Pastelliste et miniaturiste suisse d’origine française (son père, joaillier de Montélimar, s’était réfugié à Genève pour échapper aux persécutions religieuses), Liotard (1702-1789) se forme à Genève, puis à Paris, où il échoue au prix de Rome ; mais il se fait une réputation de portraitiste et s’attache au marquis de Puysieux, qui l’emmène en Italie (1736).
Sa carrière est marquée par des voyages : en France, en Italie où il fait le portrait du pape Clément XII, mais surtout à Constantinople, capitale de l’Empire ottoman, où il reste quatre ans (1738-1742).
Il y réalise de nombreux portraits : ceux d’Européens en costume turc, comme monsieur Levett et mademoiselle Glavani, mais aussi celui d’un grand vizir et, surtout, ceux de dames, turques ou occidentales. Il peint également le portrait de John Montagu, ambassadeur de Grande-Bretagne, dont l’épouse est l’autrice de célèbres lettres décrivant la vie stambouliote, qui inspireront de nombreux peintres orientalistes.
Plus tard, entre 1743 et 1745, lors de son séjour en Autriche, il se présente à l’impératrice Marie-Thérèse vêtu à la turque, avec une longue barbe floconneuse à la moldave, comme dans son autoportrait signé « J. E. Liotard de Genève surnommé le Peintre turc ». Il la peint en costume oriental, et réalise les portraits de ses nombreux enfants, dont Marie-Antoinette, future reine de France.
Vers 1750, en France, il portraiture Louis XV, Madame de Pompadour et des dames de la cour , ainsi que les philosophes Voltaire et Jean-Jacques Rousseau ce dernier portant, comme souvent, un caftan arménien.
En 1757, après d’autres séjours en Angleterre et en Hollande, il s’installe à Genève, où il devient le portraitiste des notables.
L’art de Liotard s’oppose à l’art français du XVIIIème, épris de brio, de grâce et de charme. Il est typiquement genevois par son goût de l’analyse et de l’observation, par son indépendance, qui lui fait mépriser les écoles à la mode ; il use d’un langage pictural extrêmement dépouillé, se refusant à toute concession tendant à embellir ses modèles. Sa première et son unique préoccupation est de faire » vrai » — d’où son surnom de » peintre de la vérité « .
Coloriste sensible, Liotard possède au plus haut point la science des valeurs. Ses pastels n’ont pas la pénétration psychologique de ceux de La Tour ni l’extrême raffinement de ceux de Perronneau, mais leur prix réside dans le rendu scrupuleux de la réalité.