Jules-claude Ziegler (1804-1856) avait une personnalité hors norme. Élève d’Ingres, il fut d’abord un peintre d’histoire célèbre auquel on doit notamment la coupole de l’église de la Madeleine. Il réalisa aussi des lithographies, dessina des vitraux, rédigea des traités et fut un des premiers à s’essayer à la photographie. Il dirigea à la fin de sa vie le musée et l’école des Beaux-Arts de Dijon.
En 1838, Ziegler fonde la manufacture de grès artistiques de Voisinlieu près de Beauvais qui comptera une quinzaine d’employés très qualifiés. Lui-même n’était pas potier mais il dessinait les modèles – plus d’une centaine qui seront généralement moulés.
L’ incursion de Ziegler dans la céramique fut brève -4 ans seulement- mais extrêmement brillante. En ce court laps de temps, il rénova la production du grès salé, ce grès recouvert d’une fine pellicule brillante qui avait été très en vogue dans l’Allemagne du XVIe et XVIIe siècles où il était employé pour la production d’objets de consommation courante.
A côté de pièces d’usage et de pièces pour l’industrie chimique, Ziegler utilisa aussi cette matière pour créer des pièces artistiques parfois polychromes, destinées aux amateurs fortunés.
En 1843, Ziegler se voit décerner la médaille d’or de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, à l’issue du concours lancé pour retrouver les techniques de fabrication des grès fins, afin de lutter contre la sévère concurrence des potiers anglais.
Il ouvre une boutique à Paris dans le quartier à la mode, sur les grands boulevards, pour y vendre sa production. En dépit de leurs prix élevés, ses pièces en grès qui rencontrent un vif succès surprennent par l’originalité de leurs décors empruntés à une multitude de sources d’inspiration, dans le goût éclectique de l’époque, mais aussi par leurs formes très étudiées.
Certains de ses décors sont très inspirés de la nature qui annoncent l’Art nouveau . D’autres thèmes sont ancrés dans le répertoire religieux, d’autres encore intègrent des motifs indiens, pharaoniques, extrême-orientaux ou hispano-mauresques. Ses formes (cruches, pots à tabac et autres canettes) reprennent volontiers des modèles rhénans du XVIe siècle. De tous ces apports, résulte une œuvre artistique à nulle autre pareille et d’une grande maîtrise technique.
Le succès fut au rendez-vous mais Ziegler se tourna bientôt vers de nouvelles aventures.
Son influence (l’Ecole de Voisinlieu) se retrouva dans de nombreuses fabriques européennes jusqu’à ce que, à la fin du XIXe siècle, une autre approche du grès – toute inspirée du Japon – domine à son tour le monde de la céramique.