La ville de Boulogne-Billancourt propose une nouvelle exposition à la bibliothèque Paul Marmottan consacrée à l’histoire fascinante et oubliée de l’éventail au XIXe siècle. À la fois familier et méconnu, l’éventail n’est pas un simple accessoire de mode…
Importé d’Asie à la Renaissance, il est adopté en France sous le règne de Louis XIV. Paris est sa capitale pendant le XVIIIe , son siècle d’or, puis la Révolution interrompt brutalement la production des artisans d’art. Avec le premier Empire, l’éventail renaît dans sa production, dans son utilisation, dans son format… Beaucoup plus petit que ses prédécesseurs, il diffuse l’imagerie politique, s’illustre de sujets de divertissement ou de curiosité.
Après la Restauration, avec l’essor de l’industrie, l’éventail vit son second âge d’or. De grandes, maisons voient le jour, comme celle de Félix Alexandre, fournisseur officiel de l’Impératrice Eugénie. Renouant avec l’excellence, les artisans sont au sommet de leur art.
Près de 150 éventails permettront de présenter le panorama de cet accessoire de mode tant du point de vue des matériaux et des techniques que de la variété des sujets. Les artisans, les grandes maisons d’éventaillistes seront à l’honneur grâce à des prêts exceptionnels de collections privées et d’institutions (musées, bibliothèques et fondations).
Une exposition très visuelle, où les éventails côtoient costumes, tableaux et dessins, dans une présentation orchestrée par la commissaire Georgina Letourmy-Bordier.
Objet de coquetterie? Accessoire indispensable des élégantes? Œuvre d’art où la finesse de la peinture rivalise avec le travail de la nacre? L’éventail, « sceptre féminin », est tout cela et plus encore. C’est son âge d’or qui est conté à la bibliothèque Paul Marmottan, d’une impératrice à l’autre, de Joséphine à Eugénie.
ll existe de multiples histoires teintées de légendes racontant l’arrivée de l’éventail en Europe. Pour certains, il est né au Japon, d’autres le situent en Inde. Rigide, il est déjà davantage un accessoire de mode qu’un instrument destiné à s’éventer. Il se déploie en Asie, embarque avec les Portugais et la Compagnie des Indes et prend pied progressivement en Europe. Il semble bien avoir fait son arrivée en France dans les bagages de Catherine de Médicis, épouse d’Henri II, en pleine Renaissance. Il est alors un drapeau fiché sur un manche; puis il se diversifie, devient dépliable, s’orne de scènes bucoliques et de sujets délicats.
Une corporation spécifique, celle des éventaillistes, créée par Colbert en 1676, assure rapidement la domination des artisans français en Europe. Étaient éventaillistes ceux, établis à Paris, qui pliaient et montaient les feuilles. Les tabletiers, qui réalisaient les montures, travaillaient quant à eux dans l’Oise. Au cours du XVIIIe siècle, Paris devient la capitale de l’éventail.
OBJET DE MODE ET LANGAGE
Si l’objet est un apanage aristocratique qui témoigne de la distinction de sa propriétaire, il reflète également les évolutions sociales, politiques et artistiques de son temps. Sa fonction première, celle de créer de la fraîcheur, est vite dépassée. Il devient objet de mode, langage, véhicule. Son décor n’est pas seulement anecdotique, il se fait politique. On situe son premier âge d’or lors du siècle des Lumières. Brisé par la fureur révolutionnaire, si prompte à défaire les symboles liés à l’Ancien Régime, il renaît sous l’Empire.
Des dynasties d’éventaillistes et de tabletiers vont animer un artisanat d’art florissant, s’associant à des peintres, graveurs, ou lithographes, formant une communauté où règnent l’émulation et l’inventivité. Du Premier au Second Empire, l’éventail change de taille. Il suit l’évolution des robes: d’une quinzaine de centimètres sous l’Empire, où il accompagnait des silhouettes fluides, il passe à plus du double quand les toilettes des dames changent d’envergure en s’élargissant. L’éventail sous Napoléon est ornemental, avec paillettes et dentelles. Sous le règne de son neveu, il se pare de scènes inspirées du XVIIIe siècle, de dessins et d’allégories, marquant un nouvel apogée.
