Les Animaux du Roi

Le château de Versailles présente l’exposition Les Animaux du Roi du jusqu’au 13 février 2022. Environ 300 œuvres permettront de faire revivre un impressionnant bestiaire constitué des milliers d’animaux qui peuplaient le château sous l’Ancien Régime. Le public pourra également redécouvrir les hauts lieux de la vie animale à la Cour. L’exposition mettra aussi en lumière la résistance des grands esprits de la Cour à la vision cartésienne réduisant les animaux à des machines, une théorie qui leur déniait intelligence et sensibilité.

Peut-on imaginer aujourd’hui le château de Versailles et ses jardins regorgeant de vie animale ? Pourtant les animaux de compagnie se comptaient par dizaines dans le château où chiens, singes, chats, oiseaux… vivaient dans les appartements et les antichambres. La Ménagerie, aujourd’hui disparue, abritait les animaux les plus rares, du coati au couagga, du casoar à la grue couronnée. Dans le parc, le gibier était abondant, 2000 chevaux étaient rattachés aux écuries royales et 300 chiens de chasse logeaient dans le grand chenil. Les animaux apparaissent aussi partout dans les décors du château et des jardins, où ils sont représentés pour leur symbolique mythologique ou politique. 

Dès sa création, le château de Versailles a favorisé le développement d’un nouveau rapport au monde animal. À la Cour s’est même développée une farouche résistance à la théorie cartésienne des animaux- machines : dans le palais des rois de France, on n’a jamais douté que les animaux avaient une âme.

À l’occasion de l’exposition Les Animaux du Roi, cette faune fera son retour à Versailles, où elle n’a pas disparu sans laisser de traces. En effet, les meilleurs peintres du roi : Bernaerts, Boel, Le Brun, Desportes ou encore Oudry, leur ont donné leurs lettres de noblesse en les portraiturant à l’égal des personnalités de la Cour. Les chiens préférés des souverains avaient aussi droit à leurs effigies avec leurs noms inscrits en lettres d’or : les visteurs pourront donc faire la connaissance de Misse, Turlu, Tane, Blonde, Diane… et même de Général, chat de Louis XV, portraituré par Oudry. 

Les animaux étaient également tissés à la Manufacture des Gobelins, mais aussi disséqués, gravés puis naturalisés à l’académie des Sciences
et au Jardin du roi. 
On découvrira ainsi l’éléphante naturalisée de Louis XV, mais aussi le squelette du premier éléphant de Versailles, une éléphante offerte à Louis XIV par le roi du Portugal. 

L’exposition sera aussi l’occasion d’évoquer le bosquet du Labyrinthe, peuplé d’un bestiaire fantastique, illustrant les Fables d’Esope. Depuis la destruction de ce lieu mythique du jardin de Versailles, en 1775, jamais autant de sculptures qui en proviennent n’avaient été présentées au public.

Peintures, sculptures, animaux naturalisés, tapisseries, traîneaux, vélins, porcelaines, orfèvrerie… environ 300 œuvres seront rassemblées pour l’occasion et témoigneront de l’omniprésence de l’animal à Versailles. Elles proviennent d’une cinquantaine de collections françaises et internationales (Musée du Louvre, Muséum d’Histoire Naturelle, Musée de la chasse et de la Nature, Musée des Offices de Florence, Musée national de la Céramique, Musée d’Histoire Naturelle de l’Université de Pavie…). 

Des rois et une cour entourés d’animaux

Louis XIV, Louis XV et Louis XVI ont vécu à Versailles entourés d’animaux, suivant leur propre goût ou en lien avec des pratiques et des intérêts de la cour. Sous l’Ancien Régime, les animaux sont partout dans la résidence royale.

Les chevaux

Ils étaient plus de 2 000 répartis entre la Grande Écurie (chevaux de chasse et de guerre) et la Petite Écurie (chevaux de trait et de selle).
Indispensables aux passions royales, ils ont été maintes fois représentés par les plus grands artistes, notamment par le peintre Adam François Van der Meulen.
Outre leurs fonctions utilitaires, ils sont aussi au cœur de grandes cérémonies royales comme les carrousels et les divertissements dans les jardins.

Les animaux de compagnie et d’agrément

Les chiens sont les premiers compagnons des souverains et des princes. Louis XIV a donné l’exemple en logeant ses chiennes dans la première pièce de ses cabinets privés et en y installant des niches. François Desportes accompagnait le Roi-Soleil à la chasse pour dessiner ses chiennes préférées dans leurs attitudes les plus naturelles. Jean-Baptiste Oudry prit la suite en peignant les chiens de Louis XV. Ainsi Folle, Mite, Blonde, Blanche, Tane… furent immortalisées avec leurs noms inscrits en lettres d’or.

