Après vingt ans de fermeture, l’escalier en trompe-l’oeil de l’Hôtel Châteaurenard, qui a fait l’objet d’une restauration exceptionnelle, sera ouvert au public jusqu’au 9 septembre 2024. Ce décor, chef-d’œuvre de l’art baroque achevé en 1654, était unique en son temps par son ampleur et sa précocité, vingt ans avant l’escalier des Ambassadeurs de Versailles. Il suscita une vive admiration de Louis XIV lorsque celui-ci séjourna en Provence en 1660.
L’hôtel de Châteaurenard est un hôtel particulier d’Aix-en-Provence, situé au cœur du bourg Saint-Sauveur, à l’angle de la rue des Brémondis et de la rue Gaston-de-Saporta, au no 19 de cette dernière. L’hôtel est construit vers 1650 par l’architecte Pierre Pavillon (1612-1670). En 1654, Jean Daret, peintre bruxellois établi à Aix dès 1636, décore la cage d’escalier d’un magnifique trompe-l’œil.
S’ouvrant sur une cour ménagée par l’organisation en équerre du bâtiment, l’escalier d’apparat à balustres de pierre est conçu autour d’une cage carrée, conformément au schéma classique de l’escalier dit d’ostentation ou de vanité initié par François MANSARD pour l’Hôtel de La Vrillière à Paris.
A Aix, on innove. Au volume créé par l’architecte s’ajoute, en le dilatant, un nouvel espace d’illusion créé par le peintre. Suivant l’exemple du trompe-l’œil imaginé à Bologne, il peint selon un double focus des perspectives volumétriques et architecturales.
L’escalier est éclairé au Sud par quatre fenêtres sur deux niveaux donnant sur la cour intérieure. Les trois autres côtés et le plafond sont entièrement recouverts par le trompe l’œil de DARET.
Répondant à la balustrade conçue par l’architecte à gauche de l’escalier, une balustrade feinte accompagne les marches sur le mur de droite jusqu’au premier étage ; au départ de l’escalier, le peintre a représenté dans une niche une statue d’empereur romain en marbre blanc de Carrare.
A côté, inattendu dans ce décor italianisant… un laquais écarte d’une fenêtre un rideau pourpre.
Le mur suivant est occupé par une extraordinaire perspective fuyant vers le bas et intégrant une niche avec une statue d’Hercule. Au premier plan, une imposante colonnade dorique donne une vision de péristyle et de voûtes de palais antique ouvrant sur un parterre végétal, offrant à l’habitant un jardin de rêve, à défaut d’un vrai jardin que la trop forte densité architecturale de la vieille ville médiévale ne permettait pas de réaliser… La peinture du troisième mur présente une fenêtre au rideau rouge baissé et une niche avec la statue du roi Salomon.
Dans les voussures, des grisailles représentent les bustes de Pallas, Mercure, Apollon et Louis XIV, se détachant dans des œils-de-bœuf qui laissent entrevoir une portion de ciel bleu.
Ces bustes sont flanqués de figures allégoriques des arts libéraux : la Grammaire, la Rhétorique, la Géométrie, l’Arithmétique, la Musique, l’Astrologie, la Logique, la Peinture et la sculpture, entourées de putti évoluant parmi les guirlandes d’acanthes fleuries et les coquilles. Certaines des figures enjambent hardiment la corniche.
L’allégorie de la peinture est occupée à peindre le blason du maître de maison, AYMAR d’ALBI, Baron de Châteaurenard. Aux attributs de la Logique, le peintre a ajouté un cadenas à cercles qu’un génie ouvre avec une clef, dont les lettres reproduisent le nom de DAYMAR chevauchant celui de DARET.
A l’angle, diagonalement opposée, l’Arithmétique montre du doigt sur un tableau la date de l’ouvrage : 1654.
Recherchant la prouesse technique, le peintre scénographe n’hésite pas, pour le plafond, à réaliser sur une toile la vue audacieuse d’une fausse balustrade soutenue par des consoles à décor d’acanthes et, aux quatre coins, par de jeunes atlantes. Au centre une percée céleste dilate l’espace où triomphe la Vertu sous les traits de Pallas ; sur le phylactère qui flotte, on peut lire : « Virtus Immortalis ».
Hôtel de Chateaurenard
19, rue Gaston de Saporta
Aix-en-Provence