La toile représentant la figure de Madeleine qui laisse derrière elle la vie dissolue d’une pécheresse pour embrasser celle d’une pénitente est, par la reddition des étoffes, la force de la figure et l’usage savant de la palette, constituée de pigments précieux et savamment modulés, à relier à la figure de Francesco Montemezzano (Vérone 1555 – 1600).
Élève dans l’atelier de Paolo Veronese et de son frère Benedetto Caliari, l’artiste a été actif sur le territoire vénitien : en 1570, un acte notarié le signale à Trévise pour prendre part avec Benedetto Caliari à la réalisation des fresques qui ornent la salle ducale du palais épiscopal; en 1583, l’artiste se trouve à Sacile, où il peint les fresques dans la salle de bal du Palazzo Ragazzoni. Cinq des six épisodes (un, détaché, se trouve à la Gemäldegalerie de Dresde) tirés de la vie du noble frioulan Giacomo Ragazzoni (1528-1609), personnage de premier plan du monde marchand et diplomatique vénitien, en contact avec des représentants de haut niveau du patriciat lagunaire. Bien inséré également à Venise, Montemezzano participe à la décoration renouvelée de certaines salles du palais ducal à la suite des deux incendies désastreux de 1574 et 1577.
L’artiste se trouva ainsi faire partie des plus importants chantiers décoratifs de la construction civile vénitienne de ces années-là, au cœur de l’épicentre politique de la ville, probablement en exploitant les liens de Paolo Veronese, protégé de Contarini et proche de l’élite du gouvernement. L’adhésion au langage du maître dut procurer à Montemezzano un certain succès tant dans la lagune que sur la terre ferme, où il reçut de nombreuses ordinations pour des tableaux de dévotion tant publique que privée.
Il fut également très apprécié en tant que portraitiste et réalisa un important noyau d’effigies, notamment de dames vénitiennes, comme en témoignent par exemple Gentilfemme avec écureuil au Rrijksmuseum d’Amsterdam et Portrait de Gentilfemme aujourd’hui conservé au Metropolitan Museum of Art de New York.
De grande puissance expressive, la Madeleine est représentée au moment de la renonciation aux biens terrestres et de l’acceptation de la nouvelle vie de pénitence. Sans hésitation, la main gauche jette au sol une précieuse chaîne d’or et un bracelet, minutieusement rendu dans les plus petites pierres précieuses, avec l’autre main enlève deux précieuses perles. À ses pieds, ce qui devait être une robe précieuse en soie pourpre avec de délicates greffes dorées finement décorées et encore des bijoux, un collier de perles, un bracelet et une chaîne en or.
De petits peignes en ivoire, autrefois symbole d’une extrême richesse, sont abandonnés sur le terrain nu flanqués d’un miroir désormais brisé. Le miroir est le plus grand symbole de Vanitas; point de méditation sur la « vanité » et la caducité des choses terrestres selon ce qui est écrit dans le livre biblique de Qohelt. Même le crâne représenté au loin symbolise la réflexion sur la vie mais surtout sur la mort et est le signe type de la vie érémitique qui se présente dans l’avenir de Marie-Madeleine.
S’appuyant sur une protubérance rocheuse, une ampoule de verre contenant l’onguent parfumé avec lequel il parfuma les pieds de Jésus et le premier parmi les attributs iconographiques de la Madeleine.
La signification de la phrase écrite en dessous de l’ampoule dont on reconnaît les mots « DEO NON MAMOAE » signifient : Je désire donner à Dieu tout ce que je possède.