Piero Fornasetti n’a pas seulement laissé une oeuvre foisonnante. Il a inventé un monde imaginaire, de fantaisie et d’impertinence, un mélange de surréalisme et d’humour. Avec son style reconnaissable entre tous, baroque, chargé et totalement original , Piero Fornasetti, artiste milanais à la fois peintre, graphiste, sculpteur, décorateur d’intérieur et graveur, a souvent été présenté comme un visionnaire. Prolifique tout au long de son parcours, ce créateur atypique a réalisé plus de treize mille objets, décors et meubles, dont beaucoup sont uniques.
On lui doit quelques-uns des objets et meubles emblématiques des années 1950, des objets intemporels, hors des modes et des genres. Il fait partie du mouvement italien du design d’après-guerre qui compte deux autres génies, les architectes et designer Gio Ponti et Carlo Mollino avec lesquels il a beaucoup collaboré dans les années 50 et 60.
A l’époque, Ponti désirait créer une ligne d’objets artistiques, mais reproductibles en série. Ensemble, ils mettent au point une technique permettant d’ « appliquer » l’art italien du XXème siècle siècle aux ustensiles d’usage courant. Avec entrain, Fornasetti élabore des prototypes d’assiettes en céramique: elles figurent des reproductions de journaux, des visages inspirés de la Rome antique, des poissons à une époque où le service en porcelaine Wedgwood est encore la norme. Des dessins reproduits à la main sur la faïence ou la porcelaine avec une précision chirurgicale, comme une gravure, au pixel près. Autant d’images quasi photographiques d’une rare modernité. Détournées de leur fonction, les assiettes engagent la conversation, font sourire , intriguent.
Piero Fornasetti est l’un des premiers à se servir de l’art de la table comme d’un support d’expression à part entière. cela lui permettait de collaborer avec des artistes, des poètes, des artisans et des amis de toutes sortes. L’un des services de table les plus célèbres – Giornali [les journaux]- a été installé à la terrasse Martini de la piazza Diaz à Milan dans les années 1960, un lieu mythique fréquenté par les intellectuels. La table, les couverts, les assiettes étaient imprimés de coupures de presse, comme s’il s’agissait de renverser la perception des objets ainsi que leur signification.
Au-delà de sa collaboration avec Gio Ponti , Fornasetti dirige personnellement son travail créatif vers la magie et l’illusion. Il se réfère souvent aux maîtres du trompe l’œil de la Renaissance en déroutant les modèles ici piochés : l’image d’un dôme décore le fond d’un bol, le Colisée devient théière… : l’illusion enrobe la fonction. L’œil est trompé et en cela il perpétue la tradition italienne Parmi ses thèmes favoris : le soleil, les jeux de cartes, Arlequin et les décors de la comedia dell’arte, les instruments de musique (particulièrement présents dans les intarsia de la Renaissance) .
La signature Fornasetti reste cependant celle de la variation sur le même thème. Piero Fornasetti aimait reproduire à l’infini le même motif avec des différences. En particulier, il vouait une adoration pour le visage de Lina Cavalieri ( 1874- 1944). D’après l’artiste, il trouva par hasard son portrait dans un magazine du 19éme siècle et décida de l’exploiter. Cette chanteuse soprano lui rappelait à la fois la beauté des statues grecques et le visage énigmatique de la Joconde. Les traits de Lina Cavalieri se sont transformés dans la tête et entre les mains de Fornasetti en obsession graphique, déclinés et ornés de mille manières.
Mais il n’y a pas que Lina et l’artiste s’est essayé à d’autres univers créatifs. Originaire du nord de l’Italie, Piero Fornasetti utilise des symboles et codes de la culture italienne notamment dans les très belles séries dédiées à l’architecture. L’œuvre décorative de Piero Fornasetti est totalement imprégnée d’architecture italienne. Bien que ses motifs soient empruntés à Palladio, Bramante, Brunelleschi ou Piranèse, il développe un style méditerranéen, italianisant qui lui est propre. Il force les plans, les élévations ou les bâtiments à épouser les formes de ses supports : vêtements, meubles, lampes.
Fornasetti a actualisé au fil du temps les formes et les décorations sans suivre les modes, mais en les anticipant ; mieux encore, en créant un style unique grâce auquel ses créations continuent à nous surprendre à travers leur extraordinaire langage visuel. Son imagination se découvre sur tous les supports possibles : verres, assiettes, parapluies, lampes, meubles, paravents… constituant ainsi une oeuvre singulière. Sa production s’est intéressée à pratiquement tous les domaines : des tissus à la mode, en passant par les verres, les métaux, les laques, les porcelaines, le théâtre et les grandes expositions.