La faveur des chats ne commence qu’avec Louis XV. Le souverain est en effet un amateur et apprécie tout particulièrement les chats angoras. Le carreau de velours rouge de Brillant, son chat angora blanc, était installé sur la cheminée du cabinet du Conseil, où le félin pouvait écouter les ministres et le roi débattre de la politique du royaume. Jean-Baptiste Oudry a également peint un portrait officiel du chat noir de Louis XV : « Le Général ».

De nombreuses volières existaient à Versailles, et les oiseaux en tous genres sont fréquemment représentés sur les portraits royaux. Les perroquets, et notamment les aras, étaient tout particulièrement appréciés en raison de la beauté de leur plumage et de leurs capacités langagières. On les rencontrait aussi bien à la Ménagerie que dans les appartements, auprès des enfants royaux.
Les peintures témoignent aussi de l’abondance des petits singes à Versailles. Ils vivent la plupart du temps confinés dans les appartements, et sont donc absents de la sphère publique. Ils sont le plus souvent seulement considérés comme des jouets, offerts aux dames et aux enfants. On ne trouve d’ailleurs pas de portraits de la famille royale ou de membres de la Cour en leur compagnie.
Des spécimens de vervets, apportés d’Amérique du Sud, vivent également à la Ménagerie, dès les années 1670.

Les animaux de ferme

La nouvelle sensibilité au monde animal accompagne l’installation d’animaux de ferme dans la proximité des souverains. Outre la Ménagerie de Louis XIV qui comportait une basse-cour, la nouvelle Ménagerie de Louis XV, avec sa ferme, puis la ferme du Hameau de la reine, à Trianon, en sont les manifestations les plus importantes.

les animaux présents dans les arts décoratifs

Au XVIIIe siècle, le style décoratif français fait une large place à l’animal. Sans quitter sa valeur symbolique, il revêt aussi une fonction ornementale qui a inspiré les artistes.
Les souverains, dont les appartements sont meublés dans le goût de leur époque, vivent donc entourés d’objets représentants tous types d’animaux, des plus familiers aux plus exotiques.

Les visiteurs pourront découvrir deux espaces majeurs de la vie animale versaillaise grâce à des évocations scénographiques.

Vue de l’entrée du bosquet du Labyrinthe avec des nymphes et des amours prenant des oiseaux dans leurs filets, par Jean Cotelle © château de Versailles

Le bosquet du Labyrinthe

Disparu depuis le règne de Louis XVI, ce bosquet était l’un des plus fascinants de Versailles, héritage du jardin voulu par Louis XIV. Aménagé par Le Nôtre dès 1665 et prenant sa forme définitive en 1673, le Labyrinthe dont les 39 fontaines illustraient les Fables d’Esope en mettant en scène quelques 330 animaux de plomb revêtus de polychromie. L’eau jaillissait de leur gueule ou de leur bec traduisant les paroles que la fable assignait aux
animaux.
Précepteurs des humains depuis l’Antiquité, les animaux des fables d’Ésope avaient également inspiré Jean de La Fontaine pour ses propres fables. De fait, vingt-trois des fables publiées en 1668 dans les premiers livres de Fables choisies mises en vers se retrouvent illustrées par les fontaines du Labyrinthe de Versailles. Ainsi, si le fabuliste ne semble pas avoir été impliqué dans la conception du bosquet, il joua un rôle au moins indirect, tout en redonnant vie au genre antique de la fable.
Quelque dix-neuf sculpteurs furent mobilisés sur ce chantier animalier. Les plus importants d’entre eux furent Jacques Houzeau, Pierre Legros, Benoît Massou, Pierre Mazeline et Jean-Baptiste Tuby. Le maître d’œuvre de ce bestiaire exceptionnel n’est pas connu. Il n’est pas impossible que Charles Le Brun, Premier peintre du roi, qui avait étudié les animaux dans le cadre de ses recherches sur la physiognomonie et l’expression des passions, ait participé à la définition des œuvres, mais aucun de ses dessins ne peut être mis en rapport avec le Labyrinthe.
Pour la première fois depuis le démantèlement du bosquet en 1774, 21 animaux (parmi les 35 encore conservés) seront exceptionnellement présentés dans l’exposition. Grâce à une scénographie évocatrice et aux nombreuses représentations gravées et peintes du bosquet, le public pourra imaginer l’enchantement qu’il produisait sur les visiteurs d’antan.

