Paul Nicolas (1875 – 1952) est issu de l’École de Nancy. Élève d’Émile Gallé dont il rejoint l’entreprise en 1893 avec le titre de « décorateur -dessinateur – vernisseur ». Il y est plus particulièrement chargé de la décoration florale des pièces , mais est peu à peu initié à touts les métiers verre, y compris au maniement de la canne, il acquiert une expérience solide.
Il crée en 1919 sa propre entreprise avec le soutien des Cristalleries de Saint-Louis et met à profit ses connaissances techniques et artistiques pour créer des pièces non-figuratives de grande qualité, récompensées par de nombreux prix obtenus dans les grandes expositions internationales, dans les années 1920-1930.
Il signe d’abord ses productions d’Argental, puis, à partir de la fin des années 1920, P. Nicolas, en y ajoutant de temps en temps la mention Nancy.
Le style de Paul Nicolas évolue avec le temps : les œuvres signées d’Argental sont typiques de l’École de Nancy, puis s’en écartent progressivement, en particulier en témoignant de l’influence de l’art déco ; les œuvres signées Paul Nicolas qui sont donc plus tardives, témoignent de la recherche personnelle de l’artiste vers la stylisation, ainsi que vers des techniques mettant en valeur le cristal, seule matière sur laquelle il travaille jusqu’à la Seconde Guerre mondiale ; au sortir de celle-ci, ne pouvant plus se fournir en cristal à Saint-Louis, il travaille le verre jusqu’à sa mort en 1952.
Il utilise au cours de sa carrière l’ensemble des techniques de travail du verre et du cristal : émaillage, gravure à l’acide, gravure à la roue, taille à la meule, applications à chaud, décor intercalaire…
Un répertoire naturaliste
Avec trois autres verriers connus chez Gallé, Villermaux, Windeck et Mercier, Paul Nicolas créé l’association des « Graveurs réunis », et passe un contrat avec la cristallerie de Saint-Louis pour la fourniture des bruts, dont il effectue le décor à Nancy.
Après la dissolution de l’association, il poursuit son activité sous son nom et sous le nom D’Argental, associé parfois à une croix de Lorraine.
Cette première et intense période d’activité est caractérisée par des modèles de vases dans la tradition de l’Ecole de Nancy, à décor naturaliste gravé à l’acide. On y retrouve les thèmes floraux chers à Gallé comme l’orchidée ou l’anémone, chers à l’Art nouveau, comme les iris, le datura, le ginko ou le nénuphar. Les formes sont simples et le décor s’y déploie de manière contrastée, par le jeu des oppositions colorées des couches de cristal et de la morsure de l’acide.
La faune trouve naturellement sa place au milieu du décor de feuillage, avec le motif récurent des oiseaux. A de nombreuses reprises P. Nicolas s’intéresse au monde aquatique des poissons et il remporte le titre de « meilleur ouvrier de France » grâce à un vase à motifs de poissons rouges, dont le musée des beaux-arts de Nancy conserve une version. Le répertoire s’enrichit également de motifs originaux, comme ces vases décorés de grands paysages montagnards ou urbains.
Les objets utilitaires
Sous le pied du vaporisateur à décor de fuchsias, on peut encore voir l’étiquette des Galeries Lafayette témoigner de la collaboration de Paul Nicolas avec des grands magasins. On sait par ailleurs que Paul Nicolas avait un dépôt à Paris, rue Marbeuf. Bonbonnières, lampes, lampes berger, vaporisateurs… tous ces petits objets du quotidien mis au goût du jour constituaient pour un atelier comme celui de Paul Nicolas un fond de commerce essentiel. L’importance d’être représenté à Paris ne fait aucun doute et l’artiste, en difficulté après la crise de 1929, ne pouvait se contenter du seul marché nancéien pour survivre.
Les pièces à décor de frises
Bien vite, Paul Nicolas se démarque de ses contemporains et du style strictement hérité de Gallé pour innover dans le décor des vases gravés à l’acide. C’est tout particulièrement dans la composition des décors qu’il va prendre son indépendance, en employant le principe de frises superposées. Ces registres sur lesquelles se détachent des motifs répétés lui permettent de jouer avec brio des effets contrastés de couleur de cristal et d’introduire de jolis effets de fonds en « faux unis ». Même lorsqu’il a abandonné la gravure à l’acide au profit de la taille et du meulage, Paul Nicolas utilise toujours ce travail en frise.
Les pièces à décor d’effets de matière
Dans les années 30, Paul Nicolas s’intéresse à d’autres techniques décoratives, à l’instar de verriers contemporains tel Maurice Marinot (1882-1960). L’ordonnance stricte d’un décor dégagé fermement disparaît au profit d’un jeu subtil de couleurs et d’effets de matière aléatoires. Les formes des vases, plus épurées, laissent s’exprimer la magie du travail du verre : inclusions d’oxydes et bulles jouent à créer un mouvement intérieur inédit.
Le décor géométrique
Les années 30 voient se développer un style décoratif où domine la ligne géométrique. Sans doute tenté par cette orientation moderne, Paul Nicolas l’utilise de manière variée et dans des techniques fort différentes. Avec la gravure à l’acide, le dessin est découpé de manière franche et les couleurs participent pleinement au jeu des formes. Les motifs en relief organisés en frise révèlent les jeux de matière des verreries à inclusion. La taille profonde des motifs géométriques sur les verreries monochromes permet de jouer sur le registre de l’ombre et de la lumière.
Les dernières pièces : les verreries émaillées
La deuxième guerre mondiale interrompt une nouvelle fois brutalement le travail de Paul Nicolas. Sa collaboration avec Saint Louis pour la fourniture des vases bruts est stoppée net par la nouvelle annexion de la Moselle. L’artiste fait appel à la manufacture Daum pour la fourniture de blancs et s’oriente vers des techniques décoratives plus simples à mettre en œuvre.
Toute la dernière partie de sa production est consacrée à des pièces émaillées, nécessitant une simple cuisson finale. Il tend vers une stylisation et une concision de ses motifs sans pour autant délaisser tout à fait des compositions qui rappellent ses dessins de jeunesse (pavots). Dans l’histoire familiale, le petit vase à motifs de poissons laissé inachevé et d’une touchante simplicité occupe une place à part : c’est alors qu’il travaille à son décor que Paul Nicolas est pris d’un malaise et décède.
En savoir plus:
Le musée de l’Ecole de Nancy
http://www.ecole-de-nancy.com/