L’appellation céramique d’Iznik désigne les productions réalisées à partir du milieu du XV siècle dans la ville d’İznik (anciennement Nicée) en Turquie. Ce n’est qu’à partir des années 1950 que les historiens de l’art ont attribué les nombreuses pièces céramiques, conservées dans les collections publiques et privées, à la production d’Iznik. Jusqu’alors prévalait les dénominations douteuses de « céramiques ottomanes« , « céramiques de Rhodes » ou « faïences de Lindos« .
La prise de Byzance par Mehmed II en 1453 va entraîner un renouveau de la capitale impériale. L’embellissement voulu par le sultan, décidé à en faire la capitale de son empire, génère une demande accrue de pièces de décor et d’objets d’art. Désignée en turc ottoman par le terme « çini » et destinée initialement à satisfaire la demande de la cour ottomane de Byzance, la céramique d’Iznik va rapidement s’exporter vers l’occident, essentiellement en Italie, bénéficiant des liens commerciaux avec les marchands vénitiens et génois et de la demande accrue des républiques de la péninsule.
Par décret du Sultan, en 1585, Iznik aura l’obligation de consacrer toute sa production de faïences au Palais, ce sera l’une des raisons du déclin de cet art. La dernière grande commande impériale se fera pour la Mosquée Bleue (1609-1617). Plus de 2000 carreaux de revêtement. En 1648, il ne reste plus que 9 ateliers alors qu’on en dénombrait 300 au début du siècle.
À partir du début du XVIIème siècle, la céramique d’Iznik va connaître un lent déclin de son inventivité et de sa qualité de fabrication. En 1719, les derniers fours d’Iznik seront définitivement abandonnés. Les productions de la ville de Kütahya vont alors prendre le relais tout au long du XVIIIème siècle.
Avec la guerre d’indépendance et les pogroms nationalistes du XXème siècle, la grande majorité des maitres potiers restants, qui étaient soient arméniens soient grecs, fuient la région et une grande partie du savoir-faire disparait. Dans les années 1950 on trouve aussi de la céramique d’Iznik rouge de très faible qualité. Cette production est plus proche de la poterie mais reprend les motifs sur des émaux crème et ocre.
Depuis les années 1980 et avec le retour de la notoriété d’Iznik en Turquie, beaucoup de faïences originaires de Kütaya sont seulement peintes et signées à Iznik. Néanmoins certains céramistes turcs ont travaillé afin de retrouver ce savoir-faire. Parmi eux ressortent les noms de Faik Kirimli (1935-), Faruk Şahin (1950-), Ismail Yiğit (1963-) dont certaines pièces sont au Victoria & Albert Museum de Londres.
Caractères stylistiques de la céramique d’Iznik
Renommés pour la perfection technique de leurs pièces, les potiers d’Iznik développent des décors et des coloris qui rencontrent un succès grandissant tout au long du XVIème siècle. Les couleurs utilisées sont tout d’abord le bleu de cobalt, qui domine entre 1480 et 1520, plus ou moins délayé. Il permet d’obtenir de nombreuses nuances de bleu jouant avec le fond blanc. Il s’enrichit à partir de 1520 d’un bleu turquoise à base d’oxyde de cuivre.
Les gammes des verts, du sauge à l’olive, apparaissent dans les années 1530 avec le rose, le gris, le noir. Le pourpre et le brun complètent la gamme mais c’est le rouge tomate, réalisé avec de l’oxyde de fer, qui va faire la réputation des céramiques d’İznik. L’introduction du rouge est visible pour la première fois dans le décor de céramique de la Suleymaniye (achevée en 1559) et donne un repère pour dater les vaisselles qui portent cette couleur. On le retrouve souvent sous l’appellation Bol d’Arménie.
Les compositions décoratives, communes à la vaisselle et aux carreaux de revêtement, associent des fleurs du répertoire chinois (lotus, grenades, pivoines) à d’autres plus typiques du répertoire turc (œillets, roses, tulipes, jacinthes, prumus, feuilles lancéolées).
Dans les dernières décennies du XVème siècle, la palette autorise toutes les compositions et les décors à dominante végétale du début sont peu à peu supplantés par un foisonnement créatif dans lequel animaux, oiseaux, fleurs ou bateaux nourrissent des décors extraordinairement variés.
Après la période d’oubli liée au déclin du XVIIème siècle, la présentation des pièces vendues par Auguste Salzmann au musée de Cluny en 1865, et exposées en 1878 à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris, va contribuer à la redécouverte des motifs d’Iznik et devenir une source d’inspiration pour les céramistes occidentaux : Théodore Deck (1823-1891), Edmond Lachenal (1855-1930), Leon Parvillée (1830-1885), et Jules Vieillard en France. William de Morgan (1839-1917) en Angleterre. Milkos Zsolnay (1857-1922) en Hongrie. Emile Samson (1837-1913) en fera des copies à Paris.