Vue et perspective du Salon de la Ménagerie, par Jean-François Daumont © château de Versailles

La Ménagerie

Édifiée entre 1662 et 1664, la Ménagerie accueillait des animaux rares qui suscitaient la surprise des visiteurs et qui affirmaient le prestige du roi. À la différence de celle de Vincennes, léguée par Mazarin, où des combats d’animaux féroces étaient organisés, la Ménagerie de Versailles était majoritairement peuplée d’animaux pacifiques, dont une grande variété d’oiseaux. Ces animaux ont servi de modèles à de nombreux artistes,
dont les œuvres ont favorisé l’émergence d’une école française de peinture animalière au XVIIIe siècle.

Au premier étage du bâtiment, l’architecte Louis Le Vau avait conçu une pièce de plan octogonal offrant une vue panoramique sur chacune des sept cours et enclos, où se trouvaient les animaux. Les parois de ce salon accueillaient de nombreuses représentations d’animaux peintes par Nicasius Bernaerts, artiste originaire des Flandres. Ces peintures constituaient un répertoire de la faune versaillaise et une source d’inspiration pour les grands peintres animaliers du XVIIIe siècle, comme
François Desportes et Jean-Baptiste Oudry. Pour la première fois depuis son démantèlement, lors de la Révolution française, cet ensemble sera partiellement reconstitué dans sa disposition d’origine.

l’animal symbolique

Dans les décors du château de Versailles
Dans la résidence du pouvoir qu’est Versailles, l’animal est investi de significations politiques. Dans les décors du château et des jardins, il symbolise partout la grandeur et la puissance du roi. Au service de ce dernier, le cheval et ses représentations mettent en scène la magnificence royale.

Les animaux servent aussi à caractériser le génie des nations et la prééminence de la France : dans le bosquet de la Renommée, le coq français surmonte ainsi l’Europe dans un bas-relief ; dans les décors de la galerie des Glaces et du salon de la Guerre, l’aigle est l’animal héraldique du Saint Empire germanique, le lion celui de l’Espagne et des Province-Unies, nations ennemies de la France, tandis que le paon figure la vanité anglaise…
Dans le décor de l’escalier des Ambassadeurs, le dragon percé de flèches par Apollon symbolisait la Fronde vaincue par Louis XIV, le Roi-Soleil.

La chasse

Pratiquée quotidiennement par les rois de France, la chasse était une activité hautement symbolique.
Occupation des rois de guerre en temps de paix, elle était donc conçue comme un entraînement et une manifestation de puissance. Elle avait ainsi naturellement sa place dans l’iconographie royale.
Cette activité était très présente à Versailles, tant dans l’emploi du temps du souverain et de son entourage, que dans les décors royaux, comme l’illustre la galerie des chasses exotiques dans les petits appartements de Louis XV. Le roi est également amateur de trophées de chasse qui retiennent son attention par leurs formes singulières.
L’exposition présentera une partie de la tenture des Chasses de Louis XV, conçue par Jean-Baptiste Oudry pour le roi et tissée à la manufacture des Gobelins entre 1736 et 1750.

Une nouvelle sensibilité

La théorie cartésienne des animaux-machines réduit les animaux à de subtils rouages d’horlogeries, leur déniant toute forme de langage, d’intelligence et même de sensibilité. La Cour de Versailles a été un lieu de résistance à cette théorie, et la source d’une nouvelle vision du monde animal. Une philosophie représentée par des personnalités très diverses au cours des époques.
Ainsi, Claude Perrault, anti-cartésien intransigeant, a contribué par ses travaux pour Louis XIV à la science de l’anatomie comparée.
La Princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV était également une anti cartésienne fervente. Claude-Adrien Helvétius, maître d’hôtel ordinaire de la reine, est l’auteur d’un traité De l’esprit, dans lequel il défend la théorie d’une intelligence animale.
Paradis de Moncrif, lecteur de la reine, est l’auteur d’une Histoire des chats et du roman Les Âmes rivales, où il aborde la question de l’âme des animaux et de leur possible transmigration.
Enfin Charles Georges Leroy, garde des chasses de Versailles, est l’auteur des Lettres sur les animaux, où il défend l’intelligence animale en étudiant les animaux dans leur milieu naturel, faisant ainsi figure de précurseur de l’éthologie.

En savoir plus:

Exposition jusqu’au 13 février 2022

Château de Versailles
Place d’Armes
78000 Versailles

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