Dans l’imaginaire collectif, les Borgia représentent l’incarnation des vices les plus abominables. Ils exprimeraient ainsi tous les excès d’une société de la Renaissance interprétée dans un sens entièrement négatif. L’exposition « Les Borgia et leur temps. De Léonard de Vinci à Michel-Ange » juqu’au dimanche 15 février 2015 au Musée Maillol propose de pénétrer au cœur de cette famille qui a marqué la seconde moitié du XVe siècle en Italie et en Europe, afin de révéler leur véritable visage et de restituer leur environnement qui voyait le monde se transformer avec la découverte de l’Amérique, l’invention de l’imprimerie, la Réforme engagée par Luther et l’épanouissement d’une scène artistique sans précédent.
La famille Borgia doit sa célébrité à ses hommes d’État, à ses papes et à ses personnalités hors du commun. Leur sulfureuse réputation a fasciné au cours des siècles des écrivains aussi différents que Victor Hugo, Alexandre Dumas, aux auteurs de BD Jodorowski et Manara jusqu’au manga japonais « Cesare » de Fuyuni Soryo (qui fait fureur auprès des jeunes en ce moment). Les séries télévisées qui leur ont été récemment consacrées ont passionné les téléspectateurs.
Dans l’exposition le visiteur découvrira à travers leurs portraits leur véritable visage, ainsi que celui des protagonistes majeurs de l’époque, princes, philosophes, scientifiques et théologiens. Une période bouleversée par la découverte de l’Amérique et les guerres d’Italie, sur un fond d’agitations fomentées par le moine Savonarole, déjà annonciatrices de la Réforme protestante à venir. À l’aube du XVIe siècle, Érasme et Luther illustreront le renouveau philosophique.
Cette famille extraordinairement éclairée fut mécène des plus grands artistes de la Renaissance, dans les différentes cours d’Italie avec lesquelles ils entretenaient d’étroites relations.
Des oeuvres des plus grands artistes seront présentées, Giovanni Bellini, Della Robbia, Dosso Dossi, Andrea Mantegna, Melozzo da Forli, Michel-Ange, Pérugin, Pintoricchio, Raphaël, titien, Luc Signorelli, Verrochio, Léonard de Vinci au centre d’un univers foisonnant.
Les plus importantes institutions italiennes et Européennes ont collaboré à cette exposition . Certaines oeuvres seront à Paris pour la première fois. Les prêts de prestigieuses collections privées internationales permettront de découvrir exceptionnellement des oeuvres conservées dans les familles depuis des générations.
Le parcours sera construit autour des trois figures incontournables de la famille
ALEXANDRE VI,
Alexandre VI a marqué l’histoire de la papauté. Violemment controversé, ses actes ont nourri les sinistres récits qui entourent les Borgia. Arrivé à 24 ans en Italie, Rodrigo Borgia acquiert rapidement des charges considérables au sein de la Curie romaine grâce à son oncle le pape Calixte III. Nommé vice-chancelier, seconde charge de l’État pontifical, il devient le cardinal le plus puissant et le plus riche de Rome. Il utilise sans limite ses réseaux d’influence, au service de sa féroce autopromotion et de sa simonie. Il parvient à se faire élire pape en 1492.
Il s’affirme comme véritable souverain spirituel et temporel, transformant l’Église en une « principauté ecclésiastique » (Machiavel), tout en garantissant ses propres intérêts dynastiques. Source continuelle de scandales, il est le premier pape à reconnaître sa progéniture.
Les femmes occupent une place considérable dans sa vie: les plus importantes sont Vannozza Cattanei qui lui donne quatre enfants dont César et Lucrèce, puis, dans sa maturité, la jeune Giulia Farnèse qui n’a que quinze ans lors de leur rencontre.
CÉSAR BORGIA (1476-1507) dit le Valentinois, condottiere et homme politique ambitieux qui rêva de faire de l’Italie un vaste royaume aux ordres du Pape. Nicolas Machiavel s’en inspirera pour son célèbre ouvrage Le Prince, premier traité de politique moderne. César n’a que dix-sept ans lorsqu’il débute la carrière ecclésiastique à laquelle le destine son père. Assujetti aux ambitions de son père désireux d’étendre le pouvoir des Borgia, César devient cardinal en 1493. Lorsque son frère Jean est assassiné en 1497, meurtre dont il est fortement soupçonné, sa carrière prend une tournure différente. Profitant de sa disparition, il marche sur les traces de son frère et se transforme en un prince laïc avide de conquêtes. Il entreprend dès lors une brillante carrière militaire, parfois mise en péril par une santé fragile due à ses excès de débauche. À la mort de son père, César est trahi et emprisonné en Espagne. Il s’échappe et rejoint son beau-frère, le roi de Navarre, en conflit contre le roi d’Espagne, le roi de France Louis XII et le pape. César se met à son service et est nommé capitaine général. Il meurt sur le champ de bataille à Viana en 1507.César fut très proche de Léonard de Vinci, son ingénieur militaire. Il s’entoura également des grands artistes de l’époque, parmi eux le Pintoricchio et son jeune élève Raphaël.
Sa sœur, LUCRÈCE BORGIA (1480-1519), fut une des femmes les plus extraordinaires de la Renaissance. On lui prête une renommée d’empoisonneuse. Troisième fille de Rodrigo Borgia, Lucrèce sert avant tout les intérêts de sa famille. Elevée par Adriana Mila, cousine de Rodrigo, elle étudie la musique, la poésie, la littérature et reçoit l’enseignement de l’humaniste Pomponio Leto. D’une grande beauté, comme en témoignent ses contemporains, elle est au cœur des manigances de son père et de son frère. Fiancée deux fois, elle épouse finalement en première noce Giovanni Sforza en 1493. Afin de pouvoir orchestrer un rapprochement avec le royaume de Naples, convoité par la France et l’Espagne, cette union est annulée sous prétexte de non-consommation du mariage. En 1498, elle épouse Alphonse d’Aragon dont elle a un fils. L’attachement excessif que César porte à sa sœur et les rumeurs d’inceste entretenues par Alphonse, poussent César à le faire assassiner. Son mariage en 1501 avec Alphonse d’Este, duc de Ferrare, garantit à César qui vient de conquérir la Romagne, la protection de ses frontières. Elle s’épanouit au sein de ce nouvel environnement où elle fréquente l’Arioste et Pietro Bembo qui deviendra son amant. Dans cette cour très raffinée. elle fréquenta les artistes les plus célèbres, Andrea Bregno et Dosso Dossi.
Chacun d’eux a protégé un grand nombre d’artistes tels que le Pintoricchio, auteur des magnifiques fresques des appartements Borgia du Vatican, Paolo da San Leocadio qui travailla à Valence pour le compte de Rodrigo Borgia ou encore Piermatteo d’Amelia qui réalisa les fresques de la voûte de la chapelle Sixtine, recouvertes plus tard par celles de Michel-Ange.
Rome, sous l’impulsion des Borgia, avec Melozzo da Forlì, Le Filarète et Antoniazzo Romano, connaîtra une grande renommée.
Ils entretiennent des liens forts avec les autres grands foyers artistiques d’Italie : à Venise, Giovanni Bellini et le Titien ; à Florence Verrocchio et Luca Signorelli ; à Mantoue Andrea Mantegna ou encore à Urbino Francesco di Giorgio Martini.
Raphaël et Michel-Ange, qui révolutionneront la scène artistique, termineront le parcours.
Des armures, épées et bijoux reconstitueront l’environnement de la famille, ainsi que l’atmosphère du siècle.
En savoir plus:
http://www.museemaillol.com/