points de vue les plus pittoresques offrant de beaux effets de lumière.
Aquarelles : les mélodies de la couleur
Avant d’être peintre, Ziem est aquarelliste. Plus que de simples études, ses aquarelles doivent être considérées comme des œuvres achevées qui l’ont mené sur la voie du succès. Peintes sur le motif, elles constituent également un répertoire d’images dans lequel Ziem puise les thèmes de ses peintures de chevalet. Ses feuilles révèlent une grande maîtrise de l’art de la réserve, employée pour faire ressortir rochers, voiles, nuages et scintillement de l’eau. Les clairs-obscurs révèlent l’influence des maîtres hollandais et des peintres de Barbizon. Ces brillants effets suscitent chez les critiques d’élogieuses comparaisons avec Francesco Guardi, Mariano Fortuny, et même James Whistler.
Palais Lumière à Évian-les-Bains – Exposition jusqu’au 21 avril 2024,