Oudry, peintre de courre – Les Chasses royales de Louis XV

Le château de Fontainebleau mettra en lumière le travail du peintre Jean Baptiste Oudry, célèbre pour ses représentations des chasses du roi Louis XV et ses portraits animaliers. Peintures, ouvrages, porcelaines, dessins, habits et tapisseries plongeront les visiteurs dans l’univers de la chasse, activité favorite du roi, qu’il souhaita fixer pour l’éternité en passant la commande de modèles de tapisseries à Oudry à partir de 1733.

JEAN-BAPTISTE OUDRY (1686-1755) Le Cerf qui tient aux chiens dans les rochers de Franchard (détail), 1738.

Cette exposition présente pour la première fois, côte à côte, les dessins préparatoires, les cartons d’Oudry (œuvres préparatoires à l’échelle réelle qui servent ensuite au lissier à tisser les tapisseries), conservés à Fontainebleau, dont quatre ont été récemment restaurés, et les tapisseries qui en sont issues, tissées par la manufacture royale des Gobelins.
Par ailleurs, l’exposition illustrera le goût pour les scènes de chasse dans la peinture et le décor intérieur des demeures royales et aristocratiques du XVIIIe siècle, ainsi que l’« Oudrymania », c’est-à-dire la diffusion des créations de l’artiste dans divers domaines des arts décoratifs, tels que les illustrations de beaux livres, la porcelaine et l’orfèvrerie.

L’exposition invite les visiteurs à (re)découvrir la résidence de chasse favorite des rois de France que fut le château de Fontainebleau au fil des siècles.

Chambre du Prince Impérial dans l’appartement des Chasses, (Château de Fontainebleau) © Château de Fontainebleau

DU CARTON À LA TAPISSERIE, IMMORTALISER LES CHASSES ROYALES DE LOUIS XV

Jeune artiste formé dans l’atelier du célèbre peintre Nicolas de Largillière, Jean-Baptiste Oudry devient non seulement le portraitiste des chiens du roi mais aussi le véritable « peintre de courre » de Louis XV, grâce à la commande de neuf cartons illustrant les différents épisodes des chasses auxquelles s’adonne le Roi à Compiègne, Fontainebleau et Saint-Germain-en Laye. Entre 1733 et 1746, Jean-Baptiste Oudry réalise ces œuvres monumentales, les cartons destinés à servir de modèle au tissage des tapisseries des Chasses royales par la manufacture des Gobelins.

JEAN-BAPTISTE OUDRY (1686-1755) Meute de chiens courants allant au rendez-vous au carrefour de l’Embrassade (détail), 1743.

La finesse et la vivacité de ces peintures sont un hymne au paysage et à la forêt, au rôle des meutes royales et à l’équipage de vénerie. Entre chevalet et métier à tisser, Jean-Baptiste Oudry s’attache à retranscrire avec minutie les détails raffinés de ces moments de cour, où le Roi, les princes et les grands officiers se mêlent aux veneurs. D’un pinceau habile, Oudry dépeint le pelage du cerf, les robes des chevaux, l’excitation des chiens et les habits de chasse chamarrés.

Cette commande exceptionnelle fait de Jean-Baptiste Oudry une référence inégalée dans la peinture animalière du XVIIIe siècle et le chantre du règne de Louis XV dont la chasse fut la plus dévorante des passions du souverain.

UNE CAMPAGNE DE RESTAURATION INÉDITE

Symbole de puissance, de tradition royale et composante fondamentale de la société de cour, la chasse est un héritage qui a façonné le château de Fontainebleau.
La plus grande collection d’œuvres de Jean-Baptiste Oudry en France y est conservée depuis le règne de Louis-Philippe en 1835.
Des neuf cartons préparatoires à la tenture des Chasses royales, huit sont aujourd’hui insérés dans les lambris de l’appartement dit des Chasses, dont ils composent le décor spectaculaire. Cet appartement princier est exceptionnellement ouvert au public dans le cadre de l’exposition.

Grâce au concours du centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), quatre cartons de Jean-Baptiste Oudry ont fait l’objet d’une campagne d’analyses scientifiques ainsi que d’une restauration fondamentale et ambitieuse afin d’assurer leur préservation et de redécouvrir la palette et la touche d’Oudry. Après trois ans de restauration, la splendeur des peintures est aujourd’hui redécouverte et révélée.

Autoportrait de Jean-Baptiste Oudry, détail du carton peint Cerf aux abois dans les rochers de Franchard, Forêt de Fontainebleau,
Jean-Baptiste Oudry, 1738 (Château de Fontainebleau) © GrandPalaisRmn / Thierry Ollivier (Château de Fontainebleau)

JEAN-BAPTISTE OUDRY

Formé dans l’atelier du célèbre portraitiste Nicolas de Largillière, Jean-Baptiste Oudry s’adonne d’abord à l’art du portrait et à celui de la nature morte avant de faire la rencontre du marquis de Beringhen, premier écuyer de Louis XV, grâce auquel il se hisse progressivement jusqu’aux cimes de la faveur royale.

