Oudrymania, Fables, Chasses, Combats

S’associant au château de Fontainebleau dans le cadre d’un partenariat exceptionnel, le musée Condé présentera du jusqu’au 6 octobre 2024 une exposition consacrée à Jean-Baptiste Oudry. En plus de souligner combien ce peintre animalier s’inscrit au cœur de l’histoire du château de Chantilly, ce projet éclairera la ferveur qu’Oudry n’a jamais cessé de connaître auprès des amateurs ainsi que la pénétration de ses compositions dans les arts décoratifs, le monde de l’édition ou les décors des résidences nobiliaires et princières.

Cette démonstration est construite en écho à celle proposée concomitamment par le château de Fontainebleau, qui placera les cartons des Chasses Royales réalisés par l’artiste au centre de toutes les attentions. Si la genèse, l’exécution technique ou la place qu’occupent ces œuvres monumentales à Fontainebleau seront présentées à la lumière de leur récente restauration, le propos sera aussi élargi aux chasses d’Oudry et à leur extraordinaire succès au XVIIIe siècle.

LE DÉTOUR PAR L’ANIMAL
Représentés à la chasse, en portrait ou au combat, les animaux d’Oudry sont des références incontournables du règne animal en images. Parmi ses œuvres ayant le plus fortement pénétré notre imaginaire visuel, ses illustrations pour les fables de La Fontaine s’imposent comme un modèle d’efficacité graphique.

Ce temps de l’exposition nouera un dialogue avec l’ADN même du château de Chantilly, puisque les fables animalières rejoignent par leur fonction deux de ses ensembles décoratifs les plus emblématiques : la Grande et la Petite Singerie, attribuées à Christophe Huet. Que ce soit en convertissant la famille de Bourbon-Condé en singes ou en montrant ces animaux s’adonner aux activités d’un quotidien princier, ces singeries jouent des mêmes ressorts que les fables : le détour par l’animal est un subterfuge pour mieux faire rire et cibler des traits propres à la nature humaine. On mesure ainsi combien l’attention prêtée au monde animal par le XVIIIe siècle est anthropocentrée. Déguisant les travers de ses mœurs ou de sa classe dirigeante en animaux pour ne s’en moquer qu’à demi-mot, cette époque porte précisément Oudry ou Huet aux nues parce que le miroir tendu par leurs représentations animales à sa comédie humaine joue des charmes de l’exotisme et de l’altérité sans se départir ni de raffinement, ni d’humour.

OUDRY À CHANTILLY
Du triptyque cynégétique commandé à Oudry par le prince de Condé et représentant des chasses au loup, au renard et au chevreuil, seules les deux premières compositions sont encore conservées au château de Chantilly. Toutes trois installées dans la salle des Gardes du château, elles sont saisies à la Révolution puis séparées sous la Restauration : tandis que les chasses au loup et au renard sont restituées à la famille de Condé, La chasse au chevreuil est transférée au musée des Beaux-Arts de Rouen en 1820.

Enrichies des nombreux apports résultant d’une restauration inédite, les deux Oudry de Chantilly seront présentés sous un jour nouveau, dans le cadre de cette exposition qui réunira les trois toiles afin de reconstituer dans son intégralité le décor conçu par Oudry pour le château : une première depuis la Révolution française qui permettra au visiteur de plonger dans le processus d’élaboration picturale d’Oudry.

OUDRYMANIA
Oudry ne connaît pas de temps mort dans l’histoire du goût. L’efficacité de ses compositions ressort indiscutablement de leur adaptation immédiate dans les arts décoratifs. Ses illustrations des fables de La Fontaine sont copiées pour intégrer des panneaux de boiserie, des dessus-de-porte, voire des garnitures de fauteuil, et ainsi se diffusent largement dans le décor des grandes demeures. Les chasses qu’il peint sont aussi reprises pour l’ornementation de services et surtouts de table en porcelaine. Régulièrement réédités au fil du temps, ces objets sont appréciés du duc d’Aumale.

En continuant à imprimer les illustrations d’Oudry dans les recueils de fables de La Fontaine, le monde de l’édition confirme le succès ininterrompu de ses compositions et fait lui aussi apparaître cette Oudrymania qui s’introduit dans la vie quotidienne. Pour offrir un aperçu des multiples « produits dérivés » qu’engendrent les trois chasses peintes pour le château de Chantilly ou les dessins de fables, l’exposition réunira différents objets témoignant de leurs reprises sous diverses formes. Qu’elles soient gravées, tissées, éditées, peintes, sculptées ou modelées, ces reprises permettront de mesurer l’immense fortune que connaissent les compositions d’Oudry, bien au-delà de leur seule exécution par l’artiste.

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