La Petite Galerie du Louvre propose, pour sa 5e saison, une exposition intitulée « Figure d’artiste ». Elle accompagne le cycle d’expositions que le musée consacre en 2019-2020 aux génies de la Renaissance : Vinci, Donatello, Michel-Ange ou Altdorfer.
C’est à la Renaissance que l’artiste affirme son indépendance et cherche à quitter le statut d’artisan pour revendiquer une place particulière dans la cité. Cette invention de la figure de l’Artiste a cependant une histoire plus ancienne et complexe que l’ampleur des collections du Louvre permet de mesurer, des premières signatures d’artisans dans l’Antiquité aux autoportraits de l’époque romantique.
La signature, l’autoportrait, l’invention du genre de la biographie d’artiste servent son dessein : mettre en images les mots et accéder à la renommée accordée aux poètes inspirés par les Muses. En France, l’Académie royale de peinture et de sculpture et le Salon, première exposition temporaire d’art contemporain, apportent, sous le regard de la critique, la reconnaissance et les commandes aux artistes avant qu’ils ne soient consacrés par leur entrée au musée. C’est ainsi que le lien ancien entre les arts visuels et les textes a conduit à inviter, cette année, la littérature pour un dialogue fécond entre textes et images.
SALLE 1 – SIGNATURES
Les Grecs et les Romains confondaient dans un même terme l’« artiste » et l’« artisan », tekhnitès en grec et artifex en latin. Jusqu’à la Renaissance, l’artisan n’était pas considéré comme un créateur autonome. Relevant des arts mécaniques ou manuels, l’« artiste-artisan » exerçait son métier dans un atelier, ayant acquis par l’apprentissage un savoir-faire technique traditionnel qui laissait peu de place à la création individuelle.
Pourtant, dès l’Antiquité, certains de ces professionnels sortirent de l’anonymat, comme l’indiquent des objets portant leurs noms, voire quelques éléments biographiques. Ces mentions ou ces signatures, le plus souvent complexes à interpréter, pouvaient proclamer la notoriété d’un atelier ou l’excellence d’une production. Progressivement, avec la naissance d’une histoire de l’art et d’un marché de l’art, certains de ces artisans usèrent de la signature pour valoriser leurs créations.
SALLE 2 – AUTOPORTRAITS
À la Renaissance, architectes, sculpteurs et peintres cherchent à s’émanciper de leur statut d’artisan. Participant pleinement à la culture humaniste, les peintres, particulièrement, affirment cette prétention en cultivant le genre de l’autoportrait. Digne de se représenter à l’égal des princes, le peintre se met en scène et livre ainsi ses réflexions sur l’acte créateur. La peinture et les arts figurés prétendent alors rivaliser avec la littérature. Les écrivains, quant à eux, ont cherché à traduire les œuvres d’art en mots dans un exercice de description-évocation.
SALLE 3 – VIES D’ARTISTES
Dans la Grèce des 5e et 4e siècles avant J.-C., les peintres tels Zeuxis ou Apelle, et les sculpteurs, parmi lesquels Phidias et Praxitèle, ont acquis reconnaissance et prestige au sein de la cité. L’histoire de l’art naissante témoigne du goût pour l’attribution d’œuvres à des artistes connus. Au Ier siècle après J.-C., l’auteur romain Pline l’Ancien (23-79) reprend cette tradition dans son Histoire naturelle. Ces vies d’artistes antiques deviennent des sources d’inspiration. Le peintre et historien de l’art italien, Vasari (1511-1574) reprend cette veine biographique lorsqu’il publie en 1550 à Florence les Vies des plus excellents architectes, peintres et sculpteurs, de Cimabue (1240-1302) à Michel-Ange (1475-1564). Comme leurs illustres prédécesseurs antiques, les Vies des artistes de la Renaissance deviennent à leur tour des modèles à méditer et à imiter.
SALLE 4 – L’ACADEMIE ET LE SALON
En France, l’Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648, est placée sous la protection du roi Louis XIV (1643- 1715). Au 18e siècle, elle a son siège au Louvre, où sont conservées ses collections, notamment de portraits et d’autoportraits d’académiciens. La nouvelle institution artistique répond au désir d’un certain nombre d’artistes de s’affranchir de la tutelle des corporations de métiers, qui enferment les peintres et les sculpteurs dans un système hiérarchisé. Dispensant un enseignement fondé sur le dessin d’après le modèle vivant et l’Antique, l’Académie élève la peinture et la sculpture au rang d’arts nobles dits « arts libéraux ».
Aux 17e et 18e siècles, une quinzaine de femmes sont admises dans ses rangs. Les académiciens sont reçus après avoir présenté un « morceau de réception ». En 1793, la Révolution française supprime l’Académie royale et crée l’Académie des beaux-arts, dont l’influence est progressivement contestée au cours du 19e siècle.
Dès le 17e siècle, l’Académie royale de peinture et de sculpture organise des expositions d’œuvres de ses membres. Ouvertes au public, elles se tiennent régulièrement de 1737 à 1848 dans le Salon carré du Louvre, d’où leur nom de « Salons ». Reflet de la création artistique française, le Salon favorise la naissance de la critique d’art et contribue grâce aux commandes à asseoir la notoriété des artistes. Il offre aux artistes femmes une lente reconnaissance.
Après la Révolution française et la disparition de l’Académie royale de peinture et de sculpture, le Salon perdure sous la tutelle de l’Académie des beaux-arts et s’ouvre à tous les artistes. Événement majeur de la vie artistique, son succès est considérable au cours du 19e siècle. Si le Salon permet à ceux qui sont exposés de faire carrière, les « Refusés », toujours plus nombreux, contestent sa suprématie, jusqu’à obtenir du pouvoir l’ouverture du Salon des Refusés en 1863.
En savoir plus:
jusqu’au 29 juin 2020
Lieu :
Petite Galerie, aile Richelieu
https://petitegalerie.louvre.fr