Après un premier long séjour de chasse en 1722, juste au retour de son sacre, puis un autre à l’été 1724, chez son ministre Louis Henri de Bourbon-Condé, arrière petit-fils du Grand Condé, au château de Chantilly, le jeune roi alors âgé de quinze ans adresse à Oudry sa première commande : trois chasses au loup, au renard et au chevreuil pour la salle des gardes du château de son ministre. Quelques mois plus tard, c’est comme portraitiste de chiens qu’Oudry est mandaté et il livre le prodigieux Misse et Turlu (1725, château de Fontainebleau), première œuvres d’une série de onze tableaux représentant (surtout) les chiens du roi Louis XV.

JEAN-BAPTISTE OUDRY (1686-1755) La Chasse au cerf dans l’Oise à la vue de Compiègne (détail), 1737.

En janvier 1728, le peintre est invité pour la première fois à suivre une chasse royale puis exécute en 1730 le magistral Louis XV chassant le cerf en forêt de Saint-Germain pour l’antichambre du château de Marly (Toulouse, musée des Augustins).
Commence alors une fulgurante carrière pour l’artiste qui est nommé directeur de la manufacture de tapisserie de Beauvais en 1734 et professeur à l’Académie royale en 1743, prononçant des discours traitant de l’art et la manière – distincts – de peindre bêtes à poil et bêtes à plumes.

Dessin préparatoire Cerf aux abois dans les rochers de Franchard, Forêt de Fontainebleau, Jean-Baptiste Oudry, 1733 (Château de Fontainebleau) © GrandPalaisRmn (Château de Fontainebleau) Sylvie Chan-Llat

DU DESSIN À LA TAPISSERIE : LE PROCESSUS DE CRÉATION DE L’ARTISTE

L’exposition consacre une section à la génèse des cartons des Chasses royales. Elle rassemble non seulement des dessins d’étude, des dessins achevés des compositions, des esquisses peintes, illustrant les étapes de la création des grands tableaux d’Oudry, mais aussi trois tapisseries des Chasses de Louis XV, exécutées à la manufacture des Gobelins d’après les modèles d’Oudry.

Les tapisseries des Chasses Royales sont un témoignage exceptionnel du savoir-faire français du XVIIIe siècle. Offrant un aperçu de la vie de cour, de ses plaisirs et de ses fastes, les œuvres d’Oudry se veulent à la fois artistiques et documentaires.

Réalisés à partir d’études dessinées, de compositions très soignées présentées au Roi, puis d’esquisses peintes à l’huile, les grands cartons d’Oudry insufflent une dimension nouvelle à l’art séculaire de la tapisserie. Le tissage d’une extrême finesse et d’une richesse chromatique exceptionnelle témoigne de l’excellence des ateliers de la manufacture des Gobelins et de la prééminence de l’art somptuaire de la tapisserie dans le mécénat royal.

Détail du carton peint Le Rendez-vous au carrefour du Puits du Roi, dit Le Botté, Jean-Baptiste Oudry, 1735 (Château de Fontainebleau)
© GrandPalaisRmn / Thierry Ollivier (Château de Fontainebleau)

Oscillant entre la précision du pinceau et la rigueur du métier à tisser, Jean-Baptiste Oudry nous invite à partager l’intimité et la majesté de la cour royale à travers la chasse, activité favorite de Louis XV. Avec une minutie presque scientifique, il dissèque chaque instant de la chasse : le scintillement du pelage d’un cerf sous les rayons du soleil, la fluidité des mouvements d’un cheval cabré, l’élan des chiens en pleine poursuite. La précision et la touche sensuelle d’Oudry permettent presque de transcrire le halètement des bêtes, le couinement des chiens, les sabots des chevaux sur la terre…. Cette maîtrise technique, couplée à une sensibilité artistique hors du commun, fait de Jean-Baptiste Oudry le maître incontesté de la peinture à sujet cynégétique au XVIIIe siècle.

Au gré d’un voyage multisensoriel et contemplatif au cœur d’une forêt giboyeuse, le dessin prend vie sur les fils de la laine, pour donner naissance à des compositions vibrantes et colorées. Car, ici, Jean-Baptiste Oudry ne se contente pas de représenter la réalité, il la sublime. Une ode poétique à la nature et aux paysages prend vie sous nos yeux.

J.-B. Oudry, Cerf aux abois dans les rochers de Franchard, Forêt de Fontainebleau, ©Château de Fontainebleau, distr. RMN-Grand-Palais / Thierry Ollivier.

La tapisserie, véritable chef-d’œuvre destiné au roi, couronne l’œuvre foisonnante de Jean Baptiste Oudry. Elle représente l’aboutissement d’une quête artistique qui l’a mené à explorer de nombreux domaines créatifs.

De l’esquisse préparatoire, où le trait cherche sa voie, à la tapisserie finale, où les couleurs chatoient et les formes s’affirment, l’exposition nous plonge au cœur du processus créatif d’Oudry. Entre art et artisanat, le dessin et le tissage, chaque toile fige pour la postérité le spectacle des chasses royales.

château de Fontainebleau Exposition jusqu’au 27 janvier 2025

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