À découvrir dans l’exposition
Tout au long de cette précieuse exposition, plus de cent éventails vont côtoyer peintures, gravures, costumes et accessoires. Une partie des pièces montrées viennent du fonds de la bibliothèque Paul Marmottan. D’autres remarquables pièces ont été prêtées par des collections publiques ou privées: le château de la Malmaison, de Fontainebleau, de Compiègne, et des musées étrangers.
L’exposition est découpée en plusieurs thématiques. « La fabrique d’un éventail » raconte le travail des artisans, éventaillistes et tabletiers, et l’évolution des matériaux, de la dentelle, de la nacre, des différentes peaux.
« Après la révolution, 1800-1830 » évoque le retour de l’objet au premier plan de la mode et l’organisation des métiers qui le produisent et l’exportent.
« Le triomphe des lithographes » dévoile la contribution des artistes, peintres et lithographes, dont les années 1830- 1840 voient le triomphe.
Puis « Grands artisans et éventaillistes sous le Second Empire » rappelle le nouvel âge d’or de l’éventail, dont les fabricants sont ces grandes maisons
comme Duvelleroy ou Alexandre qui se sont construites au fil du siècle.
Enfin « Innovation et brevets » montre comment se côtoient pièces d’exception et objets plus modestes, mécanisation et standardisation, art et industrie.
Un langage de l’éventail?
Certains prétendent qu’il n’a jamais existé, mais pourquoi ne pas imaginer une gestuelle codée, où l’éventail, comme un sémaphore, permettait aux ingénues de passer des messages cachés à leur amoureux, ou aux coquettes de maintenir à distance leurs prétendants? L’illustre maison Develleroy, célèbre éventailliste qui existe toujours, a publié au XIXe siècle Le langage de l’éventail, un fascicule qui explique les gestes codés avec lesquels les femmes, depuis des siècles, disent «Je vous aime», «Suivez-moi» ou «Vous êtes cruel», simplement en maniant leur éventail.
Ce langage fonctionne aussi bien avec les éventails couture qu’avec les éventails de mode. Quelques exemples…
- L’éventail placé près du cœur: Tu as gagné mon amour
- Fermer l’éventail en se touchant l’œil droit: Quand pourrais-je te voir?
- Le nombre de branches donne la réponse à une question : À quelle heure?
- Faire des mouvements menaçants avec l’éventail fermé: Ne sois pas imprudent.
- L’éventail à moitié ouvert posé sur les lèvres: Peux-tu m’embrasser?
- Les mains jointes serrant l’éventail ouvert: Oublie-moi !
- Se couvrir l’oreille gauche avec l’éventail ouvert: Ne révèle pas notre secret.
- Cacher ses yeux derrière l’éventail ouvert: Je t’aime.
- Fermer l’éventail complètement ouvert, lentement: Je promets de me marier avec toi.
- Approcher l’éventail autour des yeux : Je suis désolée.
- Toucher avec le doigt la partie haute de l’éventail: Je souhaiterais parler avec toi.
- Laisser l’éventail reposer sur sa joue droite: Oui.
- Laisser l’éventail reposer sur sa joue gauche: Non.
- Ouvrir et fermer l’éventail plusieurs fois: Tu es cruel!
- S’éventer lentement: Je suis mariée.
- Placer l’éventail sur les lèvres: Embrasse-moi!
En savoir plus:
EXPOSITION DU 11 AVRIL AU 13 JUILLET
Bibliothèque Paul-Marmottan,
7, place Denfert-Rochereau.
Du mardi au samedi de 10h à 13h
http://www.boulognebillancourt.com