L’éventail, objet de distinction sociale est un accessoire privilégié des dames de la haute société de l’Ancien régime. Importé d’Asie à la Renaissance, au milieu des cargaisons d’épices et de soies, l’éventail est adopté en France sous le règne de Louis XIV. Une corporation spécifique, celle des éventaillistes, créée en 1676, assure rapidement la domination des artisans français en Europe.
Au cours du XVIIIe siècle, Paris devient ainsi la capitale de cet objet aristocratique et artistique dont les décors suivent la production des peintres à la mode (Boucher, Watteau, Lancret mais aussi Le Brun, Coypel, ou Lemoyne) et participent à la diffusion de l’art français en Europe.
Objet de mode et objet d’art, il allie un savoir-faire artisanal poussé à son ultime perfection et un souci constant de renouvellement au grès des évolutions du goût. Objet complexe, il nécessite de nombreux savoir-faire : peintres et tabletiers qui travaillent tous les matériaux constituant la monture mais aussi colleuses et plisseuses qui interviennent lors de la préparation de la feuille.
Fondée en 1678, la communauté des « maîtres-éventaillistes, faiseurs et compositeurs d’éventails » s’impose rapidement en Europe faisant reconnaître le XVIIIe siècle comme le siècle d’or de l’éventail.
Accessoire de luxe, l’éventail se pare de matières rare et raffinées comme l’écaille brune ou blonde, ivoire, incrustations d’or et d’argent ou de pierres précieuses. Le choix des matières comme celui des images laisse deviner une provenance prestigieuse. Aucune signature ni marque ne permettent malheureusement de s’en assurer. Les éventails au XVIIIe siècle restent anonymes.
L’éventail se renouvelle sans cesse. Sa dimension, son envergure, les matériaux mis en oeuvre comme les décors sont soumis aux caprices de la mode. La grande diversité de ses décors suit la production des peintres à la mode. Tout peut y être représenté : la mythologie, l’histoire antique et religieuse, les scènes galantes, les faits d’actualité, comme l’envol du ballon, les victoires militaires, les naissances et les mariages royaux…
Les éventaillistes jouent également avec cet objet à trois dimensions : l’éventail propose une face et un revers. Bien souvent le décor principal ornant la face, présentée à la vue de tous, est le plus riche, tandis que le revers est moins orné.
L’éventail est travaillé dans chaque détail, par la délicate sculpture des brins mais aussi par des jeux de matières. Des personnages sont dotés de têtes en ivoire ou habillés de vêtements de soie. De la paille blonde ou colorée naissent fleurs, feuillages, ou arbustes sur lesquels viennent se poser des oiseaux aux corps en plumes naturelles …
La virtuosité des peintres et des tabletiers se révèle dans les détails raffinés des feuilles comme des montures. L’éventail surprend par la richesse de ses détails et les clés qu’il offre pour découvrir un peu de l’intimité des femmes.
Ce sont aussi des innovations techniques et pratiques comme les éventails coulissants ou pliants pour prendre un format de poche. Ce sont encore les ajouts d’optique, lunettes et loupe, de thermomètres… ou de tubes à parfum miniature pour laisser un sillage délicat derrière soi… Les éventails rivalisent d’ingéniosité pour proposer des objets au goût du jour toujours plus surprenants.