Exceptionnel par sa taille et sa qualité d’exécution rare Katagami (pochoir) japonais XIXème. Ces pochoirs, soigneusement découpés dans des feuilles à base de mûrier et de fibres végétales, servaient à teindre les étoffes, notamment celles des kimonos d’été.
La Maison Tassinari et Presle (soieries) à Paris en conserve une très intéressante collection. Ces katagami furent au XIXème siècle la source de nombreuses influences auprès d’artistes occidentaux.
Les Katagami
Apparus au Japon au cours du XIIIe siècle, les katagami sont d’élégants et minutieux pochoirs en papier utilisés pour teindre les tissus. L’âge d’or de cet art décoratif se situe durant la seconde moitié de l’époque d’Edo (1603-1868). Mais il faut attendre les années 1860 pour que d’éminents créateurs de Vienne, Bruxelles, Paris et autres capitales artistiques occidentales commencent à s’inspirer de ces pochoirs, donnant naissance à des chefs-d’œuvre du japonisme.
L’exposition présente une vaste sélection de katagami ainsi que de magnifiques kimonos décorés au pochoir. Elle porte surtout l’accent sur un aspect encore méconnu du japonisme que de récentes recherches mettent en lumière : l’influence des katagami sur la création occidentale.
Des mouvements artistiques majeurs, en particulier l’Art nouveau et l’Art déco, semblent en effet avoir trouvé dans ces formes raffinées venues du Japon, une source d’inspiration nouvelle. L’ensemble exceptionnel de plus de deux cents pièces exposé à la MCJP – katagami, costumes, affiches, bijoux, meubles, tissus, vases… – provient de prestigieux musées et institutions du Japon et d’Europe : Musée d’Orsay, musée des Arts décoratifs de Paris, MAK de Vienne, Musée des Arts décoratifs de Hambourg, Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles…
L’impression avec pochoir en papier se répand dans l’archipel dès l’époque de Kamakura (1185-1333). Toutefois, cette technique n’est parfaitement maîtrisée que quelques siècles plus tard, à l’époque d’Edo.
La première partie de l’exposition réunit de nombreux pochoirs datant pour la plupart des XVIIIe et XIXe siècles. Simples outils de l’industrie textile japonaise, ces feuilles brunes frappent par la beauté des motifs et l’incroyable habileté qu’a nécessitée leur confection. Les multiples applications de la décoration au pochoir sont illustrées par de splendides vêtements : tenues de samurai, costumes d’acteurs de théâtre kyôgen, kimonos pour femmes de l’ère Meiji (1868-1912), costumes traditionnels d’Okinawa…
Au cours des années 1850, la fin de l’isolement du Japon entraîne un intense commerce entre l’archipel et l’Occident. Les Occidentaux assouvissent leur goût pour les objets exotiques en important des laques, céramiques, tissus, netsuke… C’est le temps du japonisme. Les pochoirs japonais n’affluent sur le marché européen qu’à partir de la fin du XIXe siècle, lorsque l’industrie textile japonaise en pleine mutation commence à s’en désintéresser. Ils font donc partie du répertoire tardif du japonisme. Les artistes occidentaux s’en inspirent quand ils sont disponibles en grand nombre dans les musées, les bibliothèques, les écoles et les ateliers d’Europe ou des Etats-Unis.
La seconde section de l’exposition se propose de montrer de quelles manières les grands foyers artistiques occidentaux se sont réappropriés l’esthétique des katagami. Au début du XXe siècle à Vienne, Joseph Hoffmann, Koloman Moser et d’autres membres éminents des Ateliers viennois ont créé des œuvres présentant des ressemblances troublantes avec les pochoirs japonais qu’ils avaient souvent étudiés avec soin.
Cet intérêt pour les katagami est particulièrement manifeste chez Hoffmann : le célèbre architecte, qui enseignait également à l’Ecole des arts appliqués, utilisait en effet dans ses cours des pochoirs du Japon empruntés au Musée national des Arts appliqués qui en possédait une riche collection. A Paris, les estampes et les objets artisanaux japonais, commercialisés dès les années 1860, sont popularisés auprès d’un large public grâce aux expositions universelles de 1867 et 1878. Plus tardive, la révélation des katagami en France se fait par leur publication dans les revues d’art telles que Le Japon artistique du marchand Siegfried Bing.
Les pochoirs contribuent au renouvellement des arts appliqués, le motif se transforme en un élément plus stylisé et se géométrise. La représentation simplifiée de la nature enchante les artistes et architectes français. On retrouve les motifs aux combinaisons de lignes onduleuses des pochoirs aussi bien dans les bijoux de Lalique, que dans l’architecture de Guimard, les gravures de Vallotton ou les étoffes de Mulhouse.
Bruxelles est au début des années 1890 la capitale de l’Art nouveau. Les compositions planes, la sobriété et les courbes sinueuses qui caractérisent ce mouvement rappellent étonnamment les formes des pochoirs japonais. Ces similitudes frappantes ne sont pourtant pas fortuites puisque des représentants majeurs de l’Art nouveau, à commencer par les architectes Victor Horta et Henri van de Velde, ont étudié et parfois aussi collectionné les pochoirs japonais. L’Angleterre a très tôt développé les échanges avec le Japon. L’Exposition universelle de Londres de 1862 présente pour la première fois en Europe une large éventail de produits artisanaux japonais qui enchante les professionnels du design anglais. Les créateurs liés au mouvement Art and Crafts sont particulièrement sensibles aux motifs naturalistes qui ornent notamment les pochoirs.
Modèles d’un japonisme tardif auquel ils donnent un nouveau souffle, les katagami ont inspiré non seulement l’Art nouveau, mais aussi bien des aspects du style Art déco des années 1925 et, bien au delà, d’innombrables décors plans qui nous sont encore familiers mais dont l’origine japonaise a été souvent bien oubliée.
Exposition de la maison de la culture du Japon 2006 ( Katagami: les pochoirs japonais et le japonisme. )