Concepteurs de la céramique décorative méditerranéenne, les Massier ont été de grands novateurs pour leur époque. A travers les innovations techniques et le renouveau des formes décoratives fortement inspirées par l’éclectisme de la fin du XIXe siècle, ils ont su suivre les orientations de leur époque et même les précéder en s’adjoignant des collaborateurs de renom.
Un nombre considérable de jardins d’hiver ou d’été, de terrasses, de balustrades surmontées de coupes à fleurs revêtues d’émaux turquoise, témoignent encore aujourd’hui du talent des Massier et de leur notoriété sur la Côte d’Azur.
Créateurs à l’origine de pièce inspirées par la Renaissance italienne, Clément surtout et son frère Delphin s’imprègnent des influences étrangères véhiculées notamment par les expositions universelles qu’ils fréquentent tant comme visiteurs qu’exposants. S’en suivront des créations inspirées par l’architecture et les décors de diverses cultures : néomauresque, afghane, japonaise…
Les Massier (Jérôme, Clément, Delphin, Cédric) sont une dynastie de céramistes qui remonte au-delà de la Révolution française et qui joua un rôle clé dans la renaissance de la céramique de Vallauris.
Clément Massier est considéré comme le fondateur au début du XXème siècle de l’industrie céramique moderne de Vallauris. D’un naturel créatif, Clément Massier fut d’abord ouvrier dès 1856 chez son père Jacques (1801-1871).
Il fut initié à la poterie par Gaetano Gandolfi, un maître-potier italien engagé par son père. Gandolfi sera l’initiateur de plusieurs techniques, parmi lesquelles la faïence émaillée, qui feront la renommée de la maison Massier. Dès lors, la production se distinguera par son originalité, abandonnant la poterie utilitaire au profit d’une création exclusivement artistique.
Les trois entreprises Massier, dirigées par les frères Clément et Delphin et le cousin Jérôme formeront bientôt une des productions majeures de Vallauris.
Un entrepreneur de la céramique
À la mort de son père, Clément s’associe dans un premier temps avec son frère Delphin Massier pour créer finalement sa propre fabrique en 1883 en dehors de Vallauris. Son implantation à Golfe-Juan , sur la route reliant Monaco, Nice et Cannes lui permettra d’atteindre le tourisme fortuné et cosmopolite et de bénéficier de la proximité du chemin de fer pour expédier ses produits manufacturés.
Un an plus tard, son entreprise emploie déjà 120 ouvriers. Un véritable réseau de commerce est mis en place grâce à la diffusion de catalogues détaillés en France et à l’étranger qui proposent de nombreux modèles d’inspirations très différentes, avec des palettes de couleurs et des techniques d’émaillage variées (monochrome, polychrome, jaspé.). Clément Massier devient un véritable entrepreneur en ouvrant des points de vente dans sa propre région, mais aussi dans la capitale et jusqu’en Allemagne.
De nombreux concours et expositions à travers le monde leur vaudra une renommée internationale et une clientèle des plus prestigieuses dont la reine d’Angleterre, Victor Hugo, Emile Zola, Jean Aicard et bien d’autres… Une production soutenue et constamment renouvelée, rythmera l’ensemble de leur carrière artistique jusqu’au début du XIXème siècle.
Les collaborateurs
Les Massier, et en particulier Clément, ont fait appel à des collaborateurs de renom. Dès 1860, il invite le sculpteur écossais Alexandre Munroe et Optat Millet, céramiste décorateur formé à Sèvres, à dessiner des modèles pour l’atelier. La collaboration la plus significative est celle du peintre symboliste Lévy – Durhmer, qui sera directeur artistique de la fabrique de Clément, pendant huit ans, de 1887 à 1895.
L’invention de la céramique irisée
Grâce à ses travaux chimiques, il s’impose comme un des principaux créateurs de la céramique irisée ( faïence à reflets métallique) , produisant une œuvre d’une grande diversité. Lors de l’exposition universelle de 1889, ses céramiques turquoise au lustre métallique lui valent une médaille d’or.
Cette technique hispano – mauresque du XVème siècle consiste à cuire une troisième fois les pièces en atmosphère réductrice en feu de moufle ( réduction d’oxygène dans le four). La substance pâteuse à base d’oxydes métalliques qui recouvraient les pièces permettaient, après cuisson d’obtenir des irisations aux nuances variées.
À partir de 1905 Clément Massier produira également de la poterie culinaire de luxe, des articles utilitaires (cendriers, boites d’épingles et même des tuiles et éléments pour l’architecture…).
Par leur démarche artistique et leur esprit commercial, Delphin, Clément et Jérôme Fils, illustrent parfaitement cette fin du XIXe siècle où émerge et s’affirme la notion d’ « arts appliqués à l’industrie » qui deviendra les « Arts décoratifs ».
Jérome Massier décède en 1916. Sa descendance poursuivra une fabrication de céramique avec Marc Clergue, puis son fils Jean Clergue qui la cédera à son neveu Alain Maunier jusqu’en 1990.