Le Domaine de Chantilly accueille, dans les Grands Appartements du château, une exposition inédite et joyeuse où porcelaines fines et excentrique modernité se rencontreront. Les porcelaines princières de Meissen et de Chantilly, qui ont marqué les arts décoratifs du Siècle des Lumières, seront mises à l’honneur grâce à une scénographie exceptionnelle signée Peter Marino.
Considérée comme « l’or blanc » du XVIIIe siècle, la porcelaine est désirée par les plus grands princes d’Europe.
Deux d’entre eux, Auguste le Fort, électeur de Saxe et roi de Pologne, et Louis-Henri de Bourbon, prince de Condé et premier ministre du roi Louis XV, mettent leur fortune au service de leur passion et fondent deux des plus prestigieuses manufactures de porcelaine, à Meissen et à Chantilly.
Pagodes et magots chinois, vases japonais, animaux en tous genres… le goût du Siècle des Lumières est à l’exotisme. Les manufactures de Meissen et de Chantilly imitent alors avec grande précision des pièces japonaises de style Kakiemon tout en s’adaptant aux formes et usages occidentaux.
Auguste le Fort ira jusqu’à repousser les limites techniques de la porcelaine en créant une fragile ménagerie, impressionnante par ses dimensions et sa technique.
Grâce à des prêts exceptionnels qui n’ont souvent jamais été montrés en France, cette exposition constituera une opportunité rare de contempler d’extraordinaires pièces, dont les gigantesques oiseaux en porcelaine de Meissen.
Meissen et Chantilly, un dialogue inédit au sommet
La rareté, l’exotisme de leurs formes et de leurs décors, la translucidité et la pureté de leur blancheur rangeaient les porcelaines parmi les objets les plus recherchés des amateurs de la première moitié du XVIIIe siècle. Grâce aux importations de porcelaines chinoises puis japonaises effectuées majoritairement par la Compagnie hollandaise des Indes orientales, les productions asiatiques emplissaient les boutiques des marchands merciers et les cabinets des collectionneurs.
C’était le cas à Dresde et à Chantilly, chez nos deux princes collectionneurs. L’exposition donnera à voir parmi les plus beaux exemplaires de porcelaines asiatiques amassés par Auguste le Fort, encore conservés à Dresde. De même, pour la première fois, les plus belles porcelaines chinoises et japonaises présentes à Chantilly jusqu’à la Révolution française vont revenir au château, dans les lieux mêmes où le prince les disposait avec goût !
Nos deux princes collectionneurs ne s’arrêtèrent pas là et voulurent à leur tour créer leur propre fabrique. Meissen, en Saxe, fut ainsi la première manufacture à produire de la porcelaine à pâte dure en dehors de la Chine et du Japon, dès 1710. Lorsque la manufacture de porcelaine tendre de Chantilly fut créée en 1730, sous le patronage du prince de Condé, c’était d’ailleurs pour entrer en compétition avec la grande fabrique à succès de l’époque, celle de Meissen.
L’esthétique développée par Meissen et Chantilly était résolument tournée vers l’Extrême-Orient : ces manufactures jouèrent un rôle de premier plan en faveur du développement de la chinoiserie dans le domaine des arts décoratifs. La porcelaine, matière exotique par excellence, en était l’un des principaux vecteurs. À Chantilly comme à Meissen, c’était notamment aux productions japonaises de style dit Kakiemon qu’il fallait faire référence, avec des motifs japonisants stylisés, disposés sans symétrie ni perspective, mettant en valeur la blancheur de la porcelaine.
L’exposition s’attardera sur ces échanges incessants avec les modèles asiatiques, sur le dialogue entre les productions de Chantilly et de Meissen, mais aussi sur la créativité de ces dernières, qui s’appuyait également sur des recueils de modèles. Des assemblées de riantes pagodes, ces statuettes d’inspiration bouddhique bedonnantes et hautement exotiques, inviteront le visiteur – à l’instar de l’amateur du XVIIIe siècle – à une Chine de fantaisie. Les animaux n’étaient pas en reste : les singes de porcelaine regagneront leur singerie, tandis qu’une ménagerie et d’extraordinaires volières de porcelaine vont susciter la surprise et l’émerveillement des visiteurs.
Ce sera un véritable événement que de voir présentés à Chantilly parmi les objets les plus spectaculaires du siècle, les oiseaux en porcelaine de Meissen grandeur nature créés par les Johann Joachim Kändler, provenant de la galerie des animaux d’Auguste le Fort au Palais japonais de Dresde, et exceptionnellement prêtés par les Staatliche Kunstsammlungen de Dresde et le musée national de Céramique de Sèvres.
L’histoire de la porcelaine est aussi celle du commerce du luxe. Bien des marchands merciers parisiens vendaient à la fois les productions de Chantilly et de Meissen, les acclimatant au goût des amateurs par le biais de montures en bronze doré. On combinait porcelaines de Chantilly ou de Meissen avec de riches montures en bronze doré et des fleurs en pâte tendre, pour former pendules, cartels, écritoires, flambeaux, fontaines, etc. D’éminents collectionneurs particuliers ont prêté leurs plus belles pièces montées pour permettre de se plonger dans un univers de luxe et de raffinement, où le goût de l’objet d’art fut porté à son sommet.
En savoir plus:
Domaine de Chantilly, Musée Condé , jusqu’au 3 janvier